Chainsaw massacre


Depuis qu’on a déménagé, et qu’on a un grand jardin, on a décidé de prendre un jardinier. Enfin, il y a un type qui vient tondre quand il lui tombe un œil, il a envie. Il débarque sans prévenir, à peu près deux fois par mois. Ou trois fois. Ou pas du tout. C’est tout à fait normal, enfin je veux dire que c’est courant ici d’avoir un jardinier, pas qu’il se pointe n’importe quand, sans nous avertir.  

En Angleterre, pas de paperasse à n’en plus finir, pas de contrat ni d’impôt ou je ne sais quoi (désolée, je ne connais pas le système français, mais ça a l’air très compliqué). On n’emploie pas ce monsieur, on lui achète un service. C’est un travailleur indépendant, self-employed. Il est son propre patron, c’est à lui de se déclarer et de régler ses impôts et ses cotisations, ça ne nous regarde pas. On lui achète deux heures de tonte d’herbe, c’est tout. C’est la même chose pour tous les self employed, du laveur de vitre, de la childminder (l’assistante maternelle), aux artisans en passant par les profs indépendants (ce que je faisais). Honnêtement, qu’on vende des enclumes en porte à porte, qu’on donne des cours de piano ou de français, ou qu’on vienne pour la plomberie, pour l’administration, c’est pareil. En plus, il n’y a rien de plus simple que de créer son activité, trois clics sur le site des impôts, HMRC (her Majesty Revenu and Custom), et hop c’est fait. On rentre son NIN (national insurance number, un peu comme le numéro de sécu), son adresse et son activité et puis c’est tout. Les déclarations d’impôts varient selon les revenus : en dessous de £5965 par an (au dernier budget, ça change tous les ans) c’est bien simple, l’administration ne veut même pas entendre parler de vous, pas la peine de les ennuyer  avec vos trois sous. Au dessus, il faut quand même déclarer ses revenus et payer des cotisations sociales (pour éviter de se prendre la tête avec des calculs compliqués, l’administration propose de payer au forfait, soit £2,80 par semaine en dessous £8060-là encore ça peut varier à chaque loi de finances). Bon après, ça devient quand même compliqué et il vaut mieux passer par un comptable. Qui a de grande chance d’être lui-même self employed et au même régime fiscal d’ailleurs. Enfin bref, le système permet d’avoir une foultitude de services facilement accessibles. 

Chainsaw massacre
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On en revient au jardinier, non seulement il a une tondeuse, mais des tas d’accessoires aussi, dont une tronçonneuse. On sent qu’il en est très content, il adore sa tronçonneuse. Du coup, pour lui faire plaisir, on lui a demandé de tailler un peu les haies de derrière quand on est arrivé. C’était une vraie jungle légèrement en bataille, même pour nous qui pourtant aimons bien les jardins ébouriffés. Je deteste les jardins trop géométriques, ça ne fait pas naturel. En tout cas, le jardinier était ravi. Il a attaqué la chose avec enthousiasme. Un peu trop. Quand j’ai vu qu’il commençait à tout ratiboiser, je me suis jetée sur les haies, pour les défendre. Il faudra me passer sur le corps avant de pouvoir  couper ses pauvres bêtes. Le jardinier l’a mal pris. On a eu des mots. Poliment mais bon… Marichéri, en déployant des trésors de diplomatie dont il a été le premier surpris (c’est dire à quel point il ne voulait pas se retrouver à devoir tondre lui même) a réussit  à nous réconcilier avec le jardinier. Cet assassin végétal en a profité pour s’attaquer à la haie devant, alors qu’on ne lui a jamais demandé d’y toucher, un jour où nous n’étions pas là. Je  lui ai fait savoir ma contrariété. Aimablement. Mais vous inquiétez pas, ma petite dame, ça repoussera. En attendant, le harceleur voisin a une vue bien dégagée de chez nous. Et non, ça ne repousse pas, le jardiner a réussi à faire crèver un des arbustes de la haie, en massacrant tout ça avec sa fichue tronçonneuse. 

On a soufflé, avec l’hiver, pas d’herbe à tondre et donc pas de visite intempestive du jardinier. Mais il est revenu avec les premiers bourgeons. On a été faible, c’est ça ou attaquer l’herbe au coupe-coupe. Tout s’est bien passé au départ, la pelouse est nickel. Du coup, il a décidé qu’il fallait tailler les haies. On progresse un peu, il est venu m’en parler avant de sortir l’arme du crime  sa tronçonneuse. J’ai vu rouge. Déjà, ces haies sont là depuis au moins 1930 (ce n’est pas une blague, c’est marqué sur l’acte de propriété) ce sont pratiquement des monuments historiques,  pourquoi il veut les raser? Il trouve que ça ferait plus joli à mi hauteur. Voire un peu plus bas, style raz du sol. Alors déjà, ses considérations esthétiques, il peut se les garder pour lui, c’est chez moi! Je suis très contente avec des haies deux mètres, on n’y touche pas. Après un dialogue de sourds échange de vue dans le calme, certes mais totalement improductif (j’ai failli lui faire bouffer sa tronçonneuse), j’ai fini par envoyer Marichéri. Qui est arrivé à un compromis. Le jardiner ne touche pas aux haies mais m’aidera à défricher le buisson devant…moui, j’ai des doutes, j’ai peur qu’il veuille tout raser. Je ne comprends pas comment un type qui gagne quand même sa vie grâce aux végétaux puisse les haïr au point de tous vouloir les éradiquer sauvagement. Parce que je suis bien d’accord qu’il faut parfois les tailler. Mais pas les ratiboiser complètement. Le jardinier est aussi venu me voir pour protester parce qu’on a planté des bambous. Non mais, c’est mon jardin, je plante ce que je veux! Oui, mais ça va pousser partout et cacher complètement la maison du harceleur voisin. Ben oui, c’est le but. Ça ne lui convient pas. Il verrait plutôt des pavés à cet endroit. Rhaaaaa…. 

Marichéri a bien proposé  de changer de jardinier, mais j’ai été prise de remords. Non parce que la pelouse est superbe quand même, et puis, je me doute bien qu’il ne gagne pas sa vie juste avec nous, mais ça va se savoir…il risque d’y gagner  une mauvaise réputation, de perdre d’autres clients et de finir à la rue. Si. On va donc continuer. Mais si il touche encore à un cheveu de mes haies, tant pis pour lui et sa réputation. Non mais.