Salsa&Bachata dans le Vietnam moderne

Salsa&Bachata dans le Vietnam moderne

Salsa&Bachata est l’un des éléments qui prouve une «touche latine» dans la culture vietnamienne, malgré la distance géographique. Le lien qu’on voit ici est la vie sociale très orientée vers la rue et la danse favorise cette mixité. Complètement inconnue il y a quinze ans, la danse latine arrive en force au Vietnam et bouleverse le modèle culturel en vigueur du pays. Du fait de son origine latine, Salsa&Bachata oblige un contact sensuel. Ça frotte «serré». Or, dans une tradition relativement conservatrice comme le Vietnam, les gens sont très pudiques. Tout voyageur étranger remarquera que toute démonstration affective en public est mal vue au pays. Et pourtant, la danse Salsa&Bachata est en train de gagner du terrain auprès des jeunes citadins branchés. Qu’est ce qui se passe? Comment peut-on décoder l’émergence  de cette tendance culturelle? Cet article est rédigé en réponse à l’interrogation de Clo du blog Evasions Gourmandes.

Sala&Bachata :  un phénomène récent

L’importation de Salsa&Bachata n’est pas un mouvement anodin. Derrière son développement rapide depuis dix ans, c’est toute une évolution socio-culturelle au sein de la classe urbaine, surtout chez les jeunes Vietnamiens. Depuis toujours, la danse s’inscrit dans la tradition vietnamienne. Néanmoins, elle prend la forme collective et elle se déroule lors des fêtes ou des cérémonies à vocation spirituelle. Pendant la colonisation française, le Vietnam a importé de nouveaux courants de danse venus d’Europe tels que Vals. La culture française est profondément gravée dans la mémoire collective comme quelque chose de noble. Tout ce qui est lien avec la France ou l’Occident est considéré comme mondain, y compris la danse à l’européenne. Il y a un écart entre la danse du monde occidental et la tradition vietnamienne : ceux qui pratiquent la danse classique appartiennent à une classe sociale plus élevée. Cette perception du public vietnamien reste encore très vivace jusqu’aux années 1990.

Salsa&Bachata dans le Vietnam moderne

 L’ouverture économique a permis au pays de brasser de nouvelles cultures. L’amélioration des conditions de vie a permis aux citadins vietnamiens de consacrer leur temps libre au loisir. Dans une approche plus démocratisée, les premiers clubs de danse classique (vals, cha cha cha) ont apparu à Hanoï et Ho Chi Minh Ville pour répondre au besoin de cette clientèle. Cependant, il faut savoir que ces danses ont une image vieillote et n’attiraient pas trop l’attention des jeunes. Il a fallu attendre aux années 2000 où la danse sportive (Dance Sport) est arrivée au Vietnam et fut très bien reçue grâce à ton caractère plus dynamique. C’est une prémice pour l’arrivée de Salsa&Bachata quelques années plus tard.

Salsa&Bachata dans le Vietnam moderne

Les premiers clubs permanents de Salsa&Bachata ont vu le jour successivement dans la période 2008 – 2015. Pourquoi une période si tardive? Deux éléments expliquent : la multiplication de relations diplomatiques entre le Vietnam et les pays du monde hispanique et le retour massif des ex-étudiants vietnamiens à Cuba. Le Vietnam a intégré l’Organisation Mondiale du Commerce en 2006, ce qui lui a permis de tisser plus facilement des liens avec des pays du Nouveau Monde. Hormis la visite du roi d’Espagne en 2007, les pays de l’Amérique Latine ont effectué de nombreux voyages de repérage au Vietnam dans le but de trouver de nouveaux débouchés. On commence à croiser des expats hispaniques (Cuba, Mexicains, Colombiens, Argentins, Espagnols) à Hanoï et Saïgon.

Salsa&Bachata dans le Vietnam moderne

Une première communauté hispanique s’installe, ce qui permet à Salsa&Bachata de tailler une place modeste dans la société vietnamienne. Cette communauté est le noyau dur qui soutient le développement de cette danse au pays. En outre, de nombreux étudiants vietnamiens à Cuba sont rentrés au pays sur l’appel de l’État. Pour votre information : les deux pays communistes ont un lien de fraternité très étroit depuis des années 1960. C’est par intermédiaire de cette relation que les Vietnamiens peuvent partir faire des études à Cuba et découvrir le cigare, le rhum et Salsa&Bachata.  La cohésion entre la communauté hispanique et les étudiants hispanophones vietnamiens explique l’élan de la danse latine au pays.

Salsa&Bachata : témoin de l’évolution des moeurs

Les années 2000 sont une période charnière pour les nouveaux courants dont Salsa&Bachata. La vitesse de changement socio-culturel au Vietnam passe à un niveau supérieur, en même temps que sa croissance économique à deux chiffres. En outre, la jeunesse vietnamienne atteint son âge d’or : les moins de 35 ans représentent 65% de la population. Les jeunes ont l’ouverture d’esprit plus marquée que leurs parents et ils sont plus disposés à tolérer ce qui était tabou dans la société. Au Vietnam, il y a beaucoup de tabous en ce qui concerne le rapport entre les gens de sex opposé : virginité, contact physique, amour, mariage, etc. Je souligne cette mention parce que c’est un facteur important qui explique l’acceptation de Salsa &Bachata auprès des jeunes (pas des vieux). Fonctionnant à deux, on sait que ces deux danses ont un fort caractère sensuel, voire de séduction. La sensualité est intimement et traditionnellement liée à la sexualité au Vietnam. Son niveau de contact physique dépasse la frontière de tolérance dans un pays pudique. Dans la vie de tous les jours, les Vietnamiens de sexe opposé n’osent pas avoir un contact si intime. Naturellement, c’est un blocage quand on débute Salsa &Bachata. Pour beaucoup de Vietnamiens, ces danses font référence à une scène amoureuse gênante. Si cette perception reste très forte dans la plupart des zones rurales, plusieurs citadins vietnamiens (plutôt à Hanoï et Saïgon) ont réussi à franchir le cap. S’il acceptent Salsa&Bachata, c’est parce que leur vie sexuelle et amoureuse a aussi évalué en faveur de ces danses. 

Salsa&Bachata dans le Vietnam moderne

On sait que Salsa&Bachata est un mode de vie très courant chez les gens en Amérique Latine. Pour eux, c’est peut-être un moyen de sociabiliser. Les jeunes Vietnamiens n’ont pas la même perception. Pour ces gens majoritairement célibataires, Salsa&Bachata est une arme redoutable pour trouver l’âme soeur.

Salsa&Bachata dans le Vietnam moderne

Il s’avère qu’un bon nombre de jeunes citadins vietnamiens suivent la même tendance mondiale : on fait des études plus longues, on repousse le mariage plus tard, on mène une vie célibataire «inter-mi-temps» à plusieurs reprises avant de s’engager sérieusement dans une relation durable, on cherche des activités de loisirs avec grande flexibilité, etc. Salsa&Bachata répond parfaitement à leur besoin car les pas de danse ne sont pas aussi rigides  que la danse classique et l’atmosphère est plus cool.

Salsa&Bachata dans le Vietnam moderne

Eurêka! Une recette miracle pour mettre fin à sa vie célibataire! Certes, on ne peut pas mettre les oeufs dans le même panier. Cependant, le taux d’accouplement au sein des cours de Salsa&Bachata est quand même frappant. Plus de 90% des élèves sont célibataires au début des cours. Au bout de 2-3 mois, les couples de forment. Une fois que l’objectif est accompli, beaucoup de gens ne suivent plus de cours et laissent tomber. Les autres, soit ils poursuivent par passion soit ils continuent à chercher l’âme soeur. On comprend à tel point, le cours de Salsa&Bachata est un excellent moyen de repérer les «cibles». Il est vrai que ça suscite encore des polémiques autour de la validité culturelle et sociale de cette danse. Mais comme tout autre courant d’origine étrangère, les Vietnamiens savent comment les moduler pour les intégrer habilement dans leur tradition. Un jour, peut-être on verra une danse Salsa&Bachata entièrement vietnamisée. Qui sait?

Une «épice» essentiellement urbaine

Salsa&Bachata permet de pimenter la vie des citadins trop préoccupés par les soucis quotidiens. Dans les grandes villes, il faut dire honnêtement qu’on n’a pas beaucoup de choix quant aux activités nocturnes. Les bars et les boîtes de nuit sont fermés assez tôt. Du coup, Salsa&Bachata, avec son caractère de vie sociale, se marie très bien avec le mode des vie des Vietnamiens. Désormais, on peut pratiquer d’autre chose que d’aller au Bia Hơi ou chanter au Karaoké. Lors d’un passage à Hanoï ou Saïgon, si vous êtes fan de cette danse, n’hésitez pas à participer à de nombreux clubs qui organisent régulièrement les évènements.