Comment guérir le tourisme de masse

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Le tourisme de masse n’est pas mauvais en soi. Ce qui nous pose le souci, c’est la capacité de gérer la masse et les effets qu’elle génère. En 2019, le Vietnam a reçu 18 millions de touristes internationaux. Le pays peut-il en accueillir plus? Oui, confirme le gouvernement, qui table sur 21 millions en 2020. Par chance, la pandémie a modéré son ardeur. Au lieu de diaboliser l’overdose, il est temps de décortiquer son mécanisme pour trouver des solutions. Nous réfléchissons ensemble sur comment convertir le surtourisme en une forme plus vertueuse.

Souvent dans les médias, on entend parler des choses genre : « les destinations à éviter » ou « X destinations sans touristes ». Le ton des articles nous donne souvent l’impression que les touristes sont des lâches égoïstes  et incapables d’assumer leurs actes. Après avoir abusé une destination, ils sont incités à déplacer le bordel dans de nouveaux endroits. Il est vrai que les touristes débiles sont nombreux. Toutefois, ils sont façonnés par leur environnement : institutions politiques, société de consommation, offres des voyagistes, influence des médias sociaux, etc. Les agences réceptives doivent assumer en partie les responsabilités dans cette affaire.

C’est dans ce contexte que nous devons réfléchir sur les nouvelles manières de résoudre le problème. Une chose est sure : éviter le tourisme de masse n’est pas la meilleure solution. Ce n’est qu’une dose de doliprane qui coupe le mal de tête, mais ne règle pas l’origine de la migraine. Le choix durable consiste à l’affronter et s’organiser pour vivre en harmonie à l’image du Yin-Yang.

Notre rôle en tant qu’agence réceptive

Face aux effets néfastes du tourisme de masse, la prise de conscience est de plus en plus répandue chez les touristes. Un sondage récent de l’agence Comptoir de Voyages confirme cette tendance de fond. Néanmoins, on sait très bien qu’il y a un décalage entre le discours de volonté et la pratique concrète. Au lieu de blâmer la paresse des touristes, il faut regarder si les acteurs du tourisme ont bien fait le boulot pour faciliter le passage à l’acte. Les habitudes de voyage sont largement façonnées par l’offre balisée par les professionnels et la communication menée par les institutions. Hélas! Le côté expérience voyageur (UX) est tellement médiocre que le touriste abandonne vite sa volonté. La valeur ajoutée du réceptif consiste à instaurer l’UX plus optimale.

La transformation du tourisme de masse commence d’abord par la conviction des professionnels du secteur, dont les agences réceptives. Pour lutter contre le surtourisme, il faut savoir dire non à certaines pratiques. Déjà à cette étape, c’est mal barré! La manne financière est tellement payante que l’on n’ose pas bouleverser la machine en place. Combien d’agences osent dire la vérité sur l’état lamentable du tourisme vietnamien? Au moins chez TTB Travel, on met en relief la réalité des cinq points chauds, à savoir :

Par le passé, le réceptif était un simple pourvoyeur de soutien logistique et des prestations sur place. Aujourd’hui, il faut qu’il devienne plus polyvalent dans le contexte où l’intervention des institutions vietnamiennes est quasi néant. Du coup, notre expertise ne se limite plus à la maîtrise du terrain. Il faut intégrer la planification régionale, service de coaching, coordination en direct avec la population, connecteur de multiples acteurs privés.

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L’overdose du tourisme est une forme de l’obésité. © Ksenia Zoubatcheva / Russia Beyond

Le tourisme de masse est comme l’obésité. C’est l’excès du poids (overdose de visiteurs) qui crée un tas de maladies connexes. On peut citer plein de symptômes : tension artérielle (engorgement des sites), troubles respiratoires (pollution), cancer (corruption),  diabète (inégalité sociale),  infertilité (folklorisation des cultures), etc. Les touristes sont les « consommateurs obèses » en voyage. Ils ne sont pas conscients des maladies. Pour les soigner, on ne peut pas leur donner juste des médicaments « one shot », type compensation carbone ou endroits alternatifs. Il faut viser une approche  thérapeutique sur le long terme. Il s’agit de mettre en place un cadre favorable à l’apprentissage pour qu’ils adoptent graduellement une hygiène de vie plus saine. Dans cette perspective, le réceptif se positionnera comme médiateur thérapeute pour rendre le touriste plus consciencieux. Pour cela, intéressons-nous au mode de fonctionnement de l’obésité du voyage.

De quelle « masse » parle-t-on?

Quand le tourisme de masse nous cause tant d’effets négatifs, ce n’est pas l’envergure de sa « masse » qu’il faut regarder.  Il y a apparemment une confusion par rapport à ce terme pétri de paradoxes. Dans la plupart du temps, on fait référence à des hordes de touristes, composées des milliers d’individus. En réalité, c’est plus une affaire de degré de concentration. Il faut le relativiser. La présence de 10 visiteurs dans un village paumé peut être déjà excessive, alors que celle de 100,000 touristes dans un territoire bien structuré et concerté ne pose pas de problème. Pour illustrer ce propos, on peut citer l’exemple du village des Lolos Noirs dans la région de Cao Bang (Nord Vietnam). La présence d’une poignée de randonneurs français est suffisante pour chambouler le quotidien de cette ethnie qui refuse qu’on pointe des objectifs vers elle.  Donc, le vrai sujet du tourisme de masse est composé de deux dimensions :

  • Gestion du flux : comment réguler le ratio entre la capacité d’absorption d’un territoire par rapport à la densité des touristes.
  • Maîtrise des impacts : comment harmoniser des effets causés par le tourisme sur les communautés.

La deuxième ambiguïté de la masse concerne sa nature. Dans la presse, on parle d’une masse composée de touristes étrangers déferlant sur une destination. En pratique, cette masse peut-être aussi constituée de visiteurs originaires de la même destination. Dans le cas du Vietnam, la masse est la densité cumulée de 18 millions de touristes internationaux et 85 millions de vacanciers vietnamiens. Du coup, le vrai volume n’est pas 18 millions, mais 103 millions !

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On oublie souvent le poids des visiteurs locaux dans la masse

Dans cette masse composite, la perception des individus vis-à-vis de la masse n’est pas homogène. Dans la vision occidentale, la masse est très négative. L’overdose de fréquentation gâche l’expérience des visiteurs habitués à l’individualisme. C’est pourquoi on râle « y’ a trop de monde! » . Du côté asiatique (surtout chinois et vietnamien), c’est plutôt le contraire. La masse est rassurante. La présence de la foule est gage de qualité et de sécurité mentale. Habitués à la tradition communautaire, ces visiteurs asiatiques s’aventurent rarement seuls dans les endroits hors des sentiers battus.

Le troisième maltentendu est la légitimité de la masse. Dans une démocratie, nous avons le duo droit-devoir. La démocratisation des vacances donne le droit à un grand nombre de touristes. Cela implique aussi que ces touristes doivent appliquer le devoir citoyen : préserver l’environnement, respecter la culture, contribuer à l’économie locale. La société de consommation à outrance les rend aveugles. S’il y a la touristophobie, c’est parce que les touristes ne pensent qu’à leur droit et oublient les devoirs fondamentaux.

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Comme souligne Paul Arseneault lors d’une rencontre du Tourisme de Bretagne, « Il n’y a pas de surtourisme, juste un tourisme mal géré ». Nous gérons mal la masse humaine. Donc, en réaction au tourisme de masse, répondons par la masse des volontaires consciencieux.

Neutraliser les effets du surtourisme : le temps des mesures

Du point de vue écosystémique, le tourisme de masse est comme une tumeur potentielle.  Ses cellules cancéreuses se nourrissent des sources d’alimentation nommées « accessiblité », à l’image de l’irrigation sanguine. En effet, c’est souvent la démocratisation de l’accès qui favorise l’excès du flux humain. Pour empêcher l’expansion de la tumeur touristique, il faut réguler l’accessibilité. Celle-ci se décline en quatre catégories:

  • Accessibilité géographique : répartition du flux dans l’espace
  • Accessibilité temporelle : volume de touristes au fil des saisons et pendant des heures de la journée
  • Accessibilité budgétaire : allocation du temps et de l’argent
  • Accessibilité relationnelle : interaction entre les touristes et les communautés

Ce sont justement les quatre leviers actionnables permettant de faire circuler raisonnablement le flux. Tous les leviers sont interdépendants et tissent un lien causal. Jusqu’ici, on remarque que les médias mentionnent seulement les deux premiers leviers comme solution. C’est pourquoi on entend parler du voyage hors des sentiers battus et celui hors saison.

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Le tourisme de masse est comme une tumeur qui se nourrit des ressources d’une destination via les « vannes ». © Istockphoto

Comme dans une symphonie, on a besoin d’un chef d’orchestre pour modérer les leviers. L’État vietnamien semble abandonner ce rôle. L’industrie touristique du pays est presque dirigée par les entreprises privées et les conglomérats. Toutes les dérives du tourisme de masse viennent de cette gouvernance défaillante. Sans cadrage discipliné du haut, acteurs privés se substituent à l’État. Par manque de connaissances et par cupidité, ils manoeuvrent les quatre leviers dans un désordre total.  Décortiquons ensemble chacun des leviers pour mieux comprendre pourquoi le flux de la masse circule mal.

Accessibilité géographique

La facilité d’accès de transport booste le flux touristique. Le désastre de Sapa et de la baie d’Halong illustre parfaitement ce propos. À la fin des années 1990, il fallait 11h en train couchette pour se rendre à Sapa, et 7h de route pour aller à Halong. En 2014, l’ouverture de l’autoroute Hanoi – Lao Cai a réduit le trajet à 4h. Plus personne ne prend le train couchette à part des touristes nostalgiques. Pour la Baie d’Halong, c’est 3h30mn en voiture privatisée. Les « vannes » sont complètement ouvertes et laissent la masse noyer les deux sites, sans pitié. Impossible de faire rentrer le dentifrice dans le tube déjà ouvert. C’est déjà trop tard pour Sapa et Halong de revenir en arrière. Du coup, on cherche à créer des ramifications de vannes pour disperser une partie du flux. En d’autres mots, meilleure répartition de la masse dans l’espace géographique

Les professionnels dans le secteur le savent : 95% des touristes se répartissent sur seulement 5% des territoires du globe, d’après l’OMT (Organisation Mondiale du Tourisme). Son idée consiste à déplacer le surplus humain dans les zones moins fréquentées. Il y a une bonne volonté, mais l’opérationnel pose un souci.

L’OMT ne va pas jusqu’au bout de son raisonnement. Si le ratio 95/5 est communément appliqué à l’échelle d’un pays, il ne l’est pas au niveau des territoires ou des villes. Face à la surfréquention des endroits, on pense tout de suite au « hors des sentiers battus » comme solution miracle. Chez les influenceurs de voyage, un conseil est répandu : « ne reste pas dans les grandes villes déjà pourries par le tourisme ». Cette confirmation est fausse. On n’est pas obligé de partir loin pour trouver le 95% non visité. On peut très bien l’avoir en pleine métropole.  À Hanoi, 95% des touristes sont confinés dans 5% du territoire. Dans la plupart du temps, ils sont concentrés dans le Vieux Quartier.

La solution de TTB Travel consiste à diversifier des lieux, à la fois à l’échelle régionale et urbaine. L’idée est de mettre en avant des zones plus difficiles d’accès pour ne pas répéter la même erreur de Sapa et d’Halong. Concrètement :

  • Proposer des alternatives aux cinq points chauds du tourisme. Dans nos circuits, nous avons éliminé définitivement la Baie d’Halong et Sapa. Sapa est remplacé par la Réserve de Pu Luong et Hoang Su Phi qui possèdent les caractéristiques similaires. Idem pour la baie d’Halong qui est remplacée par la baie de Lan Ha voisine
  • Ne plus mettre en avant la plage. Même si le Vietnam possède un magnifique littoral, nous ne proposons jamais de séjours balnéaires dès le premier coup. Ni de Phu Quoc, ni de Nha Trang, ni de Mui Ne dans notre offre. Nous le ferons uniquement si le client nous force à le faire
  • Promouvoir des régions moins connues comme Hai Hau, Thai Nguyen, Dong Van. Ces endroits sont souvent hors des radars des Lonely Planet, Routard, Petit Futé pour une simple raison : impossible pour les backpackers d’y aller par leurs propres moyens.
  • À Hanoi, nous ne proposons pas de sites engorgés. Pour disperser le flux, les touristes font une balade à travers des quartiers excentrés comme à Kham Thien, Tay Ho.

Accessibilité temporelle

La fluctuation du flux au Vietnam est rythmée par deux paramètres : la saisonnalité annuelle et le pic pendant la journée. La majorité des touristes occidentaux visent la période entre octobre et mars, du fait du climat clément. Cette tranche est plébiscitée par tous les guides de voyage et les opérateurs. Il suffit de regarder leurs catalogues pour s’en rendre compte.

L’inconvénient de cette logique est que tout le monde vient au Vietnam en même temps, et aux mêmes endroits. Encore une fois, on tombe dans deux pièges :

  • Lacunes d’information : les touristes ne connaissent que 5% du territoire. Ils vont se baser sur le 5% pour déduire la meilleure période en conséquence
  • Obsession de « l’insta-tourisme”. Les gens cherchent à collectionner les photos pour faire valider la légitimité de leurs vacances. Dans le 5%, c’est plutôt des sites (vieilles pierres, musée) ou des merveilles naturelles qui correspondent à cette quête narcissique. C’est pourquoi l’accessibilité temporelle est intimement liée à l’accessibilité géographique

Pour modérer ce levier, il faut diversifier des offres de circuit qui étalent le flux sur toute l’année. Comment faire? Il faut savoir qu’il y a des régions magnifiques dont la meilleure période à visiter n’est pas dans le même créneau de la masse. Les touristes fuient l’été vietnamien comme la peste, sous prétexte qu’il pleut beaucoup. Et pourtant, cette saison dévoile une autre beauté. Concrètement

  • Parc Phong Nha Ke Bang, classé par l’Unesco. La seule période pour profiter pleinement de son charme se situe entre avril et août.
  • La ville impériale de Hue est particulièrement belle grâce aux odeurs florales du lotus et des pamplemousses. Ses lagunes de Tam Giang sont idylliques.
  • Les rizières du Nord Vietnam, si fantasmées par les touristes, se parent de meilleure verdure. Chose ironique : elles sont vides en haute saison.

Un deuxième paramètre pour réguler le levier est la transformation graduelle de l’insta-tourisme. Les gens se laissent influencer facilement par les photos pour prendre une décision. Il faut changer ce paradigme. Et si on choisissait de vivre la destination en fonction de ses événements culturels? Dans le monde, on assiste au succès du carnaval du Brésil ou de la fête des couleurs en Inde. On peut le répliquer au Vietnam. Concrètement :

  • Le Têt vietnamien en janvier-février. La quintessence de la culture vietnamienne se trouve dans cette période haute en couleur. Et pourtant, les gens fuient comme la peste, sous prétexte que la logistique est trop compliquée à gérer.

Accessibilité relationnelle

Pourquoi la masse folklorise-t-elle la culture locale? Il y a trois dimensions intéressantes à étudier ici :

  • La nature du contact humain est abîmée
  • Le surplus humain qui dépasse largement l’acceptation de la communauté locale
  • La déontologie des opérateurs qui profitent de la manne touristique pour vendre la culture à outrance
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La mendicité à Sapa est le résultat d’un ratio brisé

Par extension de la société de consommation, les touristes considèrent les habitants locaux au même titre qu’un paquet de chips chez Carrefour. Pour eux, un être humain ou un musée ou un paysage est la même chose. Tout est instagramable. En partant de ce principe, ils pensent que l’accès à une communauté locale est aussi évident que celui à un musée. Ainsi, ils vont tous se confiner dans les endroits où la prise de contact avec des locaux a l’air facile. Voilà pourquoi 95% des touristes fréquentent 5% du territoire touristique habité par les Vietnamiens habitués à les recevoir. Le problème : la nature de ce contact se réduit à une simple transaction commerciale, qui engendre des arnaques, des vols, etc. Cela explique tant de commentaires négatifs des tour-du-mondistes qui se plaignent

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La rue Ta Hien (Hanoi) est le lieu de rencontre entre touristes étrangers. Le rapport invité/hôte se limite aux transactions commerciales. © balotrainghiem.com

Le pouvoir de l’argent et l’accès géographique facile désaltère le rapport entre l’invité  et l’hôte. En réalité, c’est un rapport de force entre le dominant (touriste) et le dominé (résident local). On parle du quota/ratio humain qui est brisé par la masse. Dans le cas de Sapa, de Hoi An ou de la Vallée de Mai Chau, le nombre de touristes est largement supérieur à la démographie locale. C’est ce ratio déséquilibré qui contribue à la décadence culturelle du lieu, d’où la folklorisation.

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L’État est totalement absent dans l’imposition des quotas. Du coup, les opérateurs profitent de cette faille pour vendre le contact humain à volonté. Cela entraîne la surconsommation de la culture locale. Les  réceptifs, voyagistes et mastodontes de technologie (Booking, AirBnB, Tripadvisor, Instagram, etc) participent à ce processus mercantiliste de la culture. Les exemples sont nombreux

  • Village Tra Que (Hoi An) : un vrai cirque. Les touristes jouent le rôle d’agriculteurs pendant 30mn
  • Rue du train à Hanoi : voyeurisme des visiteurs qui envahissent l’espace de vie des résidents pour prendre une photo selfie devant le train
  • Villages Lao Chai et Ta Van (Sapa) : les ethnies sont acculturées à la mode occidentale
  • Villages Ban Lac et Pom Coong (Mai Chau) : on assiste à un abandon graduel des activités rizicoles. Toutes les maisons sur pilotis sont converties en des boutiques de babioles à touristes.
  • Hoi An : déclin de l’identité des descendants sino-vietnamiens dans la vieille ville, remplacée par les magasins de souvenir

Pour réguler ce levier, il faut repenser le rapport humain du point de vue des communautés locales. L’implication active des habitants en tant que partie prenante prend tout son sens. On parle du seuil de tolérance. À l’ère du tourisme participatif, il faut consulter l’avis de la communauté qui nous accueille. C’est la seule façon de savoir jusqu’à quel niveau on tolère la venue des touristes dont la culture lui est totalement étrangère. La régulation de l’accessibilité relationnelle peut décliner en plusieurs initiatives :

  • À Hanoi, on désature le Vieux Quartier surbondé par la diversification de spots d’intérêt. On construit de nombreuses activités telles que : balade en side-car vers le quartier du lac de l’Ouest, balade à vélo sur l’îlot du Fleuve Rouge, balade à pied dans le quartier Kham Thien.
  • Instaurer un seuil de tolérance en consultant l’avis de la communauté. Les visites se font en petit comité (pas plus de 8 pax). Le quota varie d’une communauté à l’autre. Pour le quartier de Kham Thien, c’est 500 pax à l’année. Pour l’îlot du Fleuve Rouge, c’est 200. Pour le monastère Yen Tu, c’est 100.
  • Les visites sont systématiquement assurées par les membres du quartier en tant qu’ambassadeurs de leur communauté. C’est un peu à l’instar des associations Greeter en France, mais avec l’assistance technique du réceptif
  • Offrir une aide de conversation. On essaie de faire impliquer des clubs de francophonie au Vietnam, permettant aux touristes d’apprendre quelques phrases élémentaires en vietnamien.

Accessibilité budgétaire

En Occident, les touristes sont victimes du culte de la performance. En voyage, ils ont tendance à reproduire le même schéma que celui du quotidien. Résultat : le voyage est un véritable marathon à photo. On enchaîne un maximum de visites et collectionne des destinations pour optimiser ton temps. L’obsession de la productivité les oblige à comptabiliser chaque centime investi dans les prestations sur place. Résultat : on marchande à fond, on réserve les tours les moins chers, on prend les vols low cost. Voyager à moindre coût devient l’objectif principal qui remplace la quête de sens du voyage. Cela explique la montée en puissance des AirBnB, Booking au Vietnam. En même temps, c’est la prolifération de transporteurs aériens low cost (Vietjet Air, Jetstar Pacific, Bamboo Airways).

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La facilité technologique à moindre coût encourage la masse de se rendre davantage dans les lieux connus. La tyrannie de la performance pousse les touristes à consommer de l’instantané et du jetable, ce qui est peu compatible avec la relation humaine. Dès lors qu’un être humain devient une marchandise, le voyage devient une commodité prête à consommer.  Si le ratio touriste/hôte est brisé, c’est parce que cela ne coûte pas trop cher, dans les yeux des touristes et des opérateurs de voyage. C’est ce paradigme qui explique la superficialité du rapport humain dans les offres d’où la folklorisation

Pour réguler ce levier, il faut regarder le budget autrement. Il faut prendre plus de temps pour apprécier la beauté des paysages et s’imprégner de la culture. Indirectement, le fait de passer plus de temps sur place entraîne la hausse de dépense concentrée sur un lieu. Il faut du temps pour bâtir une vraie interaction humaine avec la communauté locale. Le Slow Travel prend son importance à ce sujet. Concrètement, voici les initiatives qu’on peut proposer sur place

  • Séjours chez l’habitant : prolonger la durée du séjour pour éviter les déplacements constants pendant le circuit. Dans la région Hoang Su Phi, on encourage le touriste de passer minimum deux jours dans la même famille. Il vit le quotidien de l’hôte, à l’état brut.
  • Valorisation du territoire. Pour retenir le touriste plus longtemps, il faut créer des activités mettant en avant le savoir-faire du terroir. Le touriste va dépenser son argent en faveur de plusieurs acteurs dans la communauté. Au-delà de l’hébergement chez l’habitant, le touriste prend son temps de découvrir l’artisanat, les croyances, les fêtes. Il y prend part en apprenant quelque chose.
  • Détox digitale : le wifi est coupé pendant chaque séjour. On invite le touriste à vivre pleinement le présent, en immersion avec les humains dans le village

Soyons réalistes : toutes ces actions ne sont que les tentatives menées à l’échelle modeste d’un réceptif. L’efficacité optimale des 4 leviers dépend de plusieurs facteurs qui vont au-delà de notre contrôle : implication de l’État, collaboration des autres réceptifs, engagement des communautés, etc. Le tourisme de masse n’atteindra jamais la perfection durable. L’idée est de réduire l’écart.