Ex-expat


J’en ai parlé l’autre jour (oui, j’ai la flemme de vérifier quand), mais je commence doucement à me rendre compte que je ne suis plus une expat, une immigrée. Je vis dans mon pays de naissance, celui dont j’ai la nationalité. Je ne dis pas que je suis française en France, ça risque encore d’être mal interprété. Je ne parle pas de la France, je parle de mon identité, de mon ressenti. Ça serait exactement la même chose si j’étais espagnole en Espagne, ouzbek en Ouzbékistan ou ce que vous voulez, je préfère prévenir à cause des trolls et autres nationalistes qui n’ont rien de mieux à faire qu’à tout interpréter à travers le prisme de leurs idées malsaines et à se déchaîner sur leur clavier…enfin bref, après les premiers mois de découverte et de dépaysement où notre « retour » s’apparentait plutôt à une nouvelle expatriation qu’autre chose (c’est d’ailleurs comme ça qu’on l’a envisagé), il faut bien que j’admette que je suis une ex-expat, une impat. C’est nouveau et c’est très curieux pour moi.

Ex-expat

Je ne suis pas la seule et ce n’est pas moi qui ai inventé le terme impat (on parle aussi d’impatriation) pour ceux qui reviennent après une expatriation plus ou moins longue. Le blues, la déprime, voire dans les pires des cas, la dépression des ex-expats sont courants. On parle souvent de choc culturel inversé. On ne connaît plus le pays dans lequel on revient et on n’arrive pas à s’y adapter. Il y a aussi ceux qui idéalisaient leur retour et tombent de haut: non seulement tout a changé mais on ne nous a pas attendu. Tout le monde s’en fout de notre expérience à l’étranger, on aurait même plutôt tendance à nous la reprocher. Il y a encore ceux qui sont désagréablement surpris de retrouver intact ce qui leur avait donné envie de partir au départ. Je ne suis ni l’une ni l’autre. Le choc culturel, je n’attends que ça! C’est justement parce qu’il commence à s’estomper que je le vis mal. Je n’idéalisais rien non plus, on n’a pas choisi la France pour y revenir mais pour sa proximité géographique avec Londres où Marichéri travaille plusieurs jours par semaine. Il n’y avait aucune nostalgie ni aucune attente, on ne peut donc pas être déçu. Quant à retrouver ce qui m’aurait fait partir…je ne suis pas partie pour fuir quoique ce soit, pour quitter la France, mais pour découvrir ailleurs. C’est juste la curiosité qui m’a poussée à faire mes valises la première fois et j’y ai pris goût.

Toute ma vie d’adulte, j’ai été entre deux pays, deux langues, deux cultures et c’est délicieux. Je fais quoi maintenant? Je suis perdue. Je me cramponne à tout ce que je peux avoir de british. Il paraît que ça se voit dans ma façon de m’habiller, dans la déco de ma maison, dans certaines de mes manières d’être (sérieusement, c’est quoi le problème avec le personal space ici?)… ce n’est pas volontaire, mais quand on m’en parle, j’en suis ravie. Je fais aussi régulièrement ce qui m’exaspérait au plus haut point de la part de certains expats: je compare tout avec le pays d’où je viens, c’est à dire avec l’Angleterre. Et même parfois avec l’Irlande. Je me suis même surprise à reparler du Mexique. Je me tape sur les nerfs moi-même à toujours faire référence aux pays où j’ai pu vivre avant, à m’y raccrocher comme une ancienne chanteuse has been à sa célébrité oubliée (c’est une image, je n’ai pas l’intention de faire des vocalises. Je vous rassure). Ça doit être pénible pour les autres, mais c’est plus fort que moi. Être expat, être immigrée fait tellement partie de mon identité que je ne sais pas faire sans. Je ne sais pas être française en France et ça m’angoisse un peu. D’un côté, je ne maîtrise pas encore tout, et ça me rassure, j’ai encore plein de découvertes ou redécouvertes à faire, d’un autre côté, je me demande si je ne force pas inconsciemment le trait, justement pour ne pas perdre ma mentalité d’expat. Mais comme j’étais une expat qui voulait s’intégrer, c’est contradictoire. C’est aussi extrêmement mal expliqué, mais c’est encore plus fumeux dans mon pauvre petit cerveau…

Pour certains (et je ne critique pas du tout), être de quelque part fait partie de leur identité, ils se définissent entre autre par leur appartenance à une communauté géographique, que ce soit leur pays de naissance ou leur quartier. Ce n’est pas mon cas. Ça ne m’empêche pas d’être attachée à des lieux, mais j’ai construit toute ma vie et ma façon de penser sur le fait d’être d’ailleurs. Bon, en même temps, quand on me demande d’où je viens en France et que je réponds des Landes, à 1000 kilomètres d’ici, ça a un petit côté d’ailleurs. Mais pas assez pour que je me sente encore expat.