le train pour Paris


Comme Martine, il m’arrive des trucs formidables…C’est fou ce sens de l’aventure quand même. Bon, après avoir fait des mystères la semaine dernière, je peux le dire: j’ai passé la journée à Paris (je ne donnerai pas plus de détails pour l’instant…et paf, voilà que je fais du teasing) avec deux filles absolument formidables et d’une détermination sans faille pour défendre les français victimes du brexit, d’autant plus que beaucoup courent le risque d’un retour forcé et très rapide d’ici un an ou deux. On ne lache rien. Mais bon ça m’a sorti aussi…pomdepin dans la vraie vie au milieu de vrais gens….je me fais peur moi-même parfois, c’est pas possible d’être aussi asociale.

le train pour Paris

Il faut dire aussi que ça n’aide pas de ne rien voir, avec mes yeux toujours boursouflés et larmoyants. Pour une fois que je vais quelque part, je ressemble à un lapin ébouriffé en phase purulente de la myxomatose, c’est pas malin. Vive les lunettes de soleil. Comme ça dans le métro, non seulement je vois trouble mais aussi sombre, c’est idéal pour foncer dans un poteau. Youpidoo. De toute façon c’est mal conçu, qu’est-ce qu’il faisait là ce poteau? Aïe. Mon asociabilité chronique s’est déclenché dès la gare la plus proche de mon trou perdu, qui reste quand même dans une ville qu’on peut qualifier de moyenne en comptant large. Je m’attendais à croiser trois voyageurs aussi égarés que moi et bien pas du tout. Comme ça, pratiquement en rase campagne, il y avait une colonie d’ados néerlandophones piaffeurs et leur prof. Sérieusement? A chaque fois que je prends le train en France, c’est à dire une fois par décennie (et ce n’est pas de l’exagération), je subis une horde de boutonneux hurleurs et hollandais. C’est un gag ou quoi?

Heureusement, grâce à la tarification innovante de la SNCF, j’étais en première (ce qui m’a coûté 40 euros de moins que le billet seconde, faut pas chercher…), j’ai abandonné mes ados en folie pour plusieurs couples rassis. Chevalière, carate rayée et vrai faux carré hermès de rigueur. C’est qui ces gens? Ils existent vraiment ou ce sont des figurants payés par la SNCF pour meubler la première classe? Je connais la réputation des bourgeois du nord certes, mais j’ai y vécu suffisamment longtemps pour savoir qu’elle est totalement fausse. En tout cas, je faisais tâche, et pas que à cause de mes yeux qui continuaient à couler allègrement. La conversation était captivante: la justice est trop laxiste, le maire n’arrivera à rien, tu as vu la tenue de Serena Williams, si on remettait les travaux forcés ça les calmerait, Thérèse Bertaud (Berthot?) a vendu dans son état c’est mieux, avec tous ces étrangers on n’est plus en France, elle vient d’avoir un bébé (je crois que c’était à nouveau Serena Williams, parce que cette pauvre Thérèse a l’air mal en point, elle)….rhaa. J’étais contente de retrouver la colo néerlandaise sur le quai.

J’ai enchaîné avec le métro et ses poteaux bêtement disposés. A ma grande surprise, je ne me suis pas perdue. Par contre, j’ai eu quelques secondes d’hésitation: tout le monde parle français! …ben oui, je suis dans le métro parisien pas le tube londonien, quelle empotée alors. Ça m’a rappelé aussi mes années étudiantes à Dunkerque, je l’ai prise un paquet de fois cette ligne en sortant de la gare du Nord qui est toujours aussi riante et propre, ahaha. Comme j’étais en avance je me suis posée en terrasse pour prendre un café et voir passer les gens…asocial certes, mais aussi curieuse des autres et de ces minuscules bulles de vie qui éclatent et s’évaporent aussitôt quand on prend le temps d’observer, ces touristes perdus, ce papi qui promène son petit-fils, heureux mais tout emprunté avec sa poussette, ce couple qui se dépêche et celui-là qui se dispute, les habitués qui plaisantent avec le garçon, la dame qui passe en courant, accrochée à son téléphone, le club du troisième âge qui débarque du sud-ouest (j’ai reconnu l’accent!) et qui cache son émerveillement parisien derrière des blagues régionalistes, le jogger qui se prend au sérieux…comme quoi, j’aime bien sortir un peu. Sauf qu’après la rêverie, il a fallu se bouger et participer à la vraie vie à mon tour, parler en public devant de vrais gens et tout…(j’en profite pour faire une parenthèse à propos pour une fois, merci les filles, vous êtes formidables et ça a été une joie de partager cette journée avec vous).

Ça m’a épuisé tout ça…pour le retour, je suis tombée sur une abrutie (vous avez vu comme je n’ai pas dit sombre pétasse?) qui devait être occupée à diriger le monde vu les airs débordés qu’elle se donnait. J’ai failli lui faire bouffer le clavier qu’elle pianotait sauvagement dans un cliquetis pincé. Madame était dérangée par le bruit des autres (j’ai reçu un texte, ça a fait légèrement bzzz, bouh la vilaine) et par les interruptions du malheureux contrôleur venu nous proposer des bouteilles d’eau parce que la clim était en panne. Finalement, j’aime bien être asociale…