Deconfinement d’une asociale

Ce week end, toute excitée, j'ai fait ma première "vraie" sortie, c'est à dire plus loin que le bout de ma rue. Je n'ai jamais été aussi exhaltée d'aller au magasin de bricolage...j'ai vite déchanté. C'est officiel, il ne faut pas me mettre en public. Marichéri a été admirable de calme...et un peu mort de rire aussi devant mes angoisses. Je ne parle pas de la peur d'attraper quelque virus que ce soit, je parle de mon asociabilité qui a grandi de façon exponentielle pendant le confinement, sans que je m'en rende compte. Ça devient gênant.

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Déjà, j'ai un problème avec le masque obligatoire dans certains magasins. Je suis légèrement claustrophobe et j'ai des lunettes. C'est à dire qu'en trois minutes, non seulement je n'y voyais rien et j'avais peur de foncer dans une palette de briques et de m'exploser la tête dessus ce qui est aussi dangereux qu'un virus, mais surtout, j'étouffais. Littéralement. Je vous passe les sueurs froides, les vertiges, l'envie de vomir, la sensation de glace qui monte dans les membres...d'habitude, je réserve ça pour les voyages sous la Manche, les salles de spectacles petites et pleines (pour le cinéma ou le théâtre, ça dépend de la taille de la salle et du degrés de remplissage), les tunnels en voiture, ce genre de choses (je ne parle même pas des ascenseurs, que j'évite comme la peste). Je ne pensais pas qu'un masque, qu'après tout je ne vois pas (de toute façon, je n'y vois rien avec), me provoquerait des étouffements comme ça...il faudrait que j'essaie de faire comme la dame que j'ai aperçue juste avant que mes verres soient définitivement obscurcis par la buée de ma respiration haletante: elle avait un magnifique masque, très festif, orange avec un soleil jaune, certainement fait maison. Au crochet. Sans doublure. Autant porter une passoire...mais je suis sûre que cette dame respirait très bien.

Enfin bon, suspendue à Marichéri qui me guidait en essayant de ne pas se rouler par terre de rire devant mes airs hallucinés de poissons rouge hors de l'eau, j'ai réussi à me mêler à la foule. A la cohue. A la charge...une mêlée de rugby à côté, c'est du pipi de chat. Les gens sont fous. Ils sont collés les uns aux autres, en tout cas à moi. Ça n'a rien à voir avec un virus, mais ils n'ont jamais entendu parler du personal space? Rhaaa, mais poussez-vous! Non je ne suis pas parano, mais je ne veux pas que vous me colliez comme ça, espèce de dangereux social. Je ne veux pas partager vos conversations, votre haleine, vos pellicules... Laissez moins respirer. Sans compter que, sans verser dans les clichés, les français ont quand même l'air d'avoir du mal avec ce passe-temps national anglais qui consiste à faire la queue correctement et qui me manque beaucoup. Je ne parle pas non plus des aboiements hargneux et très, très bruyants (sérieusement, il y a vraiment besoin d'une acoustique de salle d'opéra aux caisses d'un magasin de bricolage?) de clients enragés que doivent supporter les malheureux personnels qui méritent clairement d'être béatifiés parce qu'à leur place, j'aurais tué quelqu'un. De pitié bien sûr, pour abréger les souffrances de ce malheureux là par exemple, celui qui exige de passer devant parce que lui, il n'a qu'un bout de tuyau (avec lequel il a déjà embroché trois autres clients), mais aussi de quoi carreler un océan...d'ailleurs, où est mon bazooka, que je fasse dégager la famille entière qui a décidé de camper sur mon épaule pour voir si la file avance? Comment ça j'exagère? Oui peut-être, mais en ressenti, c'était ça!

Bref, il faut se rendre à l'évidence, je ne suis pas sortable. Enfin si...parce que je suis asociale, certes, mais asociale contrariée, c'est à dire que j'aimerais beaucoup être sociable et que je n'y arrive pas. Alors que Marichéri lui est asocial pratiquant et fier de l'être. Asocial militant même. Et qu'il aurait été pire que moi au milieu de tout ça, si je n'avais été là pour le faire rire avec mes angoisses. Ahaha.