Partir loin et fouler Nouméa

Après 11h de vol, me voici à Osaka. Je suis sur le sol japonais pour quelques heures seulement, frustration de l'escale. C'est fou comme certains noms de pays se transmettent de génération en génération, incantation quasi génétique.

Si mes parents ne sont jamais allés en Nouvelle-Calédonie, ils ont longtemps tournés autour. Je boucle la boucle, j'inscris au patrimoine les voyages qu'ils n'ont pas faits, je rajoute au frigo familial des stickers de palmiers, des cartes postales écrites à la hâte, les billets que je n'aurai pas dépensé pour que les prochaines rêvent encore plus fort de Nouméa.

Ce voyage, je l'ai voulu les yeux bandés. Je n'ai pas voulu voir la topographie, accrocher des paysages à la carte, fouiller la terre et la gastronomie, me mêler de politique ni entrevoir la couleur de l'eau. Atterrir vierge de tout à priori et construire le Caillou à vue, débarquer comme après un long voyage en bateau.

Après un vol idéal sur Air Câlin, je débarque enfin à Nouméa. Au sommet du Ouen Toro, je découvre pour la première fois les baies.

Un détour au marché et sur l'emblématique Place des Cocotiers me permet de capter l'ambiance générale.

J'aurai continué mes pérégrinations si je n'avais pas entendu de l'agitation au premier étage d'un tout petit bâtiment.

En haut des escaliers, je découvre une salle de billard pleine à craquer. Les paris vont bon train mais mon arrivée rompt le subtil équilibre de la concentration et du jeu. Nous échangeons quelques regards et l'appareil photo fait le reste.

C'est Petero qui m'aborde le premier. Il n'y a pas de femmes ici mais il m'assure qu'elles pourraient venir jouer si le billard les intéressait. Il m'apprend à casser, me parle de Wallis dont il est originaire et de son service militaire qui l'a conduit à Nouméa. La bienveillance -peut-être même la tendresse - de son regard me surprend.

Bien qu'en ville, chacun leur tour, les hommes me demandent pourquoi je suis ici. Je m'étonne de leur accueil , si curieux et convivial.

Cyril, mon contact sur place, m'a promis de m'emmener dans un bon restau ce midi. Je laisse donc les parieurs à leur billard.

Un filet de mékoua et un cheesecake passion plus tard, je suis conquise, tant par la cuisine du Ptit Café que par les bonnes adresses que me promet Cyril.

Malgré le décalage horaire, je ne suis pas fatiguée et décide de faire un tour dans un nakamal, lieu de réunion traditionnel dans la culture vanuataise, pour y remédier. Dans un petit jardin, une table et quelques bougies. Rien de particulier mais pour que la magie opère, il faut descendre au bar. Au fond d'une demi coco, un liquide marron appelé kava. A l'origine servi dans un coquillage, des shells, le kava servait à apaiser les discussions entre chefs de tribu. Largement démocratisée, on lève aujourd'hui le shell dans plus d'une centaine de bars à kava à Nouméa.

Pour redonner à la terre un peu de ce qu'elle m'offre, je verse un peu de kava avant de boire ma coco d'un trait, selon la coutume. Le goût n'est pas fameux - du savon écrasé et un peu de terre en arrière goût.

Très vite, mon palais est anesthésié. Bien qu'alerte, je me sens complètement relaxée et profite du coucher de soleil en attendant que le sommeil me vienne.