Agriculture en Thaïlande

Publié le 01 août 2019 par Sylvie Fumey @sylviefumey
Les terres agricoles représentent 43% du territoire thaïlandais contre 37% pour la France. En cherchant des renseignements sur internet, j'ai noté des divergences parfois importantes. Je me suis donc basée sur les chiffres du site https://agriculture.gouv.fr qui recense les données mondiales. Les principales cultures de Thaïlande sont respectivement : le sucre, les céréales et le riz. Considéré comme un élément de sécurité nationale, le riz occupe une place très importante dans la société thaïlandaise. Le proverbe selon lequel " la souffrance du riziculteur est la souffrance du pays " en dit long sur le caractère quasi sacré de cette denrée alimentaire.

Thaïlande, le garde-manger de l'Asie du Sud-Est

La Thaïlande compte 6 millions d'exploitations agricoles dont la surface moyenne est de 3,1 ha. Un tiers de la population active du pays travaille dans ces exploitations qui représentent 8,70% du PIB national. En France, à elles deux, l'agriculture et l'industrie agroalimentaire contribuaient au PIB à hauteur de 3,6% en 2013. Ces chiffres donnent une idée de la place de l'agriculture en Thaïlande.

Des pesticides utilisés à grande échelle

Malheureusement, les pesticides sont largement utilisés et leur taux dans les produits vendus dépassent souvent les limites autorisées. De plus, à Bangkok certains petits malins profitent de la naïveté des visiteurs étrangers et trafiquent leurs produits, notamment les fruits frais pressés que l'on vous vend dans la rue.

Les choses ont peu ou pas évolué depuis 2016. En effet, selon la dernière étude de l'organisme de surveillance des pesticides, la Thai-PAN, publiée en juin 2019, il y a lieu de s'inquiéter. 41% des fruits et légumes vendus sur les marchés et dans les grands magasins présentent une contamination aux pesticides à des doses largement supérieures aux normes autorisées.

Plus grave, l'enquête montre la présence de 12 types de produits chimiques interdits. Les produits les plus contaminés sont :

Mais les fruits importés ne sont pas plus vertueux en terme de contamination. En effet, 33% d'entre eux dépassent les normes autorisées. Cependant, on est loin des produits cultivés sur le sol thaïlandais qui atteignent le chiffre vertigineux de 48,7% ! Enfin, les fruits et légumes frais vendus en grande surface sont davantage pollués que ceux écoulés sur les marchés.

Des terres épuisées

L'exode rural, la difficulté d'approvisionnement en eau, les terres rendues exsangues par l'utilisation massive des pesticides et des engrais obligent les fermiers à en utiliser toujours plus pour conserver un rendement qui leur assurera un revenu décent. C'est l'engrenage infernal dans un cercle vicieux dont ils ont du mal à sortir.

Agriculture thaïlandaise : une valeur ajoutée à l'exportation

Le Royaume compte parmi les principales puissances agricoles d'Asie du Sud-Est grâce à ses production végétales (sucre, céréales, riz, caoutchouc) et animales (poulet, crevettes). En 2017, les exportations de produits agricoles et alimentaires représentaient 14% de la totalité des exportations thaïlandaises.

La Thaïlande est le premier exportateur de caoutchouc naturel, le deuxième pour le riz et le sucre. Elle occupe également une place de choix dans les filières du poulet, des crevettes et de l'ananas.

L'objectif affiché du Royaume est de devenir " la cuisine du monde ". Á cette fin, il souhaite poursuivre le développement de son secteur agro-alimentaire afin de dynamiser l'export.

Au début de l'année 2016, la junte au pouvoir a lancé plusieurs réformes dans le secteur agricole. Ces réformes visent à développer l'innovation, apporter de la valeur ajoutée à l'économie et sortir le pays de son statut de pays à revenu intermédiaire. C'est la stratégie " Thailand 4.0 "

La filière de la noix de coco

La noix de coco est très présente dans la cuisine thaïlandaise, voir les Deux incontournables de la cuisine thaïlandaise Les cocoteraies, nombreuses dans le Sud, donnent l'impression que la Thaïlande occupe une place de choix au sein de la filière de la noix de coco. Mais le Royaume arrive en 9ème position sur les 10 plus gros producteurs mondiaux, très loin derrière l'Indonésie, les Philippines et l'Inde.

D'autre part, entre 2009 et 2016, la production n'a cessé de baisser à cause de la réduction des zones de production. La faute au tourisme ? Mais, et c'est tant mieux, la tendance s'est inversée en 2017 (je n'ai pas de chiffres plus récents).

Outre la cuisine, la noix de coco sert à peu près à tout et notamment à la fabrication de matelas. La photo ci-dessous a été prise dans une usine de transformation des fibres de coco, dans la province de Phrachuap Khiri Khan.

L'exploitation des singes

De nombreuses exploitations utilisent des macaques pour la cueillette des noix de coco. Comme partout dans le monde il y a malheureusement des abus et on ne peut nier la maltraitance dont font preuve certains maîtres.

Des écoles spécialisées éduquent les singes de façon respectueuse, dont une à Surat Thani. Le lien est à la fin de l'article.

Si comme moi, vous préférez voir les animaux en liberté, vérifiez les étiquettes avant d'acheter. Voici deux marques bio parmi d'autres qui n'utilisent pas de noix de coco récoltées par des singes : Autour du Riz et Cocoboys bio à retrouver dans la vidéo ci-dessous. (Je n'ai aucun lien d'affiliation avec ces entreprises, c'est de la pub gratuite !).

Le bio en Thaïlande

Les Thaïlandais, même s'ils sont encore peu nombreux, commencent à être attentifs à leur alimentation, conscients que leur santé en dépend. Ainsi, un changement de comportement intervient parfois lors d'un événement important comme la naissance d'un enfant. Selon une étude de l'IFAMA, le consommateur de bio en Thaïlande est une consommatrice, âgée d'environ 35 ans, mère de famille, éduquée et ayant un niveau de vie élevé.

La demande en produits sains et biologiques vient surtout des expatriés américains, japonais et européens. Davantage sensibilisés à la question, ils possèdent aussi des revenus nettement supérieurs à ceux du Thaïlandais moyen.

Toutefois, l'idée commence à faire son chemin et la demande contribue à l'augmentation des fermes bio, surtout dans le nord. De plus en plus d'exploitations se tournent vers le woofing et accueillent des voyageurs étrangers.

Basé sur le principe de l'échange le woofing offre le gîte et le couvert contre des travaux ou divers services. Cependant, les lois thaïlandaises étant particulières, le bénévolat est soumis à un contrat de travail. Pour en savoir plus, je vous renvoie à l'article Thaïlande : la ferme-auberge écologique qui réinvente le tourisme

Un certain flou propice à la tromperie

Malheureusement, la production biologique du royaume n'est pas aussi strictement encadrée qu'en Occident. Certains profitent du manque de structure et mentionnent que leurs produits sont biologiques alors qu'il n'en est rien. Des restaurateurs indélicats en profitent pur attirer le client avec des messages trompeurs.

Ailleurs, des fruits et légumes portent l'étiquette " Healthy " qui peut vous induire en erreur. Cela ne signifie pas que les produits sont exempts de pesticides. Même si ces derniers n'ont pas été utilisés à grande échelle ils sont présents.

La Thai-PAN conseille donc au consommateur de se tourner vers les produits qui répondent aux normes USDA, EU, Bioagricert ou Organic Agriculture Certification Thailand.

L'éveil des consciences

Face aux nouveaux enjeux et aux questions que se posent les consommateurs, on assiste à un développement de salons, de plantations et de marchés dédiés au bio.

Á Bangkok, certains toits sont végétalisés, même celui du Siam Center où l'on cultive du riz, des légumes, des fleurs et des herbes aromatiques sans aucun pesticide. Pour mieux sensibiliser la population, des activités et des visites sont organisées.

La Fondation Jayavana, association qui aide les enfants des rues, est propriétaire d'un terrain situé à Thong Lo, soi 3 dans le quartier très animé de Sukhumvit. Avec l'aide d'Oxfam et de bénévoles, elle a permis la création d'une ferme et d'un potager en pleine ville. Ainsi est né Root Garden, un endroit qui mérite une visite. Un café accueille les visiteurs et propose un service de restauration bio. Ouvert tous les jours de 9 h à 20 h.

Pour vous y rendre : sukhumvit 55/soi3, station BTS Thong Lo

Le développement du bio soutenu par le Roi Bhumibol

Disparu en octobre 2016, le Roi Bhumibol était très impliqué dans le développement du Royaume et sensible à la question d'une agriculture biologique. Ainsi, il encourageait les agriculteurs à vendre localement les produits de leur propre terre. Il préconisait aussi la pratique de la polyculture biologique afin de ne pas épuiser les sols, mais pas seulement. En effet, les agriculteurs qui pratiquent la monoculture sont tributaires des fluctuations du marché et de la toute puissance des multinationales.

Enfin, le gouvernement a débloqué des subventions destinées à venir en aide aux petits agriculteurs bio et à soutenir des formations, des champs de démonstration et des centres d'information.

Des débuts encore timides

Pour l'instant l'offre en produits biologiques se limite aux fruits, légumes et riz. La viande bio est très rare.

On assiste au développement de quelques supermarchés bio : Sunshine Market, Bai Miang et Lemon Farm. Les grandes surfaces traditionnelles commencent à proposer un rayon bio (Top Market, par exemple).

Cependant, comme partout ailleurs, demeure le problème financier. Pour l'instant, le bio est plus cher et ses prix baisseront lorsque la demande sera plus forte et la production plus importante.

Restons optimistes, le meilleur est à venir !

Sources : http://www.gavroche-thailande.com/actualites/societe/105643-thailande-un-go-t-amer ; https://www.thailande-fr.com/societe/environnement/86683-41-des-fruits-et-legumes-thailandais-contamines-par-des-pesticides ; https://agriculture.gouv.fr ; http://vivre-en-thailande.com/le-bio-en-thailande/8725/ ; http://www.repairerenarde.com/2016/10/07/escale-n2-lecole-des-singes/ ; http://www.fao.org/faostat/en/#data/QC/visualize