Ici on baptisa Ivan le Terrible

© Roland Meige © Roland Meige

Borissoglebski, oblast de Iaroslav, Russie / 57°16’N 39°09’E / 2017
Contraste architectural saisissant. Après Rostov et son vaste kremlin élégant, baignant dans des camaïeux de gris et blancs, la  rusticité de Borrissoglebski. Formidable monastère-forteresse aux origines datant du XIVe siècle. Proche de l’état initial, implanté sur une légère pente. Tour extérieur des remparts de brique, deux cavaliers déboulent sur le chemin de ronde, comme dans l’un de ces films historiques qu’affectionne ARTE.

Puis la porte, monumentale. Largement de guingois, surprenante par quelques aberrations architecturales. Sur la gauche, comme au Moyen-Age, des boutiques branlantes adossées à la muraille. A l’intérieur, un chemin de terre sur un pré mité. Ce ne sont pas les allées bordées de platebandes fleuries de Rostov la touristique, il n’y a pas de pièces d’eau avec de jolis oiseaux. On s’attendrait plutôt à être sous le regard de quelques vautours nécrophages en repérage. Devant son corps de logis, l’archimandrite casse la croûte, assis sur un banc étroit. Entouré de rebus de bois, de tôle, d’éléments d’architecture brisés, segments de corniches, de jambages de fenêtres. Il nous a aperçu, l’higoumène, il ne se laisse pas distraire. Sérénité et frugalité, Genius loci.

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Ce fut la retraite de Basile III l’Aveugle, qui eut les yeux crevés. Et c’est là, paraît-il, que l’on baptisa son fils, Ivan le Terrible. Rejeton tardif promis à une belle carrière dans la terreur. Emaillée, entre autres, de la crevaison des yeux d’un architecte (celui de Saint-Basile à Moscou, cette pâtisserie disneylesque, un moindre mal donc), et de l’assassinat de son fils à coups de sceptre.

Pour ajouter au charme des lieux, il y a encore, dans l’épaisseur de la muraille, la minuscule cellule d’un moine, le vénérable Irinakh, qui y vécut trente ans enchaîné, ne dormant que trois heures par nuit sur une souche de bouleau.

Terrible pays, terribles histoires.

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