Le trekking du mercredi

Armés de notre caddie et notre détermination, WizzBoy et moi continuons à descendre notre rue à pied tous les mercredis pour aller au ravitaillement, chez les commerçants du village. De toute façon, on ne peut plus passer en voiture à cause des travaux...mais on ne peut presque plus passer à pied non plus. C'est carrément l'aventure, d'aller chercher du pain!

Le trekking du mercrediSource ça ressemble à ça. En plus boueux.

Ça commence doucement, WizzBoy regarde où tu vas avec ton chariot, tu vas tomber dans la tranchée! Au moins, ça fait rire l'ouvrier qui était perdu au fond, on ne le voyait même plus dépassé. C'est profond cette tranchée...Marichéri se demande si ce n'est pas une ruse, cette histoire de refaire les canalisations, si ça trouve, ils cherchent du pétrole. Ou alors, c'est atavique, en tant que descendants de mineurs, une fois que les ouvriers ont commencé à creuser, ils n'arrivent plus à s'arrêter? Wizzboy, attention...ça y est, le chariot est embourbé dans un tas de terre, style terril, et on n'a pas fait 10 mètres. J'essaie de le ressortir pendant que Wizzboy fait du trampoline sur les plaques en métal qui recouvrent en partie certains trous béants. C'est plus une route, c'est une taupinière géante. La tension monte, une pelleteuse arrive à toute vitesse du bout de la rue, et je suis toujours coincée avec mon chariot au milieu de la boue avec une roue encastrée dans une grille du chantier. Ça sent le film catastrophe, je tire sur mon chariot, qui projette des giclées de boue sur mon jeans mais refuse d'avancer, la pelleteuse fonce toujours droit sur moi à la vitesse éclaire de...euh, ben d'une pelleteuse. Bon d'accord, même lancée au galop comme ça, elle n'avance pas très vite, mais la tension monte quand même jusqu'à ce que le chef de chantier, n'écoutant son courage (c'est normal, il a un casque anti bruit, il ne peut pas écouter autre chose) vienne m'aider à libérer le chariot en me hurlant dessus " bonjour, fait pas chaud ce matin " . Le drame est évité, le chariot est sain et sauf, et la pelleteuse passe à côté en klaxonnant pour saluer Wizzboy ravi.

Oui bon, j'ai peut-être paniquée pour rien, mais on a fait 5 mètres en 10 minutes avec tout ça et on arrive à la partie entièrement défoncée de la rue, plus aucune trace de macadam ni de passage pratiquable. Il y a une tranchée à gauche, une ligne de monticules de terre boueux au milieu, une deuxième tranchée à moitié rebouchée à droite, et une kyrielle de " ponts ", de plaques métalliques branlantes, réparties au hasard. Wizzboy se prend pour Indiana Jones et fonce dans le tas, littéralement, pendant que je tente de faufiler le chariot, en équilibre sur une roue entre une canalisation qui dépasse et une grille hirsute, prête à se jeter sauvagement sur mes roues (celles du chariot je veux dire, mais on se comprend). Le chef de chantier nous salue, WizzBoy, le chariot et moi. Visiblement, il nous parle, mais je ne sais pas lire sur les lèvres. Non parce qu'avec le vacarme des marteaux piqueurs, je ne comprends rien. De toute façon, je ne comprends pas son accent ch'ti même quand c'est silencieux...il a l'air content, je vais sourire poliment, ça va passer. Wizzboy en profite pour s'emparer du chariot et faire une embardée sur une des plaque de métal. Ça surprend un ouvrier qui se cachait au fond d'une tanche et il en lâche son mégot. J'espère qu'il était pas en train de refaire les canalisations du gaz, celui-là...on est arrivé à la moitié de la rue, on y croit, ça va le faire. Et là soudain, c'est le drame. Le chariot échappe à Wizzboy et décide de continuer tout seul.

Le chariot dévale la rue, zigzaguant avec une souplesse surprenante entre les tranchées et les tas de graviers, WizzBoy et moi à ses trousses sous les éclats de rire de tout le chantier. La pauvre bête (je parle toujours du chariot) finit sa course sur le flanc, allongé de tout son long dans une flaque de boue. C'est un ouvrier compatissant qui vole à son secours et le redresse pendant que j'essaie d'enjamber une tranchée pour le rejoindre, avec des grâces d'hippopotame unijambistes, attention, il s'agit de ne pas tomber... Et je dérape dans la boue, youpidoo. Wizzboy en profite pour demander au monsieur si il peut visiter sa tranchee... bon, ça suffit comme ça, je reprends mon chariot d'une main, mon gamin de l'autre et ce qui reste de ma dignité, je remercie les ouvriers pour leur aide et je vais faire mes courses, non mais.

Donc ça, c'était juste l'aller, en descente et avec le chariot vide. Il a fallu remonter. Ça a été pire. Encore 4 mois de travaux, minimum. Ça va être long, mais long...