Thursday Thunder: brexit blame game

Il y a longtemps que je n'avais pas parlé du brexit, non pas que ça m'énerve moins, mais parce que j'ai l'impression de radoter. On en est toujours au même point: les négociations n'avancent pas d'un iota, les européens en UK sont toujours traités comme des sous citoyens et vivent dans un stress permanent dû à l'incertitude autant qu'aux tracasseries administratives, et le gouvernement s'enfonce dans l'incompétence, en ne faisant aucun préparatif réaliste à part celui de transformer tout un comté (le Kent) en parking géant pour camions éventuellement bloqués devant la Manche. La routine brexiteuse. Mais bon, même en ces temps de pandémie, ça va finir par se remarquer, si il y a un no deal, aucun accord entre l'UE et le UK d'ici le 31 décembre. Il ne s'agirait pas que le bon peuple fasse des reproches à Johnson and Co, si il se trouve soudainement coincé sur son île au 1 janvier...imaginez si tout à coup, les électeurs se rendent compte de l'incompétence, de l'ignorance, du jusqu'au boutisme imbecile des brexiteurs! Vite, vite il faut faire diversion et designer un autre coupable.

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Alors donc le gouvernement britannique qui s'enferme tout seul sur des positions contradictoires dans les négociations, qui refuse d'accepter ce qu'il a exigé lui-même de signer il y a moins d'un an, qui découvre tout à coup les lois internationales et décide de s'assoir dessus, qui fait tout pour ne pas trouver d'accord, qui insulte ses partenaires européens, parfois en usant d'une rhétorique militaire, qui pinaille sur des détails en se moquant éperdument de l'essentiel (comment les médicaments et la nourriture pourront continuer à transiter par exemple...), ce gouvernement donc, qui voit le no deal s'approcher à grand pas, a trouvé le coupable idéal: c'est la faute des français. Ah. J'avoue que je n'y avais pas pensé. Comme ça a priori, en suivant un peu l'actualité brexiteuse, ça ne m'avait pas sauté aux yeux. J'aurais plutôt dit que c'était les voltes faces, les entêtements et les errements des britanniques face à la position claire de l'Union européenne. Mais c'est pas grave, on le sait depuis 4 ans, en matière de mensonge politique, plus c'est gros, plus ça passe, pourquoi se gêner?

Donc si il y a un no deal, ce n'est pas à cause de ces gentils petits bisounours brexiteurs qui affirment haut et fort, en plein parlement qu'ils ne respecteront pas le premier accord signé et qu'ils violent les lois internationales si ils veulent et que c'est celui qui dit qui y est. Pas du tout. C'est la faute des français qui paraît-il refusent de céder sur les droits de pêche. Nous voilà bien. Déjà, je rappelle qu'on parle d'une négociation, pas d'une foire d'empoigne dans une cour de récréation. Une négociation entre adultes je veux dire, où chacun est sensé faire des concessions pour arriver à un compromis qui satisfait toutes les parties. Il n'y a pas un côté qui doit " céder " sur tous les caprices de l'autre qui refuse tout par principe. Ensuite, ça fait 4 ans que Bruxelles et les 27 (et donc de la France) expliquent patiemment les règles du jeu aux brexiters, en matière de droits de pêche comme pour le reste, ce n'est pas leur faute si ces braves gens découvrent d'un coup ce qu'on leur répète depuis si longtemps. Cela dit, ça les contrarie vivement, que les français, comme les autres européens, choisissent eux de respecter le droit international. C'est clairement une vile tentative de sabotage des négociations, non? Et puis, comme l'a dit un ministre britannique dont je préfère taire le nom parce que ça me donne des nausées d'évoquer ce monsieur Gove, il suffirait que les français fassent comme les brexiteurs et violent la loi pour qu'il n'y ait plus de problème à la frontière. C'est sûr.

Le pire, c'est que ça marche! Les médias reprennent benoîtement la réthorique du gouvernement, bouh les méchants français qui bloquent notre nirvâna brexiteur . Ce qui me rassure, c'est que je sais bien que la semaine prochaine, ce sera le tour des irlandais ou des allemands, ou des martiens, d'être tenus responsables des errements de Johnson et de son gouvernement. On se demande comment les négociations n'avancent pas, avec ce genre d'attitude, cette mauvaise foi et ce climat anti européens savamment entretenu, tiens...welcome to Brexitland.

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