Culture du thé au Vietnam

Publié le 19 mars 2020 par Van Thai Nguyen

Quand on parle du thé asiatique, les gens pensent immédiatement à la Chine, au Japon, et à l’Inde. Dans la plupart des ouvrages édités par les experts occidentaux, ces trois pôles de production sont fréquemment étudiés. Le Vietnam reste vraiment dans l’ombre. Personne ne sait que ce pays fort de 95 millions d’habitants est présentement le 5e producteur mondial. Un fait étonnant : si on regarde les fouilles archéologiques, le thé vietnamien est même plus ancien que ses voisins indiens et japonais ! Cependant, pour plusieurs raisons, le Vietnam n’a jamais pu faire rayonner sa culture de thé. Le pays se fait devancer par les Japonais et Indiens dont la découverte des vertus du thé fut beaucoup plus tardive. Cet article vise à mettre en lumière l’origine et les spécificités du thé vietnamien.

Comment la culture du thé vietnamien se positionne-t-elle face à la Chine et au Japon ? Pour caricaturer la comparaison, le thé de chaque pays est doté d’une personnalité distinctive. Le thé chinois est comme une femme citadine branchée et orgueilleuse. Elle cherche à embellir son apparence sexy pour impressionner les spectateurs. Le thé japonais est comme un moine Zen rigoureux et discipliné. Chacun de ses gestes comporte un message philosophique qui vient de la méditation bouddhiste. Le thé vietnamien est comme une jeune fille d’origine rurale. Ayant grandi  dans la riziculture inondée, elle conquiert le cœur des gens par son âme simple et sa sociabilité.  Cette simplicité rurale s’est forgée à travers une histoire mouvementée.  Naguère, le Vietnam vivait dans l’extrême pauvreté alors que ses voisins chinois, japonais et taiwanais dépensaient des sous pour promouvoir leur culture de thé…La promotion internationale du thé vietnamien ne date que des années 2000, ce qui explique son retard.

Avec la montée en puissance du tourisme vietnamien, les gens commencent à s’intéresser à plusieurs aspects qui composent sa culture. Du coup, la culture du thé vietnamien bénéficie de la situation pour sortir de l’ombre. Pour comprendre son histoire et son évolution, il faut d’abord chercher l’origine en Chine.

Apparition du « thé brique » en Chine au 7e siècle

Pour simplifier, je zappe exprès l’origine historique des feuilles de thé et de sa culture agricole. Grosso modo, la culture de thé prend une forme officielle sous la dynastie Tang en Chine (entre 7e et 9e siècle). D’origine sauvage, le théier est domestiqué et devenu une vraie culture via les plantations d’envergure au même titre que la riziculture.

Sa consommation était répandue dans l’ensemble de la population chinoise : les gens de la cour, la noblesse, les moines, les lettrés, etc. La dysnastie Tang marque également l’âge d’or de la mythique Route de la Soie. Une connexion commerciale très dense lie la Chine à la Méditerranée par voie terrestre. Le réseau ressemble au schéma ci-dessous.

Les caravanes remplies de marchandises quittent la capitale Xi An et traversent plusieurs pays d’Asie Centrale. En suite, une partie bifurque vers le Tibet et l’Inde. Une autre partie fonce tout droit vers la Turquie et la Syrie. Malgré son nom, il faut savoir que la route de la soie n’a pas que le textile comme marchandise. C’est un système de troc complexe avec des produits très diversifiés. La Chine est forte avec son thé et son textile. Elle exporte ces deux items contre les chevaux de la Mongolie et de l’actuelle province de Xin Jiang.

Les peuples nomades turco-mongols sont d’excellents éleveurs de chevaux qui font défaut à la Chine. Celle-ci en a besoin pour équiper sa cavalerie militaire. Pour faciliter le transport, le thé de l’époque prend la forme d’une brique bien compacte, à l’image du pain dur en Europe d’autrefois.

Puis, on va gratter le bloc au fur et à mesure pour mettre dans un bol en bois pour consommer. D’ailleurs, le thé se servait un peu comme de la soupe. On mettait de l’eau chaude dedans, un peu de thé, un peu de riz,  etc. C’est une espèce de bouillon qui n’a rien à voir avec l’image du thé infusion de nos jours.

Passage du « thé brique » au « thé poudre »

Pendant la dynastie Song, surtout au cours du 12e siècle, on apporte une modification majeure dans la consommation du thé. On broie des feuilles séchées afin d’obtenir une poudre très fine, un peu comme du poivre. Ensuite, on met tout ça dans un bol rempli d’eau chaude. On mélange le tout et bat de la poudre de thé avec un fouet de bambou. Le but est de faire apparaître une couche de mousse verte qui ressemble à cappuccino.

Cette technique fut adoptée un peu plus tard par les moines japonais, ce qui deviendra le thé Matcha. Le 12e siècle a connu une véritable apparition de la culture de thé au Japon. D’abord, la consommation du thé était exclusivement réservée à la communauté de moines bouddhismes. Ceux-ci ont copié l’habitude de leurs confrères chinois pour rester debout pendant des heures de méditation. Ultérieurement, le thé s’est répandu dans la l’aristocratie japonaise, le milieu des lettrés, des samouraïs puis dans l’ensemble de la population. Du fait de ce fond historique, il y a beaucoup de lien entre l’art du thé japonais et la méditation bouddhiste.

Passage du thé poudre au thé infusé

Suite à la chute de la dynastie Song (13e siècle), la culture du thé en Chine a ralenti sa diffusion dans les pays voisins. En effet, l’invasion mongole a freiné tout échange commercial entre l’Empire du Milieu et des pays limitrophes pendant un siècle. Il a fallu attendre l’arrivée de la dynastie Ming pour que le thé reprenne son envol.

Au cours du 15e siècle, la culture de thé a connu deux autres modifications majeures : remplacement définitif des bols en bois par les tasses et pots en porcelaine et la technique d’infusion. Pour rappel, la porcelaine chinoise était une marque reconnue mondialement à l’époque. La dynastie Ming favorisait beaucoup plus de commerce maritime que ses précédesseurs. Ainsi, les bateaux espagnols, portugais et hollandais exportent plusieurs marchandises chinoise en Europe. Le commerce du thé passe essentiellement par deux routes : une route terrestre (ou continentale) via le Nord de le Chine puis l’Asie Centrale, et une autre route maritime via la côte du Sud (Guan Dong, Fujian). C’est en fonction de la nature de la route que le nous avons deux grandes familles de thé au niveau vocable. Les pays qui adoptent la culture de thé par voie terrestre ont plus tendance à utiliser le mot qui commence par tch. En effet, dans la langue mandarine (langue officielle en Chine), on dit cha 茶 pour désigner le thé.  Cette syllabe est empruntée par plusieurs pays : tchaï au Tibet, tchaï en Inde, choy en Ouzbékistan Çay en Turquie, čaj en Slovaquie, tsai en Mongolie, cha 차 en Corée, et trà au Vietnam. Les pays qui importent du thé par voie maritime ont tendance à prononcer t pour désigner le thé. L’origine de cette prononciation vient du t’e,  dialecte chinois de la Province Fujian d’où partent des bateaux de marchandise. Du coup, ce sont plutôt des langues européennes qui adoptent ce son : thé en français, tea en anglais, en italien, tee en allemand, thee en danois

Cependant, le pays a perdu graduellement sa position dominante au cours du 19e siècle. C’est l’apogée de plusieurs puissances coloniales européennes, dont l’Angleterre et la France. Le commerce international favorise une forte consommation de thé dans l’ensemble des populations occidentales. Face à ce marché juteux, il faut alors réduire les coûts d’intermédiation. Dans cette optique, l’Angleterre cherche à réduire le monopole de la Chine dans la production du thé. C’est pendant cette période que la couronne britannique développe la production industrielle du thé dans plusieurs colonies, dont l’Inde et le Srilanka. Le chemin vers l’industrialisation de thé en Inde était truffé d’embûches. L’Empire britannique envoyait plusieurs espions botanistes en Chine afin de percer les secrets de fabrication là-bas. Après plusieurs tentatives, ils ont réussi à identifier une étape clé située dans l’inoxydation des feuilles de thé. Aussi tôt, ils ont essayé plusieurs tests dans les régions montagneuses situées au nord de l’Inde et au Srilanka. En espace de quelques décennies, les Britanniques ont réussi à développer des centres de fabrication de thé et rivalisent en toute égalité avec la Chine.

Pour éliminer complètement la Chine dans la compétition internationale du thé, les Britanniques ont déclenché deux guerres d’opium (1942 – 1960). La Chine a essuyé des défaites humiliantes et fut contrainte de faire toutes les concessions exigées par les Britanniques. Parmi les pertes de l’Empire du Milieu, on peut citer la cession du droit d’utiliser les ports maritimes chinois, dont Fuzhou, Canton et Shang Hai.

Histoire du thé au Vietnam

Pour raisonner le thé vietnamien, il faut toujours se référer à la Chine voisine. La véritable culture de thé est née au Vietnam au cours du 11e siècle, sous la dynastie Ly. Pour mettre en place une gouvernance efficace du pays, les rois vietnamiens ont décidé de faire de la « copie-coller» du modèle chinois avec quelques bricolages. C’est comme ça que la culture de thé est née dans un premier temps. La culture de thé en Chine est caractérisée par la sophistication démonstrative (gesture des mains) et le côté « intello». En effet, la consommation du thé dans la haute classe chinoise était une véritable cérémonie artistique. Le thé était servi comme un support autour duquel la classe lettrée composait des poèmes ou réalisait la calligraphie. Pendant une longue période (entre 11e et 19e siècle), la cour royale au Vietnam a adopté plus ou moins le même modèle. Par contre, le Vietnam n’a pas entièrement copié le thé poudre de la dysnastie Song en Chine. Il s’avère que les Vietnamiens ont zappé cette étape et passent directement au thé infusé. A travers toutes les dynasties vietnamiennes, jusqu’au 19e siècle, la culture du thé au Vietnam se décline en trois catégories : le thé pour la haute classe (famille royale, aristocratie, classe lettrée), le thé pour la communauté monastique (des moines bouddhistes), et le thé pour le peuple ordinaire.

Pendant le règne de la dynastie Nguyen (19e siècle), la frontière entre l’élite et le peuple fut renforcée davantage. Autrement dit, la culture de thé est un marqueur social. Les rois Nguyen sont les vrais fans de la culture chinoise. Ce sont d’excellents collectionneurs de thé importé de Chine. Pendant cette période, dans une classe lettrée très fermée, le thé sophistiqué à la chinoise se circulait à l’intérieur du spectre de la haute société vietnamienne. Ce mode de consommation ostentatoire était interdit au peuple ordinaire.

Pendant la colonisation française, l’influence féodale s’est estompée peu à peu. Par conséquent, le thé de la haute classe a connu un fort déclin. La colonisation française est un élément déterminant qui différencie le thé vietnamien de son voisin chinois. Sur le sol vietnamien, le système administratif à la française co-habitait en même temps que celui vietnamien, basé sur le concours mandarinal. Au 20e siècle, les concours mandarinaux furent définitivement supprimés. Ainsi, toute la classe lettrée fut rayée de la société vietnamienne, y compris leur culture de thé. Dans la perception coloniale, le Vietnam était vu comme une ressource économique en faveur de la France. L’appareil colonial sur place se chargeait d’exporter plusieurs produits agricoles, dont le thé et le riz. Le thé de qualité premium était exporté vers l’Europe. Donc, le thé consommé par les Vietnamiens était plutôt médiocre. C’est dans ce contexte que les Vietnamiens ont dû réinventer un peu leur habitude de boire du thé réservé désormais aux travailleurs de base.

En 1945, la monarchie fut à son tour abolie. Du coup, toute la culture de thé, réservée à la haute classe, fut enterrée. Dans le contexte où le prolétariat est monté en puissance, la culture de thé raffinée était considérée comme composante intrinsèque de la féodalité donc ennemi de la classe paysanne. L’avènement de la république vietnamienne a apporté des modifications majeures dans la culture du thé du pays. Les deux catégories de thé (haute classe et monastique) ont connu un fort déclin. La raison est assez simple. Le pays était sous le contrôle du pouvoir communiste. Ceci est en conflit contre tout ce qui est l’ostentation matérielle et intellectuelle. Le Vietnam a connu une sorte de Révolution, en termes de purge politique. Concrètement : aristocratie liquidée, bourgeoisie éliminée, monarchie supprimée, communautés religieuses réprimées à fond ( y compris bouddhistes, catholiques, etc). Hormis une gouvernance hostile du régime communiste, il faut aussi ajouter des guerres incessantes (guerre d’Indochine, guerre américaine, guerre de la frontière sino-khmère). Ces bouleversements ont frappé la culture du thé de plein fouet. Le Vietnam de la période 1945- 1985 semble faire une rupture assez brutale vis-à-vis de son passé féodal. Par l’entremise des mesures radicales du régime,  la culture du thé dans les spectres lettré et monastique subit une chute libre. Du coup, le seul spectre qui reste durable à nos jours est la culture du thé propulsée par la culture villageoise. C’est cette forme qui est la plus vivace dans le Vietnam contemporain.

Depuis l’ascension de la dynastie Ly (11e siècle) jusqu’à la chute de la monarchie en 1945, le spectre villageois est toujours le socle du Vietnam. C’est grâce à cette solidité culturelle que la tradition du thé populaire a pu survivre malgré les vicissitudes de l’histoire. Si le Vietnam a pu gagner de nombreuses guerres du 20e siècle, c’est aussi grâce au soutien sans faille de la culture villageoise. Le régime communiste en est conscient. Du coup, les dirigeants politiques n’ont pas trop bouleversé l’organisation sociale au sein des villages à la campagne. Tout ça a permis de préserver la culture du thé populaire.

Cette tradition fut encore stimulée lorsque l’État a mené l’industrialisation du thé dans les années 1990. Dans l’optique de booster l’économie, l’État a coordonné une production massive du thé pour l’exportation. Le thé atteint un niveau industriel. Selon les dernières statistiques, le Vietnam est le 5e producteur mondial. Cependant, la culture du thé, en tant que consommation, a perdu le côté raffiné qui était jadis réservé à l’élite mandarinale.

Pour un Vietnamien de base, l’art du thé raffiné est une notion très floue et ce n’est qu’une nostalgie lointaine. Pour la plupart, la qualité du thé est parfois laissée derrière sa fonction sociale. En d’autres mots, le thé est plutôt un espace social qui favorise un dialogue. Cet espace est omniprésent, que ce soit à la campagne ou en ville. C’est pourquoi vous croiserez facilement une échoppe de thé au bord des rizières ou sur les trottoirs en ville.

Avec la mondialisation accélérée, la culture du thé du Vietnam a dû aussi s’adapter. Ainsi, de nouvelles formes de thé ont apparu à partir des années 1990. D’abord, c’est le thé glacé, ou trà đá en vietnamien. Pas cher, ce thé est proposé un peu partout, notamment quand il fait hyper chaud. Une fois que l’embargo américain fut levé en 1994, on voit apparaître des sachets de Lipton et Dimah. Dans les années 2000, les Vietnamiens se sont inspirés un peu de Coca et Pepsi pour inventer leur propre thé instantané. Il s’agit de thé vert sucré mis en bouteille, très connu sous la marque Dr.Thanh. Au sein de la population jeune en ville, on voit également apparaître la consommation du thé glacé au citron sur les trottoirs. Ce nouveau mode de vie citadin est né à partir de 2008, sous l’appellation trà chanh vỉa hè.

Bref, les Vietnamiens ne cessent d’ajouter de nouveaux aspects dans leur culture du thé. Cependant, il existe toujours un socle solide basé sur une longue tradition : la culture villageoise. Depuis une vingtaine d’années, la classe intellectuelle du Vietnam est consciente de la nécessité de préserver la tradition du thé. Ainsi, de nombreux salons de thé ont été en ville, dans l’optique de faire revivre l’esprit villageois si puissant dans la culture du thé populaire.

En quoi la culture du thé du Vietnam est différente de ses voisins?

C’est résolument l’esprit villageois qu’il faut chercher si on veut comprendre la différence de la culture de thé vietnamien par rapport aux voisins indiens, chinois ou japonais. L’histoire mouvementée du Vietnam (entre 19e et 20e siècle) explique un détachement important de la culture du thé vietnamien par rapport à son voisin chinois. La sophistication cérémoniale et la dimension intello ont pratiquement disparu en même temps que la fin de la monarchie vietnamienne. A la place, c’est la simplicité dans la forme et la sociabilité dans le fond. Ces deux caractéristiques sont essentielles dans la culture du thé vietnamien. Elles proviennent de la culture villageoise qui est justement le fondement de l’identité du pays.

La société vietnamienne est dominée par la culture villageoise. La plupart des Vietnamiens, citadins compris, ont toujours une origine villageoise quelque part. Ils viennent souvent de la campagne et s’installent en ville pour de diverses raisons. Au fil du temps, ils deviennent citadins par statut, mais restent toujours villageois par mentalité. Au Vietnam, avoir un esprit villageois veut dire la simplicité. Un villageois vietnamien ne cherche pas nécessairement la sophistication artistique et encore moins le côté visuel comme son voisin chinois. Et ça se voit dans la façon de préparer du thé. Les Vietnamiens cherchent à simplifier les étapes. Ils zappent volontiers des gestures jugées trop superflues.  Pour faire un résumé, la culture de thé chinois est caractérisée par la sophistication raffinée, celle du Vietnam est plutôt marquée par la simplicité rurale.

Par rapport au Japon, la culture de thé du Vietnam est moins disciplinée au niveau spirituel. On sait que la culture du thé au Japon atteint le standard de l’art de vivre avec une forte empreinte bouddhiste. C’est assez logique, compte tenu de 85% de la population bouddhiste là-bas versus 10% au Vietnam. Le Cha dao (voie du thé) de là-bas est rythmé par la méditation. Depuis le 12e siècle, les Japonais ont intentionnellement développé leur culture pour faire du thé une philosophie. Il y a tout un paquet de règles et rituels bien codifiés. Bref, de la discipline ! On n’a pas tout ça au Vietnam. Dans le pays, l’introduction du thé se fait d’une manière plus hasardeuse par l’élite lettrée au temps féodal. La culture raffinée du thé n’a jamais pu se répandre dans l’ensemble de la population comme au Japon. La seule classe sociale capable de véhiculer une culture raffinée est la cour royale, l’aristocratie et le clergé bouddhiste. Malheureusement, toutes ces classes ont disparu à l’exception d’une poignée de moines bouddhistes.

Ainsi, toutes les dimensions intellectuelle et spirituelle ont également disparu. Bien que le bouddhisme soit encore bien présent dans l’éducation morale, cette religion n’est guère importante dans la culture du thé. C’est la différence fondamentale entre le Vietnam et le Japon. Le Zen japonais intègre très bien la méditation dans son art du thé. Cette dimension est absente du thé vietnamien. Dans le thé japonais, il y a une approche introspective, à l’instar des moines japonais d’antan. Par contre, dans le thé vietnamien, c’est l’inverse. Ça parle fort pendant la consommation du thé. Les Vietnamiens ajoutent volontiers un fond musical pour agrémenter l’ambiance. C’est ici que l’on parle de la sociabilité dans le thé vietnamien.

La culture villageoise au Vietnam s’est forgée autour de la riziculture inondée. Les villageois sont des travailleurs acharnés qui ont besoin du thé comme « dopage ». A part ça, le thé est aussi une boisson qui fédère tous les villageois lors des réunions importantes d’où la dimension sociale très forte.  Nous avons la chance de garder ces traces bien visibles dans l’ouvrage « technique du peuple annamite» de Henri Oger, publié au début du 20e siècle. Du fait de la riziculture, les Vietnamiens cherchent d’autres trucs pour doper la force.

Ainsi, ils inventent plusieurs friandises pour accompagner le thé. Souvent, il s’agit des sucreries énergisantes : barre sésame, bonbons de cacahouette, gâteaux farcis de fèves d’haricot, patates douces. De nos jours, il est courant de croiser des  Vietnamiens boire du thé avec ces friandises.  Hormis le travail dans les champs, le thé vietnamien joue aussi un rôle fédérateur autour de la table. En effet, après chaque repas, les Vietnamiens boivent du thé qui remplace le dessert à la française

Un dernier point qui différencie la culture du thé vietnamien des voisins asiatiques : le climat. Le Nord Vietnam possède quatre saisons distinctes, ce qui offre une belle variété de fleurs. Les Vietnamiens profitent de cet avantage pour ajouter plusieurs arômes floraux. Parmi les saveurs les plus répandues dans le pays, on peut citer : lotus, jasmin, pamplemousse, orchidée. Les saveurs florales du thé vietnamien créent également une nette différence par rapport aux Indiens qui sont plus enclins à utiliser des épices à la place. Le climat explique aussi pourquoi les Vietnamiens ne respectent pas strictement le processus de transformation en vigueur en Chine. Ils peuvent très bien zapper le processus d’inoxydation. Suite à la cueillette des feuilles crues, les Vietnamiens peuvent consommer instantanément sur le champs, sans passer aux autres étapes.