L’école à la maison de la terminale au CP, dans la joie. Ou pas.

Publié le 02 avril 2020 par Pomdepin @pom2pin

Tous les parents sont englués dans les joies de l'école à la maison en ce moment, je ne fais pas original. Mais avec une famille nombreuse aux âges éparpillés, c'est encore plus rigolo. Ou pas. Un grand stressé en terminale scientifique, une artiste inspirée mais pas du tout motivée en troisième, une surdouée en manque d'école en sixième et une espèce de tornade en CP....sans compter L'Ado rapatrié de Londres, qui tient absolument à faire relire ses essais avant de les envoyer, puisqu'il fait ses partiels à distance. Je m'éclate. Littéralement. Là par exemple, je suis écroulée dans l'herbe avec les graces d'un nain de jardin aérophagique en plein coma éthylique. C'est la " récréation ", il faut aérer Wizzboy. Et mes quelques neurones qui surnagent. Rhaaa.

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Soyons clairs, la motivation s'effrite. Et je ne parle pas de celle des enfants. Au départ, ça allait. Je reconnais même qu'on est chanceux: le lycéen et les deux collégiennes ont l'habitude de travailler sur iPad et leurs profs aussi. Il y a déjà tous les cours, les exercices, tout le monde maîtrise et ça marche très bien. L'instit de Wizzboy n'a eu qu'à intégrer le système (c'est une école privée, de la maternelle au bac). Ça roule, youpidoo. Et puis, enseigner, ça a été mon boulot en Angleterre. J'ai encore des notions de mes cours de pédagogie, de tenue de classe, tout ça. J'étais réputée pour ma discipline " à la française "...oui ben, je suis formelle, c'est beaucoup plus facile de tenir trente gamins qui ne sont pas les miens, dans une vrai salle de classe, qu'un petit garçon qu'on peut qualifier de dynamique, dans mon salon, alors qu'il n'a pas envie de réviser le son [gn]. Mais-euh, maman-euh! Je veux un cookie d'abord-euh! Non, Wizzboy, pas [eu], c'est [gn]...J'ai le choix, soit je m'énerve, ce qui n'est pas du tout productif, soit je cède et je noie mes dernières illusions de pédagogue ratée dans les cookies au chocolat. Avec pépites de chocolat.

Sérieusement, je finis les journées avec l'air pimpant et énergique d'une palourde bouillie. Non seulement ça ne finit jamais (on attaque à 8h30 tous les matins), mais il faut passer du coq à l'âne en continu (non Wizzboy, ce n'est pas la leçon sur les animaux de la ferme, c'est une expression): de Kant aux aventures de Timioche le petit poisson, des équations en maths au passé simple en espagnol, de la distillation en troisième aux dictées de sixième....et en sautant constamment de niveau, donc en devant adapter la façon de travailler, d'expliquer, de motiver à chaque âge. C'est épuisant. Encore une fois, je n'ai jamais eu aucun problème pour passer des petits de 4 ans en réception (première année de primaire anglais) aux " grands " de 11 ans. Mais c'était dans la même matière, que je maîtrisais un peu (le français langue étrangère donc) et l'amplitude est moins grande que du CP à la terminale! On n'explique pas du tout les subtilités du son [gn] à un petit comme les mystères des ondes gravitationnelles à un ado moyennement convaincu. C'est dommage d'ailleurs parce que je maîtrise plus le son [gn]. J'ai l'impression de réviser pour le bac, pour la licence et le brevet en même temps. Sans compter les essais de L'Ado. Autant j'arrive vaguement à suivre en espagnol, autant je ne comprends pas un mot en italien...et puis clairement, j'ai des lacunes en literature sud américaine de mi 1923 à 1937 (jusqu'à la deuxième quinzaine d'août, par là).

Pour l'instant, les enfant bossent encore à fond, chacun à sa manière. PrincesseChipie épuise ses profs à distance et moi avec. Elle est en manque, elle a besoin de compliments, de notes, d'évaluations. MangaGirl apprécie très moyennement d'avoir sa mère sur le dos. Visiblement, je suis encore plus fasciste que les profs, c'est dire. Oui, je vois bien que tu as fini ton exercice d'espagnol, mais on pourrait en profiter pour revoir le passé simple (oui bon, ça va, vous croyez que ça lui vient d'où, PrincesseChipie?). Je me saoule moi-même. GeekAdo lui est dans un état de nerfs ridicule (comme sa mère...quand je vous dis que je me fatigue toute seule), à cause du flou autour du bac. Il faut le rassurer, l'entourer, le cajoler. Il bosse comme un fou, motivé par le stress. Mais il s'épuise. Enfin bref, on tient comme on peut, en se disant que c'est bientôt les vacances scolaires et qu'on va pouvoir tous souffler un peu...alors quand on a entendu parler de " vacances apprenantes " , on a tous hurlé! Apprendre quoi déjà? Wizzboy est à jour, PrincesseChipie attaque le programme de math de troisième, pour s'occuper, MangaGirl, épuisée par sa fasciste de mère est au nord de tout envoyer balader, GeekAdo est en apnée...ils ont besoin de repos. Moi aussi.

Ça servirait à quoi, de continuer sur le même rythme pendant les vacances, si ce n'est à creuser les inégalités qui s'accumulent avec les enfants qui n'ont pas la chance de pouvoir suivre l'école à la maison, ceux qui n'ont pas de connexion, pas d'imprimante, ceux dont les parents ne maîtrisent pas le français (je parle en tant que ex maman française en Angleterre, vous croyez que c'est facile à suivre quand on vient d'ailleurs?), et j'en passe. Les vacances approchent et les enfants, la boîte à cookies au chocolat et moi les attendons avec impatience.