Mummy’s boy


Dimanche, L’Ado et moi avons passé 6 heures ensembles dans les transports en commun pendant que Marichéri babysittait le reste de la troupe. L’Ado n’a plus l’âge où c’est la honte d’être vu en public avec sa mère et comme on allait voter, on a discuté politique et on a refait le monde, c’était très bien (d’ailleurs, si un dirigeant quelconque me lit, on a de grandes idées. Si). Je me suis dit qu’il grandit et que c’est agréable qu’on arrive à bien s’entendre…mais comme l’a fait remarqué Marichéri, on s’est toujours bien entendu, même quand L’Ado me traitait de fasciste et que je râlais après ses sautes d’humeur adolescentes et vice versa. 

Mummy’s boy
L’Ado est un grand qui se prend pour un adulte responsable, il vote, il a un job d’été et il date du siècle dernier, c’est à dire qu’il est presque un vieillard d’après ses sœurs. Il fait campagne depuis un an pour aller vivre en colloc’ avec ses potes à Londres. Et il va enfin pouvoir se le payer presque tout seul. Il veut être journaliste et a déjà écrit quelques articles pour un magazine de foot ici. Je suis très fière de lui. Mais à la moindre petite anicroche,  il se précipite…mamaaaan….mon train est en retard. Ben attend le suivant. Ah, ouais, ok…, mamaaaaaan je mets un t-shirt crade ou une chemise (crade aussi) pour mon interview ? Mamaaaaan, tu peux relire mon essai? mamaaaaaan, le prof conseille de lire Goethe, t’en penses quoi? Mamaaaaaan, j’ai faim ça va si je prends un sandwich avant de partir? Mamaaaaaan, mon téléphone marche pas ? Mamaaaan…c’est à la fois énervant (non mais, il va me lâcher, le boutonneux? ) et très touchant (mon bébééééé). Surtout que c’est le seul qui demande mon avis sur tout comme ça. Pour trouver cet avis fasciste une fois sur deux certes, mais bon…on discute beaucoup foot aussi. Et il tient compte de mon opinion avant d’envoyer ses articles. Pareil pour ses disserts à la fac, on se lance de grandes explications de textes enflammées sur Montaigne. On partage nos idées sur Almodovar, c’est plus fun. Mais aussi sur Dante. Pas le footballeur, l’ecrivain…quoique, sur le footballeur aussi. Et on est tous les deux très contents de discuter comme ça. Mais on se dispute aussi comme des chiffonniers, surtout que niveau mauvais foi, je suis 100% pire que lui. Il râle et ça m’amuse. 

Je n’avais pas conscience de cette relation spéciale avec L’Ado jusqu’à ce que Marichéri me le fasse remarquer. Depuis, je me demande si c’est normal. Est-ce dû à l’heureux caractère et la patience de L’Ado? Est-ce parce qu’on partage le même sens de l’humour débile (même si c’est Marichéri le grand maître en la matière)? Est-ce que L’Ado me rapporte tout parce qu’il en a pris  l’habitude petit, quand on n’était que tous les deux toute la journée avant l’arrivée de GeekAdo? Est-ce que je l’ai trop materné? Pourtant, je suis très contente pour lui qu’il se prépare à aller vivre à Londres, tu verras, tu vas t’eclater. Attention, on s’entend bien mais on n’est pas pote, et il le sait. Certes, on rigole bien (et on s’engueule aussi), il me trouve trop excitée, je le trouve trop mou, mais même au milieu des rires ou des cris, c’est chacun à sa place. Il sait qu’il y a des limites et il y tient. Un peu de respect je suis ta mère pas ta pote, et oui je sais encore mieux que toi pour l’instant. Même quand il me traite de fasciste (espèce de collabo, tiens…), il est au fond rassuré d’avoir une autorité à laquelle se raccrocher, tout presque adulte qu’il prétend être. D’où les coups de téléphone 50 fois par jour et les demandes de conseils incessants…j’en suis très touchée, émue, mais aussi un peu inquiète. Il va falloir que L’Ado se débrouille tout seul quand même. Je ne serais pas toujours derrière pour aider. 

Bon cela dit, L’Ado vient de me montrer les brochures publicitaires qu’il a ramené de la foire aux logements de l’université (pour avoir mon avis). Un petit sachet carré et plastifié est tombé d’un dépliant. Aaaah, c’était pareil quand j’étais étudiante, des tas de boîtes n’arrêtaient pas de nous en distribuer gratuitement, ça servait de support publicitaire pour tout et n’importe quoi…L’Ado a  ramassé le petit carré plastifié et il a commencé à se marrer. C’était un sachet de thé. Oups! Non, mais ça va aller maman, t’es cool…ça doit être plus fun d’être étudiant en France qu’ici, quoi. Dix minutes après, on pleurait encore de rire tous les deux en délirant sur le sachet de thé et la vie étudiante des deux côtés de la Manche. L’Ado a raison, ça va aller.