Goat man


Puisque je parlais des animaux de la ferme hier, c’est le moment d’évoquer cet anglais totalement fou légèrement excentrique, qui se prend pour une chèvre. Si. J’ai appris son existence avec joie grâce à un article du Times (ici), écrit par un journaliste qui n’arrive pas du tout à garder son sérieux. On sent que le type hurle de rire à chaque coin de phrase, ça fait plaisir à lire. J’en ai profité pour y prendre aussi la photo de Thomas Thwaites, la chèvre donc. Ou le bouc, je ne sais pas, ce n’est pas précisé. Le journaliste n’a pas poussé la conscience professionnelle jusqu’à poser la question. C’est tout à fait le genre d’illuminés que j’adore en tout cas. 

Goat man

Alors donc le petit Thomas, avant de devenir chèvre, était un humain médiocre, pour ne pas dire au bord de la crise de nerfs. Pas de perspective de carrière, des problèmes de fin de mois difficiles, il avait bien une copine mais il vivait toujours avec son papa, à trente ans passé. Bref, un humain terne et sans avenir, et là d’un coup, il a eu l’illumination en voyant un chien jouer, pourquoi ne pas devenir un animal? Les animaux n’ont pas de problème de boulot eux, et gambadent gaiement dans la nature sans se poser de question. C’est sûr. C’est tellement génial comme idée, on se demande pourquoi personne d’autre n’a essayé. Ce qui est admirable, c’est que ce brave Thomas a réussi à se faire subventionner par le  welcome trust arts awards program, dont je n’avais jamais entendu parler avant, mais on sent de suite l’organisation sérieuse et utile à la société à qui on ne vend pas n’importe quoi. Évidement, le trust en question a accepté de financer l’opération dans le cadre de la recherche  trans-espèce. Un instant, j’ai le hoquet à force de pouffer de rire dans mon coin, mais je suis cynique et bétement terre-à-terre. Non parce que c’est évident, certains sont en fait des animaux nés par erreur avec un corps d’humain et il faut être ignoblement cruel pour ne pas les aider à exprimer leur vraie nature, ou quelque chose comme ça. D’ailleurs, il y a des précédents puisqu’une américaine est persuadée d’être un chat et vit comme telle. Je m’en lasse pas. En même temps, le fait que les futurs ex humains en question choisissent l’animal qui les inspire le plus diminue légèrement le côté  » on est né comme ça ». Mais je dis ça comme ça. 

Au depart, Thomas a voulu être un éléphant, mais ce fut un échec. Déjà, pour se faire accepter par une troupe d’éléphants, il lui fallait une espèce de carapace gigantesque, c’était cher et peu pratique. Et puis surtout, il s’est avéré que les éléphants sont en fait dépressifs et très peu guillerets, alors même que le but de l’opération, je le rappelle était de vivre dans la joie et la nature. Ça commençait mal pour le malheureux Thomas. Mais il ne s’est pas découragé. C’est beau cette folie mono maniaque, entêtement maladif, esprit scientifique. Grâce à un shaman danois (c’est marrant, j’ignorais que le Danemark était spécialisé dans la production de shamans, je ne sors pas assez ),  il a compris son erreur. Thomas n’est peut être plus humain, mais il reste anglais, et oui. Donc, il faut choisir un animal anglais, c’est d’une logique implacable. Comme il n’y a quasiment pas d’éléphants ici, mais beaucoup de chèvres, Thomas est donc passé d’humain à éléphant à chèvre, hop, comme ça! Cela dit, ça pose quand même des questions, non pas sur la santé mentale du petit Thomas, parce que là, je crois qu’on a atteint le fond depuis un moment, pourquoi pas un mouton? Ou un canard? (Pas une vache, moi vivante, on ne se moquera pas des vaches sur ce blog. Non mais).  Il y en a aussi pas mal dans la campagne anglaise… 

Tout à son délire sa joie d’avoir enfin trouvé le bon animal, Thomas a voulu utiliser des drogues pour modifier les parties de son cerveau qui croyaient sottement  qu’il était humain et le différencaient lâchement d’une chèvre. Malheureusement, comme tous les grands visionnaires, il s’est heurté au scepticisme hilare de la communauté scientifique, qui lui a claqué la porte au nez  dans un grand éclat de rire. C’est petit. Il en fallait plus pour décourager une chèvre du tempérament de Thomas. Il a donc  ensuite essayé de modifier, toujours chimiquement son estomac, pour pouvoir brouter tranquillement. C’est bien ce que je pensais, il y a une histoire d’herbes rigolotes dans tout ça… Cette fois, les gens à qui il s’est adressés ont pris peur et ont alerté le Trust qui finance la chose, dans sa grande générosité. Parce que ça devenait légèrement dangeureux pour la santé de Thomas. Forcément, le trust a réagi, il se devait d’intervenir: pourquoi Thomas essaie de devenir chèvre alors qu’on lui a donné de l’argent pour être éléphant, hein? C’est quoi cette arnaque?  Je vous rassure, Thomas la chèvre et le trust sont parvenus à un accord, pour le plus grand bénéfice de la recherche trans-espèce.  Thomas qui fait preuve de qualité de négociations remarquable pour une chèvre de base, s’est juste engagé à ne pas mettre sa santé en danger. Il peut donc brouter et mâchouiller l’herbe autant qu’il veut, mais il doit ensuite la recracher et la mettre à macérer dans une sorte d’estomac externe avant de pouvoir l’ingurgiter à nouveau. C’est très frais, ça donne envie. Il pense d’ailleurs exploiter le filon et lancer le régime chèvre, avec bouillie pré mâchée. Avant l’été, c’est parfait pour celles qui veulent perdre un peu. Thomas s’est aussi fait fabriquer de fausses pattes de chèvre, pour gambader joyeusement dans les pâturages. C’est la joie.

Manque de chance, alors qu’il espérait pourvoir faire la transhumance à travers les Alpes, il s’est rendu  compte que ce n’était pas évident de se déplacer comme ça. Pourtant, quand on voit la photo, ça a l’air marrant…Il a mis aussi un certain temps à se faire accepter par le reste du troupeau, qui a été surpris de voir cet énergumène avec son casque à vélo (comme le dit le journaliste en s’esclaffant par écrit, malgré tout ses efforts, Thomas n’a pas encore réussi à se faire pousser des cornes). Le type détaille sa petite folie, avec enthousiasme, pendant que le journaliste en pleure de rire. Il finit par lui demander si il compte faire des adeptes et monter un troupeau  d’ex humains devenus chèvres.  Mais le journaliste est un cynique qui n’a rien compris. C’est possible, mais il a bien ri, et moi aussi!