Music learners


Marichéri est très musical. Il a fait le conservatoire, il entretient dans son bureau un troupeau  de guitares diverses et variées mais aussi tout un tas d’autres instruments bruyants musicaux d’une trompette à un tambour irlandais (bon, ça c’est moi qui lui ai offert. Et une mandoline aussi, parce que c’est joli, visuellement parlant je veux dire). Je ne parle même pas des monceaux de matériels qui vont avec, micros, amplis de 15 tonnes (chacun) et autres boîtiers à boutons et voyants lumineux dont l’utilité m’échappe toujours complètement malgré les explications de Marichéri. Remarquez, c’est pratique, quand PrincesseDiva a  voulu épater ses copines fêter son anniversaire avec ses copines en enregistrant une poignée de chansons, elles ont pu faire ça dans le bureau puisque Marichéri a tout ce qu’il faut. Les gamines sont reparties avec un CD chacune immortalisant leurs meuglements stridents et la ferme conviction que le papa de PrincesseDiva était un producteur de célébrités. Notre fille était ravie. Et Marichéri au bord de la crise de nerfs.  Bref pour lui, la musique c’est important, mais pour moi, beaucoup moins. 

Music learners
Quand on a quitté la France pour l’Irlande, j’ai embarqué un exemplaire des fleurs du mal illustré par Matisse et mon chevalet, Marichéri avait sa guitare classique. A part nous faire passer pour deux têtes à claque culturellement snobs, ça montre bien qu’on est légèrement different, musicalement parlant. Il s’enthousiasme pour la musique dodécaphonique, le rock alternatif serbo-croate et le jazz expérimental, je ne sais pas faire la différence entre une cornemuse qui agonise et un solo de grosse caisse. Ce n’est pas de la mauvaise volonté,  j’en suis totalement incapable, c’est physique. Il doit me manquer un truc essentiel dans les oreilles, qui permet de distinguer un éboulement de casseroles trouées d’une symphonie. Pour moi, ça reste du bruit. Mais Marichéri est passionné et d’une patience rare. Il a essayé de m’apprendre. Ce fut un échec. Du coup, il s’est rabattu sur les enfants. A chaque gamin qu’on a pondu, il a espéré que le gosse hériterait de ses gènes musicaux et a essayé de reconnaître une harmonie quelconque dans leurs hurlements de nouveau nés. Ça a bien commencé avec L’Ado. A deux ans et demi, il tapotait bruyamment sur un petit clavier jouet, ça faisait pouet pouet. Je trouvais ça pénible mais bon tant qu’il fait ça il n’essaie plus de nourrir le magnétoscope avec ses legos (L’Ado est vieux, il date du siècle dernier, il a connu les  magnétoscopes. Ses soeurs ne rient encore, quel fossile cet Ado!). Marichéri s’est précipité, en transe:

-aaaaaah c’est génial, c’est toi qui lui a appris? 

-quoi?

-à jouer sur le clavier?

– uh? (Je ne suis pas uniquement amusicale, j’ai aussi un sens inné de la répartie)

-mais t’entends pas, il joue frère Jacques, tout seul! 

Bref, L’Ado est comme son père. Il  est capable de jouer n’importe quel morceau sur à peu près n’importe quel instrument simplement parce qu’il l’a entendu une fois. On a inscrit notre futur Mozart au piano. Marichéri était tout ému et ce fut un succès. L’Ado adorait. Et puis d’un coup, vers 11 ans, il a arrêté net. Maricheri était désolé, mais voilà-t-il pas  que L’Ado s’est pris de passion pour la guitare électrique deux ou trois ans après. Et là, Marichéri hésite entre la joie d’avoir quand même un fils musical et le désespoir absolu devant les sons infâmes que L’Ado produit, sous pretexte que c’est cool, tu vois, coin. Entre temps Marichéri a essayé d’enrôler GeekAdo qui pour copier son père, voulait prendre des cours de guitare classique. GeekAdo est très studieux et très appliqué, mais ressemble à sa mère musicalement parlant. D’ailleurs, il dessine plutôt bien. 

Heureusement pour Marichéri, PrincesseDiva a pris la relève. Elle a voulu faire du piano. Marichéri en était très content jusqu’à ce qu’il se rende compte que la motivation première de la gamine,  ce n’était surtout pas de faire ses gammes pour progresser, mais de se produire en public. Bref à part une prestation remarquée de au clair de la lune à la fête de l’école, la carrière musicale de PrincesseDiva a été de courte durée. Enfin depuis, elle s’est mise au chant, elle prend même des cours et répéte bruyamment, d’où l’anniversaire passé à enregistrer de la daube avec des cris de hyènes prépubères (comme je n’y connais rien, je reprends les termes techniques utilisés par Marichéri). Évidemment, Marichéri aurait préféré qu’elle joue d’un instrument mais c’est déjà ça, surtout qu’elle a l’air relativement douée (je n’en ai aucune idée, mais on me l’a dit. Ou alors c’était pour être poli…). Et puis, O joie, PrincesseChipie a décidé elle aussi de se mettre à la guitare cette année. Elle s’entraîne tous les jours en rentrant de l’école. On a droit à une demi heure quotidienne de tziiiing-cick-pffffïïÏÎïïgG. Il parait que c’est normal et qu’elle s’en sort très bien. Bon. En même temps, la peinture à l’huile, c’est artistique aussi. Et silencieux. 

Pour l’instant Wizzboy n’ a pas l’air de vouloir jouer d’autre chose que du tambour en plastique ou du chat-qui fait-pchittt-quand-on-s’assoit-dessus. Mais j’ai peur. Marichéri qui espère toujours monter un orchestre avec ses enfants parle de rachèter une batterie.