Thursday thunder: Arkansas shame

Il y a presque un an, j'écrivais un billet du jeudi intitulé " Alabama shame " alors que cet état venait de faire passer une loi anti avortement très stricte, discrètement, pendant que le monde plongeait dans la pandémie. Et bien aujourd'hui, comme pour enfoncer un peu plus les femmes, c'est au tour de l'Arkansas où le gouverneur vient de promulguer, de son propre chef, parce qu'il sait mieux que les femmes, toutes les femmes, ce qu'elles doivent faire, une interdiction totale ou presque d'avorter.

Je suis encore obligée de citer Simone de Beauvoir, qui avait mille fois raison en affirmant: " N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. " Il semblerait que le gouverneur de l'Arkansas soit d'accord avec elle, puisqu'il profite de la crise sanitaire, politique et économique, pour aller à l'essentiel, c'est à dire attaquer les droits des femmes. C'est évident, il est bien plus urgent, pour le bien être de ses concitoyens, d'interdire l'avortement que de lutter contre la pandémie. Avec plus de 325 000 cas de covid pour un peu moins de 3 millions d'habitants, 17,2 % de la population en dessous du seuil de pauvreté (un taux qui en fait un des états les plus défavorisés des US) et un racisme endémique qui poursuit toujours ses ravages, il n'y a rien d'autre à faire en Arkansas. C'est certainement la faute aux femmes qui avortent tout ça.

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Ce gouverneur dévoué, Asa Hutchinson, considère donc que les femmes ne doivent en aucun cas avorter, sauf peut être éventuellement si leur vie est mise en danger par la grossesse, et encore, on est bien sûr que la mère va crever? Non parce que si cette cruche meurt trop vite, le fétus sera pas viable, quel égoïsme quand même! Oui, je suis crue, mais ce n'est pas moi qui ai commencé. Je vous rassure, ce brave homme n'est pas le seul à mener ce combat essentiel, puisque depuis le début de l'année, alors que les US sont ravagés par la pandémie et des soubresauts politiques à faire passer les pays latino américains post indépendance pour des modèles de stabilité, pas moins de 384 lois anti-avortement ont été présentées dans différents états. 384 en deux mois. Dans le Tennessee, un violeur ne risque rien, mais il peut maintenant envoyer sa victime en prison si elle tente d'avorter. C'est clair qu'il l'a agressée dans un souci reproductif qu'on ne peut qu'encourager, non? En Caroline du Sud, on ne peut avorter qu' avant qu'il soit médicament possible de savoir qu'on est enceinte. Même chose en Idaho, North Dakota et Oklahoma. Après, on est empoté aussi, à ne pas nous rendre compte dans la milliseconde qu'un spermatozoide a réussi par hasard, à ne pas se perdre. En Ohio, malgré les fermetures temporaires dues au covid et les déserts médicaux, on vient d'interdire la télé consultation pour les premières démarches en vue d'un avortement, mais on l'encourage pour absolument toutes les autres demandes médicales. Dans le Montana et l'Indiana, les médecins, pour avoir le droit de pratiquer des avortements, sont légalement obligés d'informer leurs patientes qu'il existe des drogues qui annulent les effets des médicaments abortifs. Même si ces drogues sont d'une efficacité douteuse et dangereuses pour la santé...je pourrais continuer mais je commence à avoir des nausées.

Il n'y a pas qu'aux États Unis qu'on profite de la crise actuelle pour s'attaquer aux droits des femmes évidemment. En préparant ce billet, j'ai voulu retrouver la liste établie par Umberto Eco pour reconnaître les signes de l'avancée du fascisme, le sexisme étant l'un d'eux. Je suis tombée par hasard sur une conférence du centre de l'éducation à la citoyenneté de Belgique qui explique la politique nataliste des nazis: " officiellement, on va lutter contre l'avortement (...) alors qu'il y a quelque 700.000 avortement, chaque année, en Allemagne : rien que la moitié constituerait une armée ". Voilà, je vais me rouler en boule sous ma couette...