Rencontre en tribu kanak, Poindimié

Je quitte Voh par la Koné-Tiwaka, une centaine de kilomètres d'une route sinueuse qui m'offre un premier panorama sur les montagnes de l'île. Je ne m'arrêterai malheureusement que brièvement aux chutes de Pombei car je suis attendue en tribu kanak.

Devant la case d'Ernest, le chef de clan qui m'accueille aujourd'hui, personne.

Je pousse plus avant dans le village, jusqu'à la case communautaire où une centaine de personnes se sont réunis. Devant le totem, le chef de tribu s'affaire. On me fait signe de m'asseoir et de ranger mon appareil photo pour assister à la coutume du décès.

Au sol, des nattes et des manous distribués par tous les clans et que le porte-parole du chef répartit devant les poteaux de chaque clan pour le partage.

Je ne m'étais pas trompée ; Ernest est là, entouré de tous les hommes de son clan.

Je me plie à la coutume en lui offrant un manou, quelques billets et des produits de première nécessité qui serviront à tout le clan. En échange, il me souhaite la bienvenue et assure mon bon séjour au sein du clan.

Tandis qu'il ramasse quelques ignames dans son jardin littoral, je visite la case et la salle de bain extérieure. Il n'a pas de frigo et son explication, si terre à terre, me fait rire : " pour conserver les aliments, je les laisse dans mes arbres, c'est tout ".

Avare en mot, il préfère m'enseigner les gestes de son quotidien. Nous décochons au bâton quelques noix de coco qu'il m'apprend à râper pour obtenir du lait. Le geste n'est pas encore très assuré mais le bruit de la râpe sur la coco me séduit et je ne vois pas passer le temps.

Au fond du jardin où poussent pêle-mêle piments, patates douces et faux poivriers, un bras de rivière plonge dans la mer.

Un épervier à l'épaule, j'applique à la lettre les conseils d'Ernest mais rien à faire : mon lancer est d'une tristesse incroyable et je m'en remets au geste précis d'Ernest pour espérer manger.

De l'igname, des patates douces, du poisson et du lait de coco ; notre contribution au bougnat de la communauté est prête.

Pendant que les hommes assistent en silence au partage des manous, je rejoins les femmes en cuisine. Une fois les légumes coupés, nous brûlons légèrement les feuilles de bananiers pour les solidifier. Puis, nous enveloppons poissons, légumes et lait de coco dans les feuilles avant de déposer nos ballots sur les cendres chaudes et de couvrir notre four de terre.

Comme l'attente est longue, quatre ou cinq heures, les femmes me proposent des bâtons de canne à sucre à mâcher. Lentement, et malgré leur timidité, les langues se délient.

On m'invite à goûter le bougnat, en me précisant que peu de personne aime vraiment ça car le plat est bourratif et souvent sec. Même si l'aspect n'est pas très ragoûtant, je suis agréablement surprise. Le poisson fond dans la bouche et le sucré de la patate douce se marie à merveille avec le lait de coco.

Il est 16h et je quitte Ernest avec un brin de regret. Es-ce les circonstances si particulières de cette journée ou la retenue naturelle des kanaks qui l'entraîne, je ne sais pas. Mais approcher le quotidien d'une tribu ne se fait pas en une journée et je sais maintenant qu'il me faudra revenir en Nouvelle-Calédonie pour comprendre davantage la culture kanak.

Sur le chemin du gîte, la Tiwaka rejoint la mer. Je m'arrête pour prendre quelques photos et suis rapidement rejoint par Luc, un jeune homme d'une quarantaine d'années. Nous partageons un coucher de soleil et il me raconte ses parties de chasse et de pêche, sa volonté de vivre avec peu et sa philosophie, si proche des croyances mélanésiennes ; est pauvre celui qui ne peut pas partager ses biens car la vraie richesse se calcule en nombre de dons et non de possession.

C'est parfois la dure loi du voyage que de rencontrer la bonne personne juste avant de reprendre la route.

Je fais tata à Luc, comme on dit ici, et m'engage à la nuit tombée sur la piste du gîte Newejie.