Sale gosse

Sale
gosse !!!

Oui, c’est moi…

C’est comme ça, je suis un sale gosse…

Je suis un petit con, du haut de mon âge avançant, de mes cheveux poivre et sel et de ma vue qui baisse, un petit con qui fait n’importe quoi, qui agit et réfléchit après, mais ce n’est pas grave, ça se finit toujours bien. Même mal, tout se passe.

Me voici presque seul à l’heure la plus longue de la journée à regarder ma montre (oui, j’ai une montre) et les minutes qui s’égrènent tendrement comme si je remplissais un bocal en verre de haricots secs, comme ceux que ma grand-mère achetait et qui avaient une couleur indéfinissable et des marbrures ou des veinures qui laissaient à penser qu’ils n’était en fait que des animaux rabougris. Je finissais toujours par lui en piquer une poignée avec laquelle je dessinais un cœur en les collant sur un morceau de carton et qui finissait invariablement à la poubelle. Parce que les cœurs c’est bien, mais les cœurs en haricots secs, c’est quand-même assez laid.

Si je compte les minutes, ce n’est pas que je m’ennuie, mais bien plutôt que je réfléchis et que j’ai du mal à envisager une solution à ce qui me taraude. Tarauder est peut-être un terme un peu fort, mais quelque chose me préoccupe. Aussitôt qu’une nouveauté arrive, je m’en détournerais presque pour envisager autre chose. C’est comme ça, parce que je suis un petit con. Et contre ça, on ne peut pas faire grand-chose. En réalité, j’ai passé ces dernières années à me comporter comme un sale gosse, parce que je n’arrive pas à tenir en place et l’immobilité qu’on pouvait parfois me demander est tellement insupportable pour moi que je préfère jouer du sarcasme ou de l’ironie plutôt que de me conformer. Mais tout ceci est désormais loin de moi, c’est une autre histoire et une vieille histoire.

Je crois devoir avouer que j’aime bien emmerder le monde, surtout celui qui m’emmerde. Les gens ont une fâcheuse tendance à ne pas s’apercevoir quand ils dépassent les limites, même si on est habitué à les repousser sans cesse, histoire de faire preuve d’un peu d’agilité. L’agilité, c’est bien l’agilité. C’est à la mode. C’est une manière mâtinée de bons sentiments pour dire qu’on doit faire ce pour quoi on n’est pas payé. Une exception, une situation embarrassante mais qui n’est que transitoire, un pépin de dernière minute, et hop, on nous demande un peu d’agilité. En bref, contorsionne-toi même si tu es raide comme un piquet. Tu ne t’en porteras que mieux et on aura une bonne opinion de toi parce que tu t’es montré agile. Mon cul, oui ! Tu n’as pas encore compris que j’étais un sale gosse ?

Alors, voilà, c’est une nouvelle année qui s’ouvre, nouvelle année, nouvelles lunettes, nouveau job, nouvelle vie.

On en était où déjà ?