Et écouter couler le Rio Céleste – Costa Rica


On m'avait dit qu'il y avait quelque part vers Bijagua une rivière azur qui serpentait la forêt, que Dieu après avoir peint le monde y avait lavé ses pinceaux et que depuis, on l'appelait Rio Céleste. Arrivée sur la côte pacifique du Costa Rica, le Rio Céleste devint une idée fixe. On me conseilla, plusieurs fois, de ne pas y aller, de rester à la plage, car au vu des précipitations, le rio à cette période serait troublé et, au lieu du bleu pur annoncé, je ne trouverai que boue et déconvenue d'avoir marché si longtemps. Je décidai pourtant de pousser plus avant et, laissant la côte derrière moi, je m'enfonçai dans un Costa Rica que l'on ne visite pas, des routes de terre tranchant dans le vert, celui des collines agricoles entre Canas et Bijagua.

Pourquoi les guides mentionnent peu le Rio Céleste ? C'est un mystère mais il me sied de ne pas l'élucider. Il est vrai que Bijagua n'est pas une ville très avenante. A peine quelques maisons éparpillées par des routes tracées à l'équerre et malgré l'altitude, il y fait aussi chaud que sur la côte. Qu'importe, un lit et un pinto me suffiront en attendant le fameux rio.

Je m'engage donc aux aurores sur les quelques kilomètres de piste qui me séparent du Parc National Tenorio et plonge tête baissée dans la forêt après m'être acquittée de quelques dollars d'entrée.

Si la marche débute sur un chemin de gravier, très vite, lianes et racines reprennent leur droit sur le sentier de terre. De chaque côté, une forêt épaisse d'où il est impossible d'apercevoir la canopée. Si les chances de croiser encore puma et jaguar au Costa Rica sont minces, on dit que c'est encore ici, aux abords du volcan, qu'ils sont les plus nombreux. En attendant une de ces rencontres incertaines, je profite des entrelacs végétaux qui m'entourent, fresque verte tout sauf monochrome.

Au bout d'une heure et quelque de marche, un chuchotement, léger d'abord, couvre progressivement les bruits incessants de la forêt. Machinalement, mes pas se font plus légers, les quelques conversations matinales des marcheurs égarés disparaissent. C'est le Rio Céleste qui s'approche. Et, derrière des branchages encore épais, quelques notes d'une couleur inégalée.

Enfin, Tenideros, le point le plus avancée du sentier, là où demeure la magie. Là où, d'un chemin d'eau banal, la rivière se révèle à elle-même et devient sacrée. Sous l'effet d'une forte concentration de particules d'aluminium, la lumière soudain se diffracte laissant exploser la vraie nature du rio.

Autour de moi, plus un bruit. Comme si la couleur n'était là que pour détourner le regard et qu'à la vérité, le silence puisait sa source dans le rio Céleste. Tout s'engouffre dans le bleu, dans cet instant T où l'on a vu naître le rio, l'avant et l'après, le superflu des espérances, des frustrations passées.

Il y a peu d'endroits sur Terre comme le Rio où la nature parle sans filtre. Il suffit alors de se taire et de laisser le soin à la beauté de nous enseigner ce que l'on a tant de mal à reconnaître ; que chaque fleuve n'est qu'une veine, chaque forêt, un poumon de cet organisme incroyable que nous parcourons.

Après de longues minutes de contemplation, je m'enfonce à nouveau dans la forêt, déjà sûre que ce bleu va longtemps me hanter. Un dédale d'escalier me conduit jusqu'à une clairière aquatique, le bijou de Tenorio caché dans un écrin de végétation. Là, le Rio gronde, exposant en cascade sa force qu'il avait jusqu'ici si bien caché.

Le bouillonnement incessant des pensées s'enfuit. Je ne pense qu'à une chose, à l'intensité de ce bleu auquel chaque feuille répond par un vert contrastant. Bientôt, je quitte le sentier pour suivre en contrebas le lit du fleuve. Entre les grosses pierres, des piscines où il fait bon s'immerger en guettant au loin les coatis venus s'abreuver. Pour quelques heures encore, suspendre le temps, s'entoiler de la douceur du décor. Et écouter couler le Rio Céleste.

Informations complémentaires :

Aller au Rio Céleste :

Du centre de Bijagua, une piste en terre de 10 km vous amène jusqu'à l'entrée du parc. Un 4×4 est fortement conseillé car aucun bus ne dessert la zone et la route est très cahoteuse.

Comptez environ 2h00 de marche (6km) pour l'aller retour jusqu'à Tenidero, l'endroit où l'eau change de couleur.

Le parc Tenorio est ouvert entre 8h et 14h et même si le rio n'est pas très visité, mieux vaut y aller tôt si vous voulez profiter du calme des lieux et avoir la chance de voir des agoutis.

Pensez aussi à vérifier la météo ; il pleut beaucoup dans cette région du Costa Rica et le rio peut être troublé par les fortes précipitations.

Se baigner au Rio Céleste :

Il est interdit de se baigner dans le Parc afin de préserver le rio. Une fois sorti, vous pourrez néanmoins vous arrêter au Puri Lodge, où vous pourrez profiter de la fraîcheur de l'eau. L'entrée sur le site est payant mais, bonheur, il n'y a personne.

Savez-vous que la crème solaire est extrêmement toxique pour la faune et la flore ? Si vous vous baignez dans le rio, pensez à prendre un tee-shirt pour éviter d'en utiliser et vous protéger du soleil. L'autre alternative ? Les crèmes solaires respectueuses de l'environnement 😉

Si vous vous rendez au Costa Rica, n'hésitez pas à consulter mon article complet. Billets d'avion, budget, hébergements, vous saurez tout pour bien préparer votre voyage.