Qui se cache derrière l’effroyable Hans Trapp ?

Publié le 09 novembre 2017 par Mon Grand-Est
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Chevauchant son cheval noir, il erre dans les campagnes du nord de l’Alsace avec fracas. Hans Trapp est la terreur des veillées alsaciennes. La veille de la Saint-Nicolas, il participe avec fierté au cortège du saint homme à Wissembourg et dans d’autres bourgades de la région. Voici une petite présentation du croque-mitaine des cauchemars des enfants alsaciens…


Hans Trapp

En Alsace, trois personnages de Noël co-existent :

  • Le Christkindel officie à Noël pour distribuer des cadeaux aux enfants.
  • Saint-Nicolas récompense les enfants qui ont été sages pendant l’année écoulée ET puis il y a :
  • Hans Trapp, une brute sanguinaire qui punit les vilains garnements.

Le Père Fouettard terrorise les enfants de Lorraine ? Les bambins d’Alsace n’ont qu’à bien se tenir car l’effroyable Hans Trapp rôde dans les parages. Les Vosges ont fait bien les choses : chaque versant, alsacien ou lorrain, a sa terreur du 6 décembre.

Ceci dit, hors des régions du Nord-Est de la France, Hans Trapp reste très peu connu, contrairement au Père Fouettard lorrain dont la notoriété a franchi les campagnes françaises.

Il n’empêche que le personnage de Hans Trapp méritait bien un article sur mon blog. Si vous aimez les histoires de veillées, vous en aurez pour votre compte. Car celle de l’abominable Trapp aurait plus sa place à Halloween qu’à Noël. Allez, petit retour en arrière, au 16e siècle.

Le chevalier Hans von Trotha

Plantons le décor. La région de Wissembourg dans l’extrême nord de l’Alsace. A l’époque du 15e siècle, il n’y avait pas de frontière entre la France et l’Allemagne. D’ailleurs, la France était totalement étrangère à ce bout de territoire rhénan.

Le château de Berwartstein © Ulli1105 – licence [CC BY-SA 2.5] from Wikimedia Commons

C’est au château de Berwartstein dans le Palatinat (Allemagne) que l’histoire de Hans Trapp commence. Cette forteresse en grès rose, située à 15 km au nord de Wissembourg fut attribuée en 1480 à un certain Hans von Trotha (ou Jean de Dratt) par le Prince électeur du Palatinat. Ce chevalier, né vers 1450 à Krosigk (aujourd’hui en Saxe-Anhalt) , fut loué pour ses mérites. Quelques années plus tard, le Prince l’éleva même au rang prestigieux de maréchal des princes électeurs du Palatinat.

Or, il y avait comme un “hic“. Car le château de Berwartstein et ses dépendances avaient été acquis par le Prince électeur en 1450. Et l’abbé de Wissembourg, ancien propriétaire des lieux, protesta au titre que les choses n’avaient pas été faites dans les normes. Il dénonça l’existence d’irrégularités dans l’acquisition du Berwartstein… tant et si bien que lorsque les moines apprirent que le château avait été donné à “un étranger” ambitieux qui en voulait toujours plus, ils en appelèrent au Prince électeur à Heidelberg. Ce dernier décida … en faveur de Hans Von Trotha !

La vengeance de Hans von Trotha

Le centre de Wissembourg © French Moments

Les moines ont dû tellement en faire voir au chevalier que celui-ci eut l’idée de représailles. Qu’est-ce qui était crucial pour une ville au Moyen Âge ? L’accès à l’eau.

Trotha construisit un barrage sur les eaux de la Wieslauter qui abreuvait en eau la cité de Wissembourg. Le cours d’eau fut dévié en amont de la ville. Un lac artificiel se forma, inondant les terres de l’abbé.

Les moines, furieux et désemparés, protestèrent et réclamèrent le retour de l’eau dans leur ville. Trotha s’exécuta avec malice et perça le barrage. Les eaux dévalèrent le terrain et inondèrent gravement Wissembourg. Cette catastrophe provoqua de graves dommages économiques à la ville.

La punition du pape

L’abbé en appela plusieurs fois à l’Empereur du Saint-Empire. En vain. Il lui resta une carte à jouer : celle du pape. Il plaida sa cause au pape Innocent VIII. Au bout de 8 ans, il trouva enfin faveur aux yeux du pape Alexandre VI. Hans von Trotha fut convoqué devant le tribunal du pape à Rome. Il refusa de s’y rendre. Il se contenta d’écrire une lettre proclamant sa fidélité envers l’Église… et profita au passage de lancer quelques piques au pape l’accusant d’immoralité (ceci dit il n’avait pas tout à fait tort !). La réponse ne se fit pas attendre : Hans von Trotha fut excommunié, c’est-à-dire mis au ban de la société.

Trotha se serait moqué de cette punition. D’ailleurs, en 1503, soit deux ans après sa mort, la sanction fut levée à titre posthume.

Hans von Trotha mourut le 26 octobre 1503 en son château de Berwartstein. Et la légende prit le pas…

Hans Trapp, la surenchère diabolique

Les siècles suivants sa mort, la coutume locale attribua à Hans von Trotha tous les attributs d’un personnage diabolique. Une brute sanguinaire, un débauché, un assoiffé de pouvoir et un violent. Son seul but était de terroriser la population en pillant les voyageurs et les paysans. On l’accusa même d’avoir pactisé avec le diable. Il devint dans la tradition locale un croque-mitaine, à la recherche de chair humaine. Dieu lui-même l’aurait puni pour avoir dévoré un jeune berger en le transformant en épouvantail.

Son nom fut déformé en Hans Trapp, trappen signifiant faire du bruit en marchant pour chasser les esprits. C’est pourquoi il est dit du ténébreux personnage qu’il erre la nuit sans repos dans la forêt sombre et profonde du château de Berwartstein.

Ah ça, les moines de Wissembourg tenaient leur revanche ! Le nom et la réputation de leur adversaire furent salis à jamais… on en viendrait même à plaindre la mémoire du pauvre Hans von Trotha.


À quoi ressemble Hans Trapp ?

Hans Trapp © Mairie de Wissembourg

Dans la tradition alsacienne, Hans Trapp ressemble comme un frère jumeau au Père Fouettard lorrain. Toutefois, il présente quelques caractéristiques qui lui sont propres. Il s’agit d’un personnage haineux, sombre et associable :

  • Hans Trapp mesure 2 mètres de haut – ce qui devait être impressionnant au 15e siècle !
  • Il est revêtu d’un grand manteau noir et chausse de grosses bottes noires qui font beaucoup de bruit en marchant.
  • L’homme porte une longue barbe blanche et un chapeau pointu.
  • Il tient dans sa main une verge pour battre les enfants récalcitrants.
  • Ce chevalier-pilleur apparaît à cheval, notamment lors du défilé de Hans Trapp à Wissembourg.
  • Il ne parle que l’allemand (en fait le patois local de la région de Wissembourg).

Où peut-on rencontrer Hans Trapp ?

Vous y tenez vraiment ? Si tel est le cas, c’est en Alsace que vous aurez le plus de chance (ou de malchance, c’est selon !) de le rencontrer.

Il existe même un endroit idéal pour l’apercevoir un soir de décembre : à Wissembourg. L’ancienne cité des abbés en guerre contre Hans von Trotha organise chaque année un défilé nocturne avec Hans Trapp et Christkindel.

Il a lieu le soir du 4e dimanche de l”Avent dans les rues de la vieille ville avec une arrivée remarquée au pied de l’abbatiale. La procession commence avec les moines. Puis, viennent les jongleurs de feu et les joueurs de percussion au vacarme assourdissant. Ils annoncent la venue imminente de Hans Trapp. Celui-ci apparaît à cheval mais prend le temps de poser le pied à terre pour demander aux enfants spectateurs s’ils ont été sages. Pour les dissuader de mal se comporter, une calèche approche justement avec une cage remplie d’enfants prisonniers implorant la foule : “libérez-nous, au secours !” (vous aurez compris qu’il s’agit de petits acteurs en herbe ). Bientôt, l’atmosphère se radoucit avec l’arrivée du char lumineux de Christkindel. La fête se termine avec un feu d’artifice.


Vous avez rencontré Hans Trapp ? Faites-nous en part en laissant un petit commentaire !

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