Thursday Thunder: les familles nombreuses, ce cliché


Il y a des gens merveilleux qui prennent la peine de me lire régulièrement (vous avez toute ma reconnaissance éternelle. Et mon admiration aussi, vu que je me tape moi même sur les nerfs la plupart du temps). A force, ces personnes adorables finissent par connaître mes lubies et paf, elles m’envoient des articles qui les ont fait penser à moi et mes colères du jeudi. C’est très gentil, je suis toute émue. Je vais évidemment me faire un plaisir de piquer une crise (et si d’autres ont des liens à m’envoyer, n’hésitez pas, j’adore m’énerver toute seule faire œuvre de pédagogie comme ça). Il s’agit encore une fois d’un article de Madame Figaro qui se spécialise dans la régurgitation paresseuse de clichés qui ont le don de m’exaspérer (ils avaient fait une série sur les femmes expats que j’avais adorée. Ou pas). Le titre de la chose est tout choupinou, je cite: « les familles nombreuses représentent pour moi un conte de fée » . Non, mais wtf?!?

Thursday Thunder: les familles nombreuses, ce cliché

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L’article, enfin, si on peut qualifier d’article cette lénifiante interview publicitaire d’une starlette quelconque qui vomit péniblement le texte pondu par le service communication de la boîte qui paie l’utilisation de son nom et de sa notoriété éphémère pour vendre des cosmétiques, des sous vêtements ou des laxatifs, je ne sais plus, à un public d’apprenties poufiasses facilement impressionnables, l’article donc (vous voyez que je peux être gentille: ça fait deux fois que je qualifie d’article cette bouillie marketing indigeste) ne traite absolument pas des familles nombreuses. Ah. L’interviewée balance juste la phrase qui sert de titre tout à la fin de ce chef d’œuvre journalistique. C’est tout. Vous allez me dire, c’est déjà ça, si elle s’était répandue davantage sur les familles nombreuses, vu la qualité de l’entretien au dessus de cette conclusion qui tombe complètement par hasard (en même temps, quand le seul propos d’un interviewé est : »achetez mes produits », j’imagine bien que c’est difficile de tourner ça en article phare du journalisme d’investigation), je me serais encore plus énervée. D’accord, mais quel génie éditorial a pensé que c’était une bonne idée de titre, surtout que ça n’a rien à voir avec le sujet? Balancer un cliché bien niais sur les familles nombreuses, ça fait vendre? Vraiment?

Ça veut dire quoi « les familles nombreuses »? On est toutes pareilles, telle une masse indéfinissable d’utérus sur pattes parce qu’on a pondu plus de 3 fois, c’est ça? Et pourquoi un conte de fée? Certes, je devrais être contente pour une fois qu’on ne nous accuse pas de courir après les allocs, de ruiner la planète ou de juste narguer volontairement et par pure méchanceté celles qui ne peuvent pas avoir d’enfant (ou ne veulent pas, mais ce genre de détail ne rentre pas dans la logique des donneurs de leçon professionnels). Mais je trouve ça extrêmement condescendant. Une famille nombreuse, ce n’est pas un coucher de soleil à Venise ou un bébé panda qui fait des bulles. On n’est pas mignon, on n’est pas tout chou et on n’est pas là pour servir de « conte de fée » à une décérébrée qui ne sait pas quoi dire. On est des gens comme les autres, des familles normales, juste avec un peu plus d’enfants que la moyenne. Ça ne fait pas de nous des curiosités. On ne se donne pas en spectacle pour faire plaisir aux fans de la petite maison dans la prairie ou autres niaiseries du même acabit, dont les fantasmes de familles nombreuses sont aussi navrants que déconnectés de la réalité.

Je sais bien que la pauvre journaliste qui a péniblement essayé de rendre un tant soit peu lisible cet exercice publicitaire imposé n’y est pour rien. Mais vraiment, Madame Figaro (ou Figaro Madame, je ne sais jamais), ça serait sympa de nous lâcher un peu, vu que ce n’est pas la première fois que vous vous en prenez avec autant de subtilité aux familles nombreuses. Tenez, pour rester dans l’argument économique qui a l’air de vous servir de ligne éditoriale: une famille nombreuse, par définition, ça veut dire plusieurs enfants, donc plusieurs futurs abonnés potentiels. C’est ballot de les insulter dès le plus jeune âge, ça risque d’impacter négativement sur votre circulation future, quand ils seront adultes et vous éviteront comme la peste en souvenir des clichés imbéciles que vous aurez publiés sur leur famille pendant leur enfance. Alors, si vous ne le faites pas pour nous, pensez au moins à votre avenir, et allez trouver vos contes de fées ailleurs, merci.