Le cahier secret de Tony Lee

De la même manière que Pythagore en son temps (au VIè siècle avant J.-C.) avait réussi à théoriser la gamme heptatonique en utilisant simplement des rapports de nombres entiers par la simple observation mathématique de la nature (c’est-à-dire sans utiliser d’appareil mesurant la fréquence des notes), et même si le coquin n’a fait somme toute que redécouvrir ce que les Babyloniens avaient révélé quatre mille ans avant J.-C., la contrainte iconoclaste de l’Islam a généré un mode de représentation empêchant toute caractérisation figurative ou symboliste de la nature (en réalité des êtres vivants).

De fait, cette interdiction ne concerne que les êtres vivants et l’histoire, si elle n’est pas claire en soi, peut être comprise par la destruction des idoles des polythéistes de la Ka’ba, à partir de laquelle le peintre et le sculpteur sont considérés comme des criminels devant Dieu… On retrouve quelques bribes qui évoquent cette interdiction dans les hadiths, à défaut d’être présente dans le Coran lui-même. Quoi qu’il en soit, il n’existe pas de théorie à proprement parler de l’image, que ce soit dans le Coran ou dans les hadiths. Ce ne sont que des interprétations. On peut surtout interpréter cette interdiction comme une peur de l’idolâtrie plus que de l’image elle-même :

« Certes, ceux qui font ces dessins seront châtiés au jour de la résurrection : on leur dira : donnez la vie à vos créations. »

— Bukhârî, LXXVII, 89, 2

Il n’est au final pas question de châtiment, ni de musique, mais d’un cahier trouvé au hasard de mes pérégrinations sur la toile. Tony Lee, ou A.J. Lee (on peut supposer qu’il s’appelle - ou s’appelait - Anthony) est un inconnu, un strict inconnu découvert sur une page web dont la dernière mise à jour date de 2009, et dont la date de création doit remonter à ce qu’on pouvait trouver au début des années 2000. Bref une page toute bête, sans fioritures, donnant quelques informations sur un cahier scanné, dont la date de conception remonte entre 1964 et 1985, autant dire une antiquité. Et là, c’est une découverte fantastique. Ledit Tony Lee a consigné sur un cahier ligné toutes ses observations mathématiques et ses études sur l’étoile dans les motifs d’art islamique. Une bible de toute beauté, difficilement déchiffrable et remettant à plat toutes les méthodes de construction des motifs arabes. Écriture sobre, sans correction, à peine quelques ajouts, traits assurés, dessins parfaits et commentés, diagrammes, tableaux de valeurs… Un vrai beau cahier d’études comme on n’en trouverait plus aujourd’hui, habitués que nous sommes à tout écrire sur ordinateur.

Commencer la lecture de ce cahier revient à plonger dans un univers lumineux dans lequel on se rend compte que les chiffres et les bases de la géométrie sont en relation directe avec le divin, c’est-à-dire la création. Si l’homme est capable de donner vie à des formes géométriques qui se croisent et s’entrecroisent et qu’il est de plus en capacité de donner à voir ce que l’univers a d’harmonieux, de constant et d’organisé, c’est qu’il est à deux doigts de connaître un des secrets de l’univers, sans toutefois pouvoir s’en approcher plus que ça. Icare ne risque plus de se brûler les ailes en approchant le soleil de trop près. Cette forme d’art est en quelque sorte un révélateur de la puissance de la connaissance mais aussi de sa limite.

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Pour télécharger l’intégralité de ce cahier, c’est sur cette page. Le site est en réalité une base de données permettant de rechercher des motifs selon plusieurs critères. A tiling database.

Photo d’en-tête © Christopher Rose