La légèreté


Depuis qu’on a quitté Brexitland, je me sens légère…c’est une image évidemment, vu comme on se goinfre. On est bien obligé de se ré-acclimater gastronomiquement parlant, non? Mais je n’ai plus le poids permanent du stress. Je me connais ça reviendra, mais pas autant. Déjà, il va y avoir des travaux dans notre nouvelle maison…Ça va être comique. Mais je me sens libérée des angoisses dues au brexit.

La légèreté

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Je savais que le brexit me rongeait la vie, m’étouffait, m’enfermait dans une colère et des angoisses permanentes, mais je ne me rendais pas compte à quel point. J’ai l’impression de me retrouver. Bien sûr que je vais continuer à m’énerver pour tout et rien, avec ma patience légendaire (je rappelle que les légendes, ça n’est pas la réalité…),qu’il y aura des crises, des contrariétés, des tracas du quotidien. Mais je suis légère. On n’a pas de cuisine (je refuse d’appeler cuisine cette pièce à côté de la salle à manger, avec un évier préhistorique, un plafond à bas reliefs rupestres et des placards qui tomberaient en poussière si ils n’étaient pas tenus par plusieurs générations de fritures). Il reste une bonne dizaine de cartons à défaire. On a perdu des meubles, des bibelots et des souvenirs malmenés par ces gougnafiers infames de déménageurs racistes. Je me couvre de ridicule en parlant spontanément aux gens en anglais. Je ne sais pas du tout doser le small talk, les conversations. J’ai peur de trop parler ou pas assez, d’être trop froide ou trop exubérante…ça me stresse un peu, mais pas au point de me rendre muette. Je n’ai plus le ventre noué en permanence. Je recherche les échanges, quitte à laisser mes interlocuteurs perplexes (le livreur du fioul n’a toujours pas dû s’en remettre, pourquoi est-ce que je lui ai parlé en anglais?) je suis à nouveau curieuse. Je n’ai plus peur.

je ne suis plus suspendue aux news….bon c’est vrai aussi que ça n’aide pas d’avoir un internet digne de la pièce décrite plus haut, vous savez, celle qui essaie de se faire passer pour une cuisine? Je pense que ça me reviendra, je situe ça probablement après le passage du technicien orange. C’est quand il veut. Mais ça fait un bien fou de déconnecter un peu. Par contre, je n’accepte toujours pas le brexit. Non seulement je n’ai pas l’intention de laisser tomber mes amis européens coincés en brexitland , mais je trouve toujours aussi indigne ce qui s’y passe dans l’indifférence générale. Ça me révolte toujours autant mais ça ne me ronge plus. La colère est toujours la même, peut être même plus forte, mais l’angoisse est envolée. Le brexit ne domine plus la vie, ne monopolise plus mes nuits, ne m’étouffe plus. Je me sens légère.

Alors certes, je n’aurais jamais imaginé qu’on partirait d’Angleterre, surtout comme ça. Mais pour l’instant en tout cas, je suis persuadée que c’était la bonne décision. Bien sûr, il y aura des moments de doutes. Mais pour l’instant, vive la légèreté.