Domesday Book


Il y a longtemps qu’on n’avait pas parlé histoire…comme je n’ai strictement aucune légitimité pour ça mais que je prétextais astucieusement du fait de vivre en Angleterre pour pouvoir allègrement en massacrer l’histoire, je n’osais plus y toucher depuis qu’on est en France. Mais bon, ça m’amuse quand même beaucoup…et là, j’ai trouvé la parade! Je vais continuer à massacrer l’histoire anglaise, mais uniquement quand ça a un rapport avec la France: la guerre de 100 ans, Alienor d’Aquitaine et une pelletée de Royals, des choses comme ça, et toc. Je commence avec le Domesday book, surtout que c’est son anniversaire aujourd’hui. Le petit coquin a exactement 932 ans, il a été présenté à Guillaume le conquérant (d’où le rapport évident avec la France) le premier août 1086. Bonjour, je suis le roi et vous? Bonjour, je suis un futur manuscrit référence dans l’histoire anglaise.

Domesday Book

Quand Guillaume est arrivé en 1066, en touriste, c’était la pagaille. C’est bien joli d’envahir un pays mais il faut encore s’y repérer. Ce serait ridicule pour un conquérant de se perdre au premier carrefour venu. Et Guillaume était très gentil, il faisait plein de cadeaux à ses petits copains, un bout de terre piqué aux saxons par ci, un château arraché à Harold par là. Ça aurait été ballot de donner deux fois le même, suite une erreur administrative regrettable. Son prestige de conquérant s’en serait ressenti, c’est certain. Malheureusement, à l’époque, pas de Google map, et il faut bien le dire, la technologie du satnav n’était pas encore au point (ils se servaient de rapaces au lieu de satellites, c’est ridicule). Guillaume/William en a eu marre, il a donc décidé en 1085 de commissionner un grand livre. Il a fallu un an aux inspecteurs du recensement pour pondre le Domesday Book qui n’est donc rien de plus qu’un annuaire illustré. Il est en deux volumes, le little domesday book recense l’Essex, le Norfolk et le Suffolk, c’est à dire mon ancien coin d’Angleterre et le reste du pays est consigné dans le great domesday book.

Guillaume/William n’a pas fait ça uniquement pour épater les historiens ou ennuyer des générations d’écoliers. Figurez-vous qu’envahir un pays, ça occasionne des frais. Déjà, il a fallu prévoir une sorte de croisière spectacle avec chevaliers et montures, vu que les wagons à bestiaux le shuttle sous la manche ne fonctionnait pas encore. Bien sûr, en grand visionnaire, il a pensé à organiser une campagne marketing osée, avec banderole publicitaire (qu’on peut toujours voir à Bayeux je crois) mais quand même. Et puis les saxons n’ont pas voulu s’effacer comme ça, alors que leur roi Harold avait pourtant un nom ridicule. Il a été obligé de les massacrer un peu, et là encore, ça coûte (un bras si on était saxon, voir plus). C’est pas le tout de se décarcasser à civiliser ces barbares, à leur construire des tas de jolis châteaux forts partout (et donc développer l’industrie du tourisme, l’English Heritage peut dire merci!), il faut penser à soi un peu. Le Domesday Book recense donc tous les settlements, villages, villes et seigneuries, et définit les impôts que ces braves gens devaient au roi. Ben oui, faut pas rigoler non plus, Guillaume/William ne faisait pas dans le bénévolat.

Le domesday book a suivi les rois d’Angleterre, du château de Winchester (comme la belette) à ses débuts jusqu’à Westminster jusqu’à ce qu’on se rende compte que ce serait peut être sympa de le conserver correctement, vu son grand âge et son intérêt historique au lieu de le laisser comme ça aux mains des Royals. Il est aujourd’hui aux archives nationales à Londres, on peut le voir sous verre et il a été numérisé. Si ça vous dit de savoir combien Guillaume/William faisait payer d’impôts aux saxons conquis…