Brexodus, one year on

Publié le 09 janvier 2019 par Pomdepin @pom2pin

C’est l’heure des bilans en ce moment, et comme ça va faire un an qu’on est ici, je risque d’en faire beaucoup. On a quitté brexitland le 18 janvier, à la fois soulagé et triste de partir. J’y reviendrai. Mais comme je parlais hier de la maison du petit requin, je me suis demandée, devant certains commentaires (que je n’ai pas laissés passer) si je m’y sentais enfin chez moi. Si je me sens à ma place en France. C’est là que j’ai spontanément écrit le titre en anglais. C’est pas gagné…

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Je suis infiniment contente de ne plus vivre en brexitland, c’est une certitude. Mais je ne suis pas encore totalement sûre d’être chez moi ici non plus. Je lis beaucoup de témoignages d’européens qui comme nous, sont partis, ont fui un pays qu’ils aimaient profondément et où ils avaient construit toute leur vie d’adulte. Plus de 150 000 européens sont déjà partis et beaucoup s’y préparent, par choix, dégoûtés de la façon dont on nous traite, ou par obligation: leurs entreprises ferment ou se délocalisent, ils suivent. Pour certains, c’est par anticipation, ils savent qu’ils ne rentrent pas dans les cases du home office et ils préfèrent prendre les devants avant d’être contraints de partir. Beaucoup d’autres enfin aimeraient pouvoir partir mais sont coincés en brexitland, on n’abandonne pas comme ça un boulot, un prêt immobilier, sa famille qui ne peut ou veut pas forcément suivre…

Tous ne vont pas dans leur pays d’origine, mais c’est le cas de la plupart. C’est quand même plus facile de trouver du boulot et de reconstruire sa vie quand on parle la langue. Sans compter qu’il y a beaucoup de familles mixtes, le ou la partenaire britannique a plus de chance de parler la langue de son/sa campagne, à force de vivre avec, qu’une troisième langue européenne. Pareil pour les enfants. Certains témoignages sont négatifs, la réadaptation est trop dure, mais la plupart sont positifs, à divers degrés. Tous, on compare avec nos anciennes vies, en Grande-Bretagne. Il fait faire le deuil de ce qu’on a laissé et ça prend plus ou moins ce temps selon les personnes. Ceux qui ont la nostalgie de notre ancien pays d’adoption pré-brexit ont le plus de mal, ceux qui ont été le plus marqués par les événements post-brexit sont généralement soulagés de leur nouvelle vie. On en est à trouver formidable de ne pas avoir peur de dire bonjour dans la rue sans se faire agresser à cause de notre accent. On trouve extraordinaire d’avoir une vie normale…seulement, ça ne suffit pas pour se sentir chez soi. Je suis peut-être trop exigeante, mais j’ai envie de me sentir bien ici, non pas uniquement parce que ce n’est pas brexitland, non pas parce que ça a été un refuge, mais parce que j’y trouve naturellement ma place. Il y a toujours cette impression bizarre d’être en exil dans notre propre pays.

Je suppose qu’il faut du temps. Certains n’ont pas tenu, et sont repartis au bout de quelques mois, pour aller encore plus loin, ou même pour revenir au Royaume-Uni. Beaucoup dans ce cas-là misent sur une éventuelle indépendance de l’Ecosse et décident de s’y installer. D’autres repartent, mais prudemment, sans complètement défaire les valises, sans vraiment s’installer…pour nous, c’est clair, il est hors de question qu’on retourne en Brexitland. Après, non, je ne me sens pas encore complètement chez moi, les derniers événements au goût nauséabond de déjà vu n’aident pas. J’ai toujours l’impression d’être en suspens. Mais j’espère que ça viendra…