Thursday Thunder: Brexit diary #9


Encore le Brexit. Parce que ça n’arrête pas, ça empire de jour en jour. Je ne sais pas si Zaza profite de la torpeur très relative de la fin de l’été (personnellement, je suis glacée mais c’est peut être psychologique) ou si elle tente n’importe quoi en essayant de se raccrocher désespérément à son job, mais ça va mal. Parce que ça y est, les premières lettres de déportation (c’est le mot officiel utilisé par le home office, le ministère de l’intérieur) ont été envoyées à des européens pourtant ici tout à fait légalement. Voilà. Ça commence. Évidemment, on a eu droit à un rétropédalage médiatique. Mais timide. Très timide. 

Thursday Thunder: Brexit diary #9
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Une européenne a donc reçu une lettre du ministère de l’intérieur lui annonçant au mépris total des conventions internationales, qu’elle était ici illégalement (c’est aussi vrai que Zaza est compétente, que Boris est sain d’esprit ou que les brexiters sont de grands humanistes avec le cœur sur la main) et qu’elle allait être déportée. On lui demandait d’un côté de prendre ses dispositions pour quitter le pays d’ici un mois et de l’autre on l’informait qu’elle pouvait être internée à tout moment.  Déjà, la logique de la chose fait plaisir à voir.  J’aimerais bien que les fonctionnaires du home office m’expliquent comment un détenu peut partir du pays par ses propres moyens? Leurs prisons, c’est des passoires? Cette femme est mariée à un britannique, elle travaille pour une université britannique, elle paie des impôts britanniques et elle est spécialiste de l’histoire britannique. En tant qu’européenne, elle a parfaitement le droit d’être là tout comme 3 millions d’autres et la lettre qu’elle a reçue est un tissu d’allégations illégales, au regard même de la loi britannique. Heureusement, elle a eu la bonne idée d’alerter la presse et les réseaux sociaux. Ce qui a permis de découvrir qu’elle n’était pas seule. De l’aveu même du Home Office, une centaine au moins de torchons infâmes similaires ont été envoyés à des européens. Tout va bien. 

Alors bien sûr, on a hurlé. On est comme ça nous les sales migrants européens, on n’a pas l’intention de se laisser faire et on connaît nos droits. Ce n’est pas parce que les britanniques s’en foutent qu’on va se taire. L’opposition est sortie deux minutes de sa léthargie pour s’indigner très mollement. Ça fait quand même mauvais genre quand on prétend entamer des négociations avec la terre entière à coup de confitures innovantes et de complexe de supériorité britannique, de s’assoir comme ça sur des traités internationaux. Certains médias ont relayé la chose (pas beaucoup, mais ça a fini par sortir du pays et arriver sur CNN, du coup même les plus zélés des « journalistes » de la BBC n’ont pas réussi à balayer tout ça sous le tapis de leur flagornerie brexiteuse). Bruxelles a fait savoir son mécontentement, et c’est du langage diplomatique. Devant le scandale international grandissant, mais dans l’indifférence totale de l’opinion publique, mêmes les plus hargneux des connards fascistes députés extrémistes ont suggéré que la ministre de  l’intérieur devrait démissionner après une gaffe de cette ampleur. Non pas qu’ils se décident soudainement à être sympa avec nous ni qu’ils soient bourrés (enfin, pas plus que d’habitude…) mais la ministre en question, Amber Rudd est un des derniers soutiens de Zaza au sein même du gouvernement. Ils aimeraient bien la remplacer et tous les prétextes sont bons. Bref, Zaza a dû se fendre du bout de ses lèvres pincées d’excuses timides. C’était une erreur. Voilà, problème réglé, circulez , il n’y a rien à voir. 

Ben non. Désolée, Zaza mais au contraire, il y a beaucoup à voir. Déjà, ça serait sympa de nous dire combien exactement de ces immondes lettres ont été envoyées et comment les malheureux qui les ont reçues ont été choisis. Mais surtout, j’ai du mal (et je ne suis pas la seule) à comprendre une telle erreur. Parce que bon, on parle du ministère de l’intérieur, pas d’un fish and chips miteux qui s’est planté en imprimant un dépliant publicitaire. Je sais bien qu’en ce moment, ton administration, c’est un bordel pas possible, mais ça m’étonnerait que ce soit le petit neveu de la femme de ménage ou le gardien du parking un soir de beuverie qui ait tout seul sans rien dire à personne écrit et envoyé cette lettre officielle, comme ça en catimini. Tu es sûre qu’il n’y a pas eu plusieurs fonctionnaires au courant? Que ça n’a été approuvé par personne? Même pas celui qui l’a signée manuellement? En plus ma pauvre Zaza, on ne peut pas dire non plus que l’erreur vienne du fait que cette lettre a été envoyée à des européens. J’imagine bien qu’il y a une lettre standard pour les expulsions d’étranger en situation irrégulière mais là, ça a été écrit exprès pour les européens ici légalement. Les traités européens y sont même rappelés pour justifier une décision qui y est contraire. C’est original. Non, franchement, la seule erreur possible, ce n’est pas l’existence  de ce courrier, mais son envoi. C’est d’ailleurs ce que tu as dit. Tu t’es vaguement excusé pour l’envoi de la lettre. Pas plus. 

On a vraiment l’esprit mal tourné, nous les sales migrants européens. Ta lettre ne passe pas, chère Zaza malgré tes excuses. On se demande juste si elle ne préfigure pas notre avenir. Surtout quand tes députés se répandent en glapissements haineux en espérant déporter un tiers des européens. Mais ceux installés ici légalement n’ont rien à craindre bien sûr. Sauf que votre interprétation très personnelle de la loi qui consiste à ne pas en tenir compte nous inquiète justement beaucoup. Sauf que si même en étant salariée et mariée à un britannique ça ne suffit pas, on ne voit pas qui vous voulez garder. Je te laisse Zaza, je me sens mal. Très mal. Je n’arrive plus à respirer. Et je crois aussi que je vais préparer une valise d’urgence, juste comme ça, au cas où. Welcome to brexit Britain.