Chongqing: à la conquête de l’Ouest chinois

Publié le 17 novembre 2019 par Uneautreasie @damiiis

Arriver à Chongqing à la tombée de la nuit, c'est lever les yeux vers le ciel. Lever les yeux afin de mieux voir les étoiles de Chongqing, ces points lumineux qui brillent, à plus de 200 mètres au-dessus de nos têtes, et se révèlent, au travers des microparticules, être une forêt d'immeubles et de blocs de bétons entremêlés. Pourtant, il y a encore quelques décennies, ici il n'y avait presque que des montagnes. Mais la Chine, depuis longtemps, a appris à déplacer les montagnes.

Chongqing c'est quoi ?

Chongqing c'est l'exemple même du développement insolent de la Chine, de l'aménagement du territoire décidé par le tout puissant Parti. Les autorités centrales ont voulu réaliser leur propre conquête de l'Ouest en bâtissant, au confluent du fleuve Yangzi Jiang et de la rivière Jialing, une mégalopole pouvant rivaliser avec Pékin ou Shanghai, toutes deux situées dans l'Est du pays. A cela s'ajoute la construction de l'imposant barrage des Trois-Gorges, achevé en 2009, au prix de centaines de villes et villages engloutis et de millions de personnes déplacées, dont Chongqing a absorbé une partie.

Aujourd'hui, Chongqing c'est plus de 30 millions d'habitants répartis sur 82 000 kilomètres carrés, soit à peu près la taille de l'Autriche. Comme le chantait les Pet Shop Boys: Go West, this is our destiny.

Un gratte-ciel couché

Niveau architecture, tout est permis. La ville est construite sur plusieurs niveaux, à flanc de falaise, en constante recherche d'harmonie entre le fleuve et la montagne. On y croise des immeubles construits sur d'autres immeubles, des escaliers menant à une route, qui se trouve elle-même au-dessus d'un immeuble, et pourtant en dessous d'un autre... C'est une véritable ville en relief, parsemés d'escaliers de pierre, d'entrées de building à différents étages, de pentes abruptes à la San Francisco. Le cliché du Chinois à vélo était déjà mort, il est ici enterré.

Et comme si la verticalité ne suffisait pas, Chongqing dompte désormais l'horizontalité. Depuis fin 2019, à plus de 250 mètres d'altitude, trône, tel un bouddha couché, un gratte-ciel horizontal de 300 mètres, soutenu par quatre autres tours. Il s'agit de la plus longue tour couchée au monde. Cela n'est évidemment pas sans rappeler l'hôtel Marina Bay Sands de Singapour... pas étonnant puisque les deux doivent leur paternité au même architecte, Moshe Safdie.

Un métro... dans un building

La ville a encore plus d'un tour dans son sac, prête à satisfaire les désirs les plus fous des aficionados d'architecture. Lever les yeux à Chongqing, c'est aussi, outre les cimes des immeubles, croiser la ligne 2 du métro aérien qui offre une vue imprenable sur la ville.

Le métro, semblant ne respecter aucune des règles préétablies, après avoir serpenté le long du fleuve et des collines, faisant fi de la déclivité du terrain, pénètre dans un immeuble, habité, de 19 étages. Mais qu'on se rassure, les murs ont été insonorisés et les ingénieurs prétendent que le bruit du métro n'est pas plus important que celui d'un lave-vaisselle.

Vu de d'en bas, en observant ce monorail traversant le bâtiment, il semble que verticalité et horizontalité ont trouvé leur équilibre, une notion, on le sait, si importante aux yeux de la Chine.

Suspendu dans les airs

Avant que le métro existe, pour traverser la rivière, il fallait emprunter le téléphérique. Même les ponts n'existaient pas. Être suspendu dans une cabine au-dessus des eaux boueuses du Yangzi Jiang permet de prendre du recul sur la ville. On surplombe la mégalopole et ses tours de trente étages qui fabriquent un nouvel horizon.

C'est dans un de ces gratte-ciels que la jeunesse dorée et les princes rouges dépensent des billets, rouges eux aussi, comme le piment de Chongqing, dans un bar niché au 70ème étage du World Financial Center, à 100 yuans la bière. Plus bas, dans la rue, on croise les derniers bang bang, ces hommes plus terre à terre qui transportent pour qui veut des marchandises à l'aide d'une simple perche de bambou, 10 heures par jour, pour 5 yuans la course.

Retour dans ma cabine. C'est l'occasion d'observer une dernière fois la ville et de se dire qu'il faudrait, au lieu d'un Voyage au bout de la nuit, écrire un Voyage à Chongqing, et reprendre, à l'identique, la phrase de Louis-Ferdinand Céline: " Figurez-vous qu'elle était debout leur ville, absolument droite".