Bilingual life in France


Depuis un peu plus de 2 mois, on s’applique à speak la France, comme dit Wizzboy. Les enfants font de gros progrès et moi aussi. Bien sûr, je devrais parler français sans problème…en principe. Mais on n’efface pas 21 ans comme ça. Sans m’en rendre compte j’utilise des expressions bizarres, des traductions littérales. J’ai de grands moments de solitude quand un mot, même courant refuse de sortir en français (PrincesseChipie, prends une spoon…oooh maman, don’t speak English!). J’ai des angoisses pas possibles à l’idée de téléphoner à des inconnus (au hasard: plâtrier, plombier, électricien, vive les travaux). Je sais exactement quoi leur dire en anglais, mais pas en français. Je me surprends encore à parler spontanément anglais à de pauvres gens qui me regardent avec les yeux ronds (mais la boulangère est très sympathique et elle prétend qu’elle était ravie d’avoir appris à dire it’s a bit chilly pour il fait frisquet. En vrai, il fait un froid sibérien, mais ce genre d’euphémismes météorologiques est très anglais aussi). Ça fait beaucoup rire les enfants qui s’en sortent de mieux en mieux. PrincesseChipie se débat quand même encore avec les accords et les masculins/féminins. Elle trouve ça idiot: on ne peut pas faire une règle logique pour définir le genre des choses une bonne fois pour toute, non? C’est quoi ce bazar, pourquoi une chaise mais un tabouret? Un bonbon et une sucette? Geekado et KnightyDiva ne se départissent pas de leur accent anglais. J’ai même l’impression qu’il est de plus en plus prononcé. Mais maaaaaman, c’est super classe ici en fait. Ok…Wizzboy fait des progrès fulgurants, mais il a encore du mal avec les pronoms. Ça donne souvent moi, c’est au lieu de je suis. Il apprend par contre des tas d’expressions que je ne connaissais pas auprès de ses camarades. Ben ouais maman, c’est hyper (qui se prononce hyYyper). Ahah.

Bilingual life in France

Mais je ne veux surtout pas qu’ils oublient leur anglais. On a donc décidé que dès que Wizzboy speakera suffisamment la France, on passera à tout en anglais à la maison. Cela dit, on parle encore pas mal notre franglais familial, comme on l’a toujours fait entre nous. Déjà, Marichéri, qui passe beaucoup (trop) de temps à Londres soit disant pour bosser, a du mal à switcher…ah, voilà que ça me reprend. On parle aussi volontairement (et correctement) anglais entre nous très souvent. GeekAdo et KnightyDiva ont très vite compris qu’ils pouvaient communiquer comme ça en toute liberté et sans crainte d’être compris même dans un bus scolaire bondé. Ça m’arrive aussi de parler anglais avec les enfants en public pour que nos conversations restent privées. Et surtout, dès qu’on a quelque chose d’important à expliquer, on passe à l’anglais, les enfants parce qu’ils ne maîtrisent pas encore assez toutes les subtilités du français pour faire passer exactement ce qu’ils veulent dire et moi pour être sûre qu’ils comprennent bien.

J’ai donc droit régulièrement à l’école à des regards en coin. Il y a ceux qui me prennent pour une affreuse snob qui parle anglais à son fils par pure prétention. Généralement, ils ont déjà du mal à me comprendre (pourtant, j’ai toujours mon accent franchouillard en anglais), ils restent bouche bée quand ils entendent Wizzboy répondre. Et il y a les autres, c’est à dire…euh, ben, les affreux snobs. Ceux qui me félicitent et d’ailleurs ils font pareil à la maison, ils parlent toujours anglais avec Eusebe-Ignace et Raymonde-Iphigenie. C’est important que les enfants soient bilingues. C’est sûr. Sauf que ce qu’ils font est certes louable mais ça ne fera pas de leurs enfants des petits bilingues. On ne transmet pas une langue, une culture, une histoire qu’on n’a pas. Je ne parle pas anglais avec Wizzboy pour épater la galerie, mais parce que c’est sa langue (et qu’il la parle mieux que moi). Au même titre que je lui parlais français en Angleterre. Ce n’était pas uniquement pour narguer les brexiters (bon, un peu aussi…).

Bref, la vie bilingue en France, ça a l’air aussi comique (j’avais écrit fun mais j’ai corrigé, je progresse) que ça l’était parfois en Angleterre. On pourrait abandonner, ce dire qu’une fois que les enfants parleront correctement français, c’est bon on peut oublier l’anglais. Sauf qu’ils sont nés en Irlande et en Angleterre, ils ont grandi en anglais, c’est leur histoire et leur culture. L’anglais fait partie de leur identité, comme le français. Sans compter que les parents de Georgette-Salammbo et Hector-Isambar ont raison, c’est une chance énorme d’être, de naître bilingue. Il faut juste qu’on swappe nos langues familiales et sociales par rapport à l’Angleterre. Et qu’on arrête avec le franglais, c’est pénible …