La visite vinaigre: Chenonceau

On est en vacances. Après la joie des retrouvailles avec les amis franco anglais, on a décidé d'arpenter la région, légèrement touristique. Bref, on visite les châteaux de la Loire, comme environ un demi milliard de touristes. Jusqu'à présent, on était charmé, même si les commentaires de Wizzboy, qui s'est auto proclamé guide touristique laissent parfois à désirer (" Bon, ben là, c'est tout cassé. Là aussi. Pas là...je vais monter dessus pour voir si ça casse "). On alterne les sites ultra connus et les plus confidentiels. C'est sympathique. Mais on s'est dit, bêtement, qu'on ne pouvait pas passer à côté de Chenonceau. Marichéri et moi en gardions un souvenir lointain mais marquant de nos enfances respectives: vous allez voir les enfants, c'est magnifique.

La visite vinaigre: Chenonceau

Effectivement, c'est toujours aussi beau...enfin peut être, si on arrive à voir, entre les hordes de milliards de touristes qui ont tous eu la même idée que nous, exactement en même temps. On y était à l'ouverture, il a fallu faire la queue pendant 40 minutes au milieu d'une marée humaine compacte. Mon asocial de Marichéri respirait déjà la joie de vivre. On a suivi le banc de saumons les hordes barbares la foule qui remontait l'allée, au rythme débridé d'un troupeau d'escargots rhumatisants, mais en rangs très serrés. On était déjà épuisé en arrivant devant le château, qu'on a aperçu vaguement, entre deux perches à selfie. C'est bien simple, l'Asie entière, mais aussi une bonne partie de l'Europe se prenaient en photo devant le monument, certaines prenant des poses inspirés, jambes en avant, fesses en arrière, bouche pincée, chapeau sur l'oreille...il a pratiquement fallu retenir Maricheri pour qu'il ne balance pas un ou deux de ces béotiens dans le Cher, d'un coup d'épaule negligé. En même temps, j'ai eu la très forte envie d'en faire autant...non mais sérieusement, au lieu de vous tirer le portrait en prenant l'air vif d'un poisson crevé, regardez un peu le château! Votre tête, vous pouvez l'admirer tous les jours dans votre salle de bains, là vous êtes devant un trésor de l'architecture renaissance, merde! Si vous y tenez, poussez-vous au moins un chouïa pour laisser passer les gens qui s'intéressent...

La visite vinaigre: Chenonceau

C'était pire à l'intérieur. On ne pouvait pas avancer d'un demi millimètre, il y avait environ 5 milliards de personnes. Par salle. Wizzboy a failli être étouffé dans la foule. Maricheri était à bout et j'ai cru que j'allais suffoquer. Littéralement. Je suis légèrement claustrophobe, la foule comme ça, dans un lieu clos, ça ne va pas du tout. Des groupes et leurs guides bouchaient consciencieusement toutes les issues, en plusieurs langues. Wizzboy pleurait, les filles presque, Maricheri hurlait silencieusement, GeekAdo aussi, mais de désespoir et j'étais en apnée...le pire, c'est que selon les brides de conversations captées en diverses langues, beaucoup ne s'intéressaient absolument pas à la visite, entre ceux qui voulaient savoir si on pouvait prendre un selfie devant le lit de Catherine de Médicis, voire sur le lit, ceux qui avaient peur d'être en retard pour le château suivant ( tous les châteaux de la Loire en 24 h chrono, un rêve. Ou pas), ceux qui commentaient encore leur petit déjeuner ou ceux qui parlaient de complètement autre chose, on se demande ce qu'ils faisaient là, à bloquer la circulation. On a fui dans les jardins, fendant la masse des perches à selfie tel un moise au bord de commettre un massacre.

La visite vinaigre: Chenonceau

Les enfants ont respiré, moi aussi. Allez, on fait un jeu, le premier qui en voit un tomber dans l'eau à force de reculer avec sa perche à selfie gagne une glace! Non mais sérieusement, c'est dangereux ce truc....on a fui encore plus loin, dans le labyrinthe. On a bien ri. PrincesseChipie s'est perdue. Wizzboy a mis les pieds dans une flaque, volontairement. Personne ne faisait de selfie. Youpidoo. Revigorés, on a poussé jusqu'à la ferme du seizième (le siècle, il n'y a pas encore d'arrondissement à Chenonceau, malgré la population à faire passer Tokyo pour un bled dépeuplé). Il y avait du monde certes, mais aucune perche à selfie. Les gens faisaient des photos des fleurs, des animaux, des bâtiments. C'est très mignon , avec un petit côté hameau de la reine qui m'a enthousiasmé. J'adore les fermes comme ça, toutes propres et bien rangées. Les enfants se sont extasiés devant les animaux, on a trouvé ça absolument charmant.

Bref, si on demande aux enfants ce qu'ils ont vu à Chenonceau, ils répondront des ânes ou des canards. Si on demande à Maricheri, il dira des perches à selfie. On n'est pas sortable...