La maison alsacienne à colombages décryptée : le guide

Publié le 21 mars 2018 par Mon Grand-Est
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Les perles du vignoble alsacien dont on vous a vanté les merveilles se dévoilent devant vos yeux : Riquewihr, Kaysersberg, Eguisheim… Mais bon. Une fois que vous arpentez les ruelles au cachet fou, que voir ? Que savoir ? Comment saisir la portée de ce que vous découvrez ? Comment déchiffrer ces maisons à pans de bois si joliment fleuries ? Ce serait trop bête de ne pas profiter pleinement de sa visite en passant à côté de détails curieux et passionnants. Pour vous aider à donner du “piquant” à votre visite, je vous livre un petit guide de la maison alsacienne du vignoble. Nous allons ensemble décrypter la maison à colombages de l’extérieur. De la tête aux pieds ! Nous passerons au crible les portes d’entrées, le colombage, les fenêtres, la toiture, la symbolique du décor… et bien d’autres choses. Du coup votre visite en sera plus agréable et ludique.


Comprendre la maison alsacienne à colombages

Maison alsacienne à Kaysersberg © French Moments

Lorsque vous visitez un village, vous ne pouvez voir que l’extérieur des maisons, c’est pourquoi ce guide ne traitera pas de l’intérieur des demeures… cela fera l’objet d’un autre article !

En ce qui concerne le cadre de ce guide, je me limiterai aux villages du vignoble alsacien, notamment ceux de la région viticole de Colmar.

Voici ce que nous allons découvrir ensemble le long de ce guide de la maison alsacienne décryptée :

  • Apprendre à déchiffrer une maison alsacienne
  • Le portail et la porte d’entrée
  • La cour intérieure
  • La structure de la maison vigneronne
  • Les colombages
  • Les éléments du décor de la maison alsacienne
  • Le torchis et la couleur des maisons
  • Les fenêtres, volets, oriels et balcons
  • Le fleurissement
  • La ferronnerie
  • Les enseignes
  • La toiture (lucarnes, tuiles, faîte du toit, girouettes et cheminées)
  • Le four à pain
  • Les villages alsaciens qui ont les plus belles maisons
  • Pour en savoir plus sur la maison alsacienne

Après avoir lu cet article, vous serez certainement comme moi : vous ne pourrez vous empêcher d’analyser  de la tête au pied chaque maison qui se présentera à vous ! Ce sera pour vous comme une sorte de chasse au trésor.

Les maisons que vous allez découvrir datent pour beaucoup d’entre elles de la Renaissance, à partir du 16e siècle. Les maisons à colombages du Moyen-Âge sont très rares car les désastres de la Guerre de Trente Ans (1618-1648) – sans compter les incendies – sont passés par là. Le village alsacien n’a donc de “médiéval” que son aspect fait de rues tortueuses, de remparts et de tours.

Décryptons ensemble notre maison alsacienne type du vignoble.


Reconnaître la richesse d’une maison alsacienne

La maison du forgeron Michel Herzer à Kaysersberg © French Moments

Le long de la Route des Vins d’Alsace, vous découvrirez une grande variété de maisons à colombages (Fàchwarikhûs en alsacien). Pour admirer les plus belles – celles qui ont fait autrefois la fierté de leurs propriétaires – plusieurs indices vous aideront à mieux les comprendre.

Parmi ces nombreuses demeures, plusieurs appartenaient à des vignerons. Montrer sa richesse à la vue de tous était chose courante. Et cela répondait au besoin de s’assurer une place dans la société villageoise. On pouvait ainsi avoir une idée de la qualité du vin produit… qui devait alors être excellente !

Cherchez les indices suivants (on reviendra sur plusieurs d’entre eux plus en détail ci-dessous !) :

  • l’utilisation de la pierre en association avec le colombage. Les clés de voûte des portes cochères (avec inscriptions et date de construction),
  • la présence d’un oriel. Si celui-ci est en pierre, c’est une marque d’aisance incontestable !
  • un (ou des) balcon(s) avec balustrade en bois,
  • les poteaux corniers (aux angles de la maison) sculptés de personnages ou de motifs décoratifs,
  • les décors d’allèges des fenêtres. Plus le motif est travaillé et soigné, plus il est coûteux !
  • les encadrements de fenêtres en bois magnifiquement sculptés,
  • deux cheminées (voire plus) sur le toit,
  • de remarquables enseignes en fer forgé.

Commençons la visite par le portail…


Le portail et la porte d’entrée

La maison alsacienne comporte souvent deux entrées : la porte cochère et la porte piétonne.

La porte cochère

Porte cochère et fontaine publique à Saint-Hippolyte © French Moments

Comme son nom l’indique, la porte cochère doit être suffisamment grande pour laisser entrer et sortir les voitures à cheval. Fermée par deux gros battants en bois travaillés par un menuisier, elle se doit d’isoler la cour intérieure du regard des passants. Elle répond donc aux besoins de discrétion et d’intimité des résidents ! Dans le vignoble, on la reconnait par son aspect massif et voûté, encadrée de grès rose des Vosges.

La porte piétonne

Portes cochère et piétonne à Beblenheim © French Moments

La présence de la porte piétonne n’est pas systématique dans les maisons du vignoble. La porte cochère est en effet souvent la seule entrée dans le complexe maison-cour-dépendance. Lorsqu’elle existe, elle fait aussi l’objet d’un travail de menuiserie.

La porte de cave

Porte de cave à Bergheim © French Moments

Enfin, une troisième porte existe également : la porte de cave. Voûtée et close par deux battants de bois, elle donne accès à la cave, permettant l’entrée et la sortie des tonneaux de vins.

La clef de voûte

Inscription sur la clef de voûte d’une porte cochère à Soultz-Haut-Rhin © French Moments

Une clef de voûte décore souvent la porte. De part et d’autre, on y retrouve les initiales du propriétaire et la date de construction de la maison. Au centre, un cartouche contient le blason du propriétaire ou l’emblème de son métier. Ainsi, si vous observez un bretzel, il s’agit d’une maison qui fut autrefois habitée par le boulanger du village. Vous voyez des ciseaux ? Un tailleur habitait la maison. Une serpette ? Voici la demeure du vigneron ! En revanche, le tonneau et le  compas signalent qu’un tonnelier habitait dans ces lieux.

Inscription sur la clef de voûte d’une porte cochère à Niedermorschwihr © French Moments

Certaines portes sont surmontées d’inscriptions en caractères gothiques indiquant le statut social. Ce sont des versets bibliques, des sentences moralisantes, des formules humoristiques… ou plus simplement la date de construction de la demeure et le nom de la personne qui l’a construite. Mais souvenez-vous que vous êtes en Alsace… vous aurez bien du mal à déchiffrer ces inscriptions car elles ont été rédigées… en dialecte allemand !


La cour intérieure

Cour vigneronne, Riquewihr © French Moments

Dans le vignoble, la cour intérieure n’est pas aussi grande que les cours de la plaine ou du Sundgau. L’espace des villes et des villages est extrêmement limité à cause du relief et des fortifications. Ce manque de place a conduit les habitants à construire des maisons élevées avec plusieurs étages (5 à 6 pour les plus hautes, l’ancêtre du gratte-ciel, quoi !)

Le “Gratte-Ciel” de Riquewihr © French Moments

La cour comprend un poulailler, une écurie et un abri dans lequel se trouve le pressoir (Trotthüs) et les instruments agricoles. Et les tonneaux de vin, me direz-vous ? Où sont-ils stockés ? Dans la cave, semi-enterrée sous le bâtiment principal. Sa situation dans la maison permet le maintien du vin à une température idéale de 13 degrés. Aucun risque de gel pendant l’hiver donc !

On y retrouve souvent la présence d’un puits et d’un abreuvoir en pierre pour les animaux.


La structure de la maison vigneronne en Alsace

Maison vigneronne à Kientzheim © French Moments

Pour faire simple, la maison alsacienne du vignoble comprend un rez-de-chaussée en pierre et des étages à pan de bois apparents.

La pierre choisie pour la construction du rez-de-chaussée (et de la cave !) est le grès rose provenant des Vosges. Il est enduit au mortier à la chaux sauf aux angles de la maison et aux encadrements des portes et des fenêtres. Pourquoi la pierre ? Parce qu’elle permet de protéger le bois de l’humidité du sol.

Tel un mécano géant, la structure de la maison alsacienne est l’œuvre d’un charpentier. Elle est stabilisée par un système de poutres formant la charpente du mur. Il s’agit du procédé de triangulation des pans de bois. Il permet aux maisons de résister aux risques sismiques rencontrés dans le fossé rhénan.

Ainsi, contrairement aux maisons à colombages de Normandie, ce sont les positions obliques (et non droites) des poutres qui caractérisent la maison alsacienne.

Chaque poutre est numérotée en chiffres romains. Pratique lorsque l’on souhaite démonter la maison pour la remonter ailleurs. C’est ainsi que plusieurs maisons à colombages ont échappé à la destruction en retrouvant une nouvelle vie à l’Écomusée d’Alsace. Elles sont ainsi facilement “exportables” : on en trouve au Parc Sainte-Marie de Nancy, à Castroville au Texas et même près de Nagoya au Japon !


Les colombages

Façade à pans de bois, Obernai © French Moments

Le bois utilisé dans les colombages des maisons les plus opulentes est le chêne. Ce bois noble est en effet le plus coûteux. Viennent ensuite les conifères : le mélèze, l’épicéa, le pin sylvestre mais surtout le sapin. On utilise plus rarement les essences de bois comme le hêtre ou l’orme. Pour diminuer les coûts, un riche propriétaire pouvait utiliser du chêne sur les parties visibles de sa maison et une essence moins chère à à l’arrière (invisible des passants !)

Pour noircir le bois, on le traite avec du sang de bœuf ou du brou de noix fixé au vinaigre (au contraire, dans le Sundgau, les poutres non traitées ont pris avec le temps une teinte gris argent très caractéristique).


Les éléments du décor de la maison alsacienne

Les colombages de la maison alsacienne fourmillent d’éléments ornementaux qui laissent une grande place à la symbolique. Parmi eux, ce sont surtout les allèges des fenêtres qui interpellent. Il s’agit de pièces en bois de diverses formes situées sous les baies des fenêtres. Elles contiennent des motifs décoratifs variés qui répondent souvent à une fonction symbolique.

Le Mann

Cette figure utile à la rigidité de la maison à pans de bois est un assemblage de poutres verticales, obliques et horizontales. Elle forme deux K majuscules opposés l’un à l’autre. Mann signifie « homme ». On peut effectivement y deviner la silhouette d’un homme aux jambes écartées et aux bras levés en l’air. La symbolique du Mann exprime la virilité et la force physique. Concentrons-nous maintenant aux coins supérieurs de cet élément du décor. Ils sont parfois découpés de tel sorte qu’ils montrent une double tête de coq avec œil apparent. Pourquoi un coq ? En chantant, le gallinacé annonce la fin de la nuit et la venue d’un jour nouveau. Au lever du soleil, les sorcières fuient les lieux sur leur balai…

Le demi-Mann

Il existe également des demi-Mann ou Halbmann. Ce sont des K majuscules. Lorsqu’il sont appuyés sur les deux côtés du poteau cornier de la maison (l’un à l’endroit, l’autre à l’envers), on parle alors de Mann d’angle.

Le potelet d’allège simple

Cet élément à la verticale sert de support à la fenêtre. Ce simple poteau court en bois (on dit aussi potelet d’allège) peut évoluer en un motif plus décoratif dans certaines maisons.

Le potelet d’allège oblique

Il s’agit d’un petit poteau de décharge oblique sous la fenêtre.

Le potelet d’allège V ouvert

Ce petit poteau de décharge a la forme d’un V grand ouvert.

Le potelet d’allège V ouvert renversé

Il est similaire au potelet ci-dessus mais prend la forme d’un V à l’envers.

La croix de Saint-André

Il s’agit d’une croix en X sur laquelle Saint-André aurait été supplicié. Cette forme géométrique est très courante en Alsace mais se retrouve également dans d’autres régions françaises (Normandie, Bretagne…). Si la croix est écrasée, elle s’appelle Hosanna. Si la croix est étirée en longueur, il s’agit d’une Andreaskritz. Symbole de la multiplication en mathématiques, la croix est un signe de fécondité qui s’applique aux hommes mais aussi au bétail.

Le losange

Cette figure géométrique se retrouve dans de nombreuses façades, notamment aux allèges des fenêtres. Le losange (ou « Raute ») symbolise la féminité et la maternité. Il désigne à la fois le contenant (le ventre maternel) et le contenu à protéger (l’enfant). Insérer des losanges dans la façade de sa maison revient à souhaiter une descendance mâle importante qui assurera la pérennité de l’activité. Un losange sur son étable ? – on espère avoir de nombreux veaux. Sur la grange ? – des moissons importantes.

Si vous trouvez un losange barré d’une diagonale, sachez que c’est une pièce rare ! Elle symbolise l’union charnelle de l’homme et de la femme.

Le losange barré d’une croix de Saint-André

Cette combinaison du losange et de la croix de Saint-André (« durchkreutze Raute ») est fréquente en Alsace. Elle symbolise la multiplication de la fécondité, c’est-à-dire une grande descendance pour les habitants de la maison !

Pour une double bénédiction, certains riches propriétaires ont été plus loin en commandant un double losange imbriqué et barré d’une double croix de Saint-André !

Si cet élément décoratif peut prendre plusieurs formes selon la créativité des charpentiers, il répond toujours à la même symbolique.

La chaise curule

On peut la confondre avec la croix de Saint-André mais elle est plus élaborée (et donc plus chère à produire !). Pour comprendre ce symbole, il faut remonter à l’époque des Romains. C’est sur ce siège soutenu par quatre pieds incurvés que les magistrats romains s’asseyaient pour délivrer leurs sentences. Ce signe de la fonction de dignitaire a été repris dans la décoration des maisons alsaciennes. La présence de chaises curules indique la demeure d’une personne aisée et influente dans la société. C’est la raison pour laquelle on retrouve la chaise curule dans les maisons des notables des villages. On la trouve fréquemment sur l’assise des fenêtres.

Le disque radié

Cet élément décoratif est plutôt rare sur les maisons à colombages alsaciennes. Il fallait posséder de grands talents de charpentier pour le réaliser. Il s’agit d’un cercle barré d’une croix de Saint-André. Le disque représente la roue solaire, le cercle des saisons. Combiné à la croix, il représente la protection divine pour la maison, ses occupants, ainsi que les moissons.

L’arbre de vie

L’arbre de vie est un élément décoratif que l’on trouve fréquemment en Normandie mais peu en Alsace. Les spécimens les plus significatifs sont conservés dans le Sundgau au sud de la région. Sa symbolisme est très ancienne et remonte à la Haute Antiquité. Les civilisations indo-européennes le représentaient pour symboliser la « Source de vie ». Il s’agit donc d’un symbole de fécondité d’origine païenne… mais aussi de la « Connaissance du Bien et du Mal », en référence au Jardin d’Eden de la Genèse.

Le poteau cornier

Dans les plus belles demeures, le poteau cornier (“Eckpfoschte“) est magnifiquement sculpté dans un style Renaissance ou baroque. Ces poutres disposées aux angles de la maison présentent divers motifs : une colonne droite, torsadée ou à vis, certaines représentent un personnage. On peut parfois observer sur le poteau cornier une inscription dans un cartouche avec la date de construction, les initiales des propriétaires et un message. Dans tous les cas, il indique le statut social de l’occupant, personne influente dans la société.

Par contre, ce que vous ne verrez pas, c’est l’emplacement du poteau cornier à l’intérieur de la maison. C’est dans l’encoignure que se trouvait traditionnellement le “coin du Bon Dieu” (Herrgottwenkel). On y accrochait un crucifix et entreposait les missels, bibles et autres objets de piété.

Le cœur

Le cœur n’est pas représenté dans les colombages mais tient une grande place dans la symbolique en Alsace. On retrouve ce sujet porte-bonheur dans les ouvertures des volets, dans des motifs peints ou gravés sur les façades. Le cœur est bien sûr le symbole de l’amour, de la passion et de l’union. Mais il est aussi l’association de deux virgules. Ce sont les cornes des casques des guerriers qui servaient à effrayer leurs rivaux. Ainsi, le cœur pouvait symboliser la lutte contre les puissances du mal.

L’étoile

On retrouve souvent l’étoile dans la maison alsacienne, notamment en motif gravé ou sculpté sur les façades. Cependant, il existe plusieurs types d’étoiles – et donc de symbolisme – en fonction du nombre de branches.

  • 5 branches : l’étoile pentagramme ou pentacle, encore appelée étoile de Salomon. Chaque branche représente les 5 éléments : la terre, l’air, l’eau, le feu et l’esprit. Le chiffre 5 porte un sens particulier chez les chrétiens avec les 5 plaies du Christ. On peut également déchiffrer le 5 par la somme du premier nombre pair et du premier nombre impair (2+3) soit 2 pour le principe féminin et 3 pour le principe mâle. Enfin, dans la croyance populaire, l’étoile à 5 branches a des vertus de protection contre les esprits mauvais et les maléfices.
  • 6 branches : l’étoile hexagramme. Dans la Bible, le chiffre 6 est celui de l’homme. Il symbolise l’épreuve, le travail et la servitude. C’est le chiffre de la Passion du Christ qui a souffert le vendredi, 6e jour de la semaine. Pour Saint-Augustin, il représente la perfection (les 6 jours de la création, symbole de plénitude. Il ne faut pas oublier de mentionner une autre étoile à 6 branches : l’étoile de David
  • 8 branches : l’étoile évoque un astre (soleil, lune, étoile, planète…). Regardez bien, c’est l’association de la croix verticale et de la croix de Saint-André. Elle symbolise les 4 éléments (l’eau, le fer, la terre et l’air) et leur mélange, les 4 points cardinaux (Nord, Sud, Ouest, Est) et leurs directions intermédiaires (NE, NW, SE, SW).

Le svastika

Des croix gammées présentes sur les maisons en Alsace ? Pas si vite. Il faut prendre les choses dans leur contexte avant d’arriver à des conclusions trop hâtives !

Vous l’aurez peut-être appris pendant vos cours d’histoire, la croix gammée n’est pas une invention du nazisme. Connue sous le nom de svastika, il s’agit d’un symbole fort ancien utilisé depuis 3000 ans par de nombreuses civilisations : Chine, Inde, Europe et même Amériques. Le svastika est une croix formée de quatre potences qui ressemble au Gamma grec (d’où son nom de « croix gammée »). Avant que Hitler ne l’utilise comme emblème de l’Allemagne nazie, le svastika avait une représentation positive. Signe des forces cosmiques, le svastika fait allusion au soleil et à la lumière, nécessaires à la vie. On l’utilisait comme porte-bonheur pour attirer le bonheur dans la maison dont découlent la vie, l’amour, la perfection et l’infini.

On distingue deux svastikas en fonction du sens de rotation :

  • Svastika Senestrogyre (vers la gauche)
  • Svastika Dextrogyre (vers la droite)

On retrouve le svastika (dans les 2 sens de rotation) sur de nombreuses maisons en Alsace : sculpté sur les clefs de voûtes des portes, présent dans les ouvertures des volets, gravé sur les poteaux corniers…

Pour des raisons liées aux atrocités commises sous la bannière de la croix gammée nazie, il est évident que ce symbole ait été mal interprété dès la Libération, conduisant à certains endroits à sa suppression.

De plus, on retrouve une variante de svastika dans le colombage de la maison alsacienne. La croix est tronquée pour former un S doté d’ergots latéraux. Il semble que cela symbolise la course au soleil…

Le huit couché

Vous l’aurez sûrement utilisé pendant vos cours de mathématiques. Le huit couché (liegende Acht) est le symbole représentant l’infini. Ce signe possède une valeur talismanique pour les habitants qui l’ajoute sur leur maison. Ils espèrent aussi avoir une longue vie pour eux-mêmes et leur descendance.

Les inscriptions murales

Un certain nombre de maisons alsaciennes contient des inscriptions murales qui ont résisté au temps. Comme on l’a vu, certaines se trouvent au dessus des portes d’entrée. D’autres, plus longues et ornementales, décorent des parties de la façade.

Ces inscriptions peuvent être humoristiques ou sarcastiques, à caractère religieux et superstitieux (versets bibliques, sentences moralistes, invocations à la protection divine). Le site de l’Association pour la Sauvegarde de la Maison Alsacienne (ASMA) en donne quelques beaux exemples.

On y retrouve aussi des croix, des monogrammes christiques « IHS » signifiant « Iesus Hominis salvator » (Jésus sauveur des hommes), des motifs géométriques (frises de losanges, cercles) et ornementaux (fleurs, bouquets, oiseaux…), des symboles (cœurs, huit couchés, svastikas…), des emblèmes professionnels.

Parfois, des parties de la façade sont décorées de peintures polychromes.

A vous de jouer !

Regardez ce diaporama de maisons à colombages et retrouvez les symboles décrits ci-dessous (allèges, formes,…)

Cliquer pour visualiser le diaporama.

Tout en bas de l’article, vous trouverez une image récapitulant les allèges et symboles de la maison alsacienne.


Le torchis et les couleurs de la maison alsacienne

Colombages et torchis rose pale d’une maison à Colmar © French Moments

L’ossature en bois est remplie avec du torchis, un mélange d’argile, de paille, de crin et d’eau. Pourquoi pas la pierre ou la brique ? Parce que le torchis possédait de meilleures qualités thermiques et il avait l’avantage d’être plus léger.

On recouvre ce torchis d’un crépi au mortier à la chaux. Enfin, il est peint en blanc ou en couleurs vives (bleu, jaune, rose, rouge, orange…). Du 17e au 19e siècles, on préférait recouvrir les façades avec du plâtre. Ceci pour des raisons de réglementation, mais aussi parce qu’à l’époque, cela faisait plus moderne et luxueux ! Encore beaucoup de maisons en Alsace cachent leurs pans de bois sous un revêtement de plâtre.

Dans certaines maisons (notamment dans le Sundgau), ces espaces sont encadrés de traits de peinture blanche, rehaussant davantage le colombage.

La couleur des maisons

Façades de maisons alsaciennes à colombages, Riquewihr © French Moments

Quand on traverse un village du vignoble, on est frappé de découvrir des maisons peintes avec des couleurs vives tranchant avec le bois sombre des poutres. Un maison bleue, une autre rouge, une troisième jaune cette fois. Ces façades colorées contribuent indéniablement au charme de nombreux villages.

Si de nos jours, les couleurs reflètent le goût des propriétaires, il n’en était pas ainsi dans le passé. D’abord parce que le blanc était la norme. Puis l’emploi d’autres couleurs avait une signification répondant à un code couleur bien défini :

  • bleu pour les métiers du bois (charpentiers, menuisiers…)
  • rouge pour les métiers du fer (forgerons, ferronnier…)
  • jaune pour les métiers du pain (boulangers, pâtissiers…)
  • vert pour les métiers du cuir et du tissus (tanneurs, selliers, tisserands…)
  • beige pour les métiers de la pierre (maçons, tailleurs de pierre, couvreurs, plâtriers…)

Un autre code couleur pouvait concerner les obédiences à une religion :

  • bleu pour les familles catholiques (couleur de la vierge)
  • rouge pour les familles protestantes

Les fenêtres, les volets, les oriels et les balcons

Fenêtres à trois vitres d’une maison à Colmar © French Moments

La fenêtre est composée de trois vitres rectangulaires encadrées par des vantaux en bois. Dans les plus belles demeures, ces encadrements sont remarquablement sculptés avec des motifs de style Renaissance ou baroque.

Quelques maisons contiennent une petite fenêtre de coin. Elles permettait à ses occupants de surveiller la rue discrètement !

Fenêtre de coin à Ammerschwihr © French Moments

Mais pourquoi les fenêtres paraissent si petites ? Une des raisons est d’empêcher une trop forte déperdition de chaleur en hiver.

Les volets

Volets avec ouvertures en forme de cœur, Gueberschwihr © French Moments

Les volets sont traditionnellement simples. Ils sont conçus en planches rabotées et sont à deux battants. La couleur dominante est le vert, mais d’autres couleurs (dont le bleu) existent également afin de mieux s’accorder avec la couleur du crépi.

Les oriels

L’oriel sculpté de la Pfifferhüss à Ribeauvillé © French Moments

Les oriels indiquent la richesse de l’habitant. Ils sont le plus souvent construits en pierre mais il n’est pas rare d’en trouver à pans de bois. Pour la rendre encore plus impressionnante, cette avancée en encorbellement est élevée sur plusieurs niveaux d’une façade. Il se termine par un toit en tourelle ou un balcon d’apparat.

Les balcons

Maison alsacienne avec balcon à Bergheim © French Moments

Terminons par les balcons. Nécessitant l’œuvre d’un charpentier qualifié et talentueux, les balcons sont le signe d’une grande aisance des propriétaires. Avec leurs galeries, ils ont souvent un rôle ornemental. Les balcons firent leur apparition en Alsace à la Renaissance. Certains sont magnifiques avec leurs balustrades aux balustres sculptés ou torsadés. On trouve beaucoup de balustrades ornées de gardes-corps aux losanges barrés de croix de Saint-André.


Le fleurissement de la maison alsacienne

Maison à colombages fleurie, Saint-Hippolyte © French Moments

Si en préparant votre séjour en Alsace, votre curiosité vous a amené à regarder des photos de villages alsaciens, vous aurez certainement pu admirer de jolies maisons à colombages abondamment fleuries. Le blanc des maison à colombage, le vert des volets et le rouge des géraniums en font une image traditionnelle appréciée. J’aime bien cette image : les géraniums rouges et lumineux qui fleurissent sur le rebord des fenêtres sont le rouge à lèvres des maisons. C’est ce qui leur confère cette allure chaleureuse qui semble tout droit sortie des contes de fées.

Le fleurissement des maisons fait intégralement partie du patrimoine alsacien. La plante vedette est donc le géranium, de la famille des Pélargoniums. Il s’agit d’une plante protégée en Alsace par une appellation contrôlée. Elle est exclusivement cultivée par 13 horticulteurs alsaciens.


La ferronnerie

On passe souvent à côté sans apercevoir ces petits détails de ferrures. Arrêtez-vous devant une maison comprenant une belle porte cochère. Cherchez parmi les décors les gonds, les pentures (bandes de fer clouée transversalement sur une porte ou une fenêtre pour la soutenir sur le gond), les loquets, les serrures, les heurtoirs…

Puis, prenez un peu de recul et cherchez les grilles protégeant les ouvertures des maisons. Peut-être que vous y repérerez le fameux “Hexebese” (balai de sorcière). Il s’agit d’une traverse en fer forgé hérissé de picots.

Le balai de Sorcière, Riquewihr © French Moments


Les enseignes

Enseigne avec saynète, Riquewihr © French Moments

Elles sont indissociables du village alsacien du vignoble. Les enseignes décorent les façades des commerces ouverts sur la rue. Au-delà de l’indication de l’activité commerciale, elles constituent de véritables pièces ornementales, ajoutant au pittoresque des lieux.

Beaucoup datent de la fin du 18e au 19e siècles. Elles ont été réalisées en fer forgé avec un pendentif en tôle plate accroché à un long bras fixé au mur. Certaines enseignes représentent des symboles de l’activité commerciale, des saynètes, des motifs héraldiques ou humoristiques. Dans plusieurs localités alsaciennes, on perpétue ainsi la tradition d’enseignes savoureuses.


La toiture

Maison alsacienne à Dambach-la-Ville © French Moments

Le toit de la maison alsacienne est souvent à deux versants (ou « à bâtière »). Il est aussi à pignon sur rue.

Les toits alsaciens se reconnaissent à leur forte déclivité (40° à 60°). Ils sont en effet pentus afin de mieux répartir le poids de la neige en hiver. Remarquez ce qui lui donne son “allure” typiquement alsacienne : les extrémités du toit vers la gouttière montrent une inclinaison moins marquée.

Les lucarnes

Les lucarnes sont ces petites fenêtres ouvertes sur le versant du toit pour éclairer et/ou aérer les combles. Il existe principalement deux types de lucarnes :

  • les lucarnes dites « chien assis ». Elles sont à toit triangulaire.
  • les lucarnes dites « rampantes » ou « traînantes » (Schleppganten). Elles sont à toit plat.

Les tuiles en queues de castor

Détail de la toiture d’une maison à Dambach-la-Ville © French Moments

En Alsace, il est rare d’observer une toiture en chaume. Du 16e au 19e siècles, on a recouvert les toitures  de tuiles disposées en écaille. En Alsace, ces tuiles plates en terre cuite et à bout arrondi sont surnommées les queues de castor (ou Biberschwänz).

Certaines tuiles sont décorées et contiennent des marques diverses (date de construction, symboles chrétiens ou païens). Il s’agit alors de tuiles protectrices censées épargner la maison de malheurs (incendies, foudre) ou invoquer le bonheur (richesse, fertilité).

Parfois, des tuiles vernissées à la mode bourguignonne font leur apparition sur les toits de certaines demeures d’importance et églises (comme à Turckheim).

Le faîte du toit

Epi de faîtage étrange à Eguisheim © French Moments

Quant à la crête du toit (si vous pouvez l’apercevoir depuis la rue), elle est composée d’une rangée de tuiles faîtières emboitées les unes dans les autres. On y trouve un épi de faîtage (ou gendarme) sous la forme d’un coq en terre cuite ou d’un ouvrage en bois ou en fer forgé (monogramme du Christ). Ils deviennent à l’occasion des girouettes (voir plus bas).

Les girouettes

Girouette de la Maison Pfister à Colmar © French Moments

En Alsace, les girouettes sont encore très présentes sur le faîte des toits. Sur les églises, elles sont représentées par des coqs comme partout en France. Par contre, sur les maisons, les girouettes prennent la forme de fanions en fer forgé et en tôle découpée.


Les cheminées

Mitre de cheminée à Kaysersberg © French Moments

Les cheminées ont toutes été construites en brique réfractaire (c’est-à-dire qu’elle résiste aux températures élevées). Si une maison en possède plus d’une, il s’agit d’un signe extérieur de la richesse des habitants.

Au sommet de la cheminée, vous remarquerez souvent un ensemble décoratif constitué de tuiles plates. Ce sont des mitres de cheminée. Assemblés au mortier, certains modèles sont de vraies œuvres d’art mais leur fragilité les rend de plus en plus rares.

Quand les cigognes s’y mêlent !

Une cigogne sur son nid au sommet de la Tour Kessler à Kaysersberg © French Moments

Ahhh, s’extasier à la vue d’une cheminée surmontée d’un nid sur lequel juche une cigogne ! Quelle belle image de carte postale me direz-vous ! Ceci dit, pour de nombreux propriétaires de maisons alsaciennes, la présence de ce grand échassier comporte un risque. Je m’explique.

La présence d’un nid sur une cheminée empêche l’évacuation des émissions de gaz dus à la combustion. Le monoxyde de carbone devient alors un danger pour les habitants de la maison à la cheminée obstruée. Avec un risque d’asphyxie et détour par l’hôpital …. merci madame la Cigogne !

C’est la raison pour laquelle vous observerez que les nids des cigognes sont disposés sur une plateforme construite spécialement pour elles… Et s’il y a encore des nids sur les cheminées, c’est que celles-ci ne sont simplement plus utilisées.


Le four à pain

Four à pain d’une maison remontée à l’Ecomusée d’Alsace © French Moments

Devant les risques d’incendies à répétition, le village devait prendre des mesures préventives. Une de ces résolutions était de disposer le four à pain de la maison alsacienne en annexe de la cuisine. Surmonté d’une petite toiture en tuiles plates, son foyer donnait accès à la cuisine. C’est dans ces fours que l’on préparait les fameuses Flammekueche (ou tartes flambées). La plupart de ces petites dépendances ont disparu mais certaines sont encore visibles.


Quels villages alsaciens ont les plus belles maisons ?

Riquewihr vu du ciel © French Moments

Il est difficile de répondre à cette question car je pourrais vous donner une liste de plusieurs centaines de villes et villages. A titre indicatif, voici une liste de villes et villages de la région de Colmar dans lesquels vous pourrez découvrir les plus beaux exemplaires de maisons à colombages (par ordre alphabétique) :

  • Ammerschwihr
  • Beblenheim
  • Bergheim
  • Colmar
  • Eguisheim
  • Gueberschwihr
  • Kaysersberg
  • Kientzheim
  • Niedermorschwihr
  • Ribeauvillé
  • Riquewihr
  • Saint-Hippolyte
  • Turckheim
  • Zellenberg

Pour en savoir plus sur la maison alsacienne

L’âme des maisons alsaciennes est mon livre préféré sur le thème de la maison traditionnelle alsacienne.  A la façon d’un beau-livre, il est joliment illustré par des aquarelles ou des photos. Il traite à la fois de l’extérieur et de l’intérieur des maisons. Il couvre également toutes les régions alsaciennes, du Sundgau à l’Alsace Bossue en passant par le vignoble.

Aux éditions Ouest-France. Texte de Marie-Noële Denis, illustrations de‎ Lise Herzog et photographies de‎ Christophe Hamm (lien affilié) :

Quelques sites internet pour vous documenter davantage :

  • Je vous recommande l’excellent site encyclopédique sur la maison alsacienne. Une mine d’or pour en savoir plus sur la maison traditionnelle alsacienne.
  • Le site de l’Association pour la Sauvegarde de la Maison Alsacienne (ASMA). Il contient de nombreuses pages d’information sur la maison alsacienne.
  • Un lexique très pratique sur le site de l’Académie de Strasbourg (CANOPÉ) : vocabulaire de l’architecture de la maison alsacienne.
  • Le Parc de la Maison Alsacienne. Cet écomusée situé à Reichstett au nord de Strasbourg regroupe des maisons à colombages sauvées de la démolition. Pour en savoir plus.
  • L’Écomusée d’Alsace, un des plus grands musées vivant à ciel ouvert d’Europe, regroupe des dizaines de maisons à colombages remontées sur place dans une ambiance du début du 20e siècle.

J’espère que ce petit guide de la maison alsacienne vue de l’extérieur vous aura aidé à visiter les villes et villages avec un nouveau regard et une curiosité passionnée. Si c’est le cas, faites-moi part de vos impressions et observations de visite en commentant ci-dessous. Vous pouvez aussi m’indiquer la localité que vous avez visitée ! Cela me ferait super plaisir, et en plus cela me motive à continuer à écrire davantage ! 

Inspiré ? Quelques épingles pour Pinterest :


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