Thursday thunder : let us speak!

On s'éclate en ce moment de l'autre côté de l'Atlantique. Je ne parle pas de la pandémie, mais de la campagne électorale. Après le " shut up man " de Biden face à Trump, le débat des candidats à la vice présidence nous a donné un sublime " I'm speaking " de Kamala Harris en réponse à Pence qui l'interrompait encore une fois. Le calme imperturbable de la sénatrice ne cachait pas son air entendu, celui que toutes les femmes ont reconnu, celui qui ressort chaque fois qu'un homme coupe la parole à une femme, pour l'aider bien sûr, et lui expliquer ce qu'elle est en train de dire alors que lui-même n'y connaît rien.

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Tout le monde n'est pas Pence en plein débat électoral, il aurait probablement coupé la parole à n'importe qui d'autre, y compris un homme. Mais il l'a fait avec d'autant plus de désinvolture et de mauvaise foi, et même d'habitude, qu'il s'adressait à femme. A l'inverse beaucoup tombent à leur tour dans le mansplaining non par calcul (electoral en l'occurrence, et ça a raté) mais pour aider, ils sont plein de bonne volonté. C'est évident, on est toutes de pauvres petites choses incapables de nous exprimer par nous-mêmes et ils vont le faire pour nous, en commençant par nous couper la parole. Pour notre bien donc. Ahaha. Et bien non, ça n'aide pas. C'est au mieux terriblement impoli. Au pire, ça dénote de tout leur sexisme, de tout leur mépris pour les femmes tellement ancrés dans leur inconscient qu'ils ne s'en rendent pas compte.

C'est ce malheureux à moitié illettré qui coupe la parole à une femme parce qu'elle " décrébilise son argument en faisant un point Godwin et il va lui montrer comment il faut dire", alors qu'elle parle de la deuxième guerre mondiale et se trouve être une des universitaires britanniques les plus qualifiées sur le sujet. C'est ce collègue qui va expliquer à cette femme comment prononcer correctement son propre nom. Ceux qui nous expliquent (alors qu'ils n'ont aucune compétence médicale) comment accoucher, comment allaiter, ce que ça fait vraiment d'avoir ses règles, comment gérer la ménopause. Ceux qui vont remettre en cause les paroles en médecine d'une médecin. Ceux qui interrompent JK Rowling pour lui démontrer qu'elle n'a rien compris aux livres qu'elle a écrit. Ce parent d'élève anglais et uniquement anglophone, corrigeant ma prononciation en français. Je pourrais continuer longtemps...alors bien sûr, les connards imbus d'eux mêmes, persuadés d'avoir la science infuse et incapables de la plus élémentaire des politesses, vont tout aussi bien couper la parole à des hommes. Il y a des connasses imbues d'elles-mêmes aussi. Mais bizarrement, même le pire des machos hésite un peu avant de couper la parole à un spécialiste masculin pour lui expliquer ce qu'il vient de dire. Alors que beaucoup le font sans s'en rendre compte, presque machinalement quand c'est une spécialiste.

Et bien, depuis hier soir, on sait toutes comment répondre. Avec politesse, fermeté, et ce petit air exaspéré qu'on a quand on s'adresse à un gamin qui fait un caprice: tais-toi, je parle. I'm speaking.