Le smerdariol

Nous ne saurons jamais si c’est une histoire véritable, ou si elle est née de l’imagination de quelques facétieux de la belle époque au temps du Carnaval de Venise, mais de nombreux anciens nous l’ont confirmée.

Toujours est-il que nous allons vous la narrer telle qu’elle nous a été racontée.

Mer

Il existait autrefois à Venise un ou plusieurs hommes qui avaient une fonction bien particulière, surtout, paraît-il pendant les périodes de Carnaval.

Cet homme, coiffé d’un grand chapeau, portait un grand tabaro noir et deux sceaux, et à la nuit se munissait d’un lumignon rouge. Le tabaro, nous le rappelons est cette grande cape que l’on porte beaucoup à Venise lors du Carnaval, et qui était un vêtement très courant à Venise du XVIIème au XVIIIème siècle.

Inlassablement il parcourait, ainsi équipé de sa cape et de son sceau, les calli et les campi de la Sérénissime pour servir les dames indisposées par un urgent besoin corporel.

Vous aurez deviné de quoi il s’agit, le monsieur était des toilettes ambulantes pour dames. La personne se tenait au dessus du sceau et la grande cape permettait de préserver sa dignité pendant qu’elle se soulageait. Une façon pour ce(s) brave(s) homme(s) de continuer à vivre sans mendier et garder sa propre dignité.

Une fois soulagée, la dame se voyait présenter la pessetta, un torchon pour la toilette. Il était probablement appelé ainsi car c’est à ce moment que le smerdariol réclamait son dû : 3 sous sans le torchon, 5 avec mais 10 sous pour un torchon propre.

A l’époque, le papier toilette n’existait pas. Dans chaque lieu d’aisance était pendu un torchon nommé Leopardo (on vous laisse le soin d’imaginer pourquoi).

Ce n’est peut-être pas une légende, car, à Toulouse, il existait également des porteurs de sceaux des rues, où chacun pouvait se soulager, au XVIème siècle. Le produit de la récolte était ensuite vendu aux tisserands qui s’en servaient lors de la coloration des tissus en bleu pastel, la couleur étant fixé par l’azote de l’urée.

La présence de smerdarioli à Venise dans les XVI, XVII ou XVIII ème siècles ne nous semble donc pas incongrue. Il paraît même qu’on en a vu à Venise jusqu’à la première guerre mondiale.

Et d’ailleurs, quand on voit (et quand on sent) les calli de Venise en plein été ou plus encore pendant le carnaval, on se dit qu’il est bien dommage que ce métier ait disparu.

Merdasser

Maurizio Bastianetto, pendant les années 1980, a voulu faire revivre ce personnage sous un aspect carnavalesque dans les théâtres de rue d’abord, puis, vers l’an 2000, dans de vrais théâtres, en le présentant dans un monologue ayant pour titre Naturalia non sunt turpia ou l’Histoire de la Médecine racontée par un Merdassier. Pour ce faire, il eut recours à la mémoire de quelques vieux vénitiens. Il reconstruit ainsi les faits qui ont donné matière à une série de gags très drôles.

Nous lui avons emprunté les images qui illustrent cet article.

Vous pouvez voir des photos du spectacle sur son site : Merdasser