Qui est le Christkindel en Alsace ?

Publié le 07 novembre 2017 par Mon Grand-Est
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Il faut être né en Alsace ou y avoir habité assez longtemps pour connaître l’existence du Christkindel, une figure énigmatique du Noël alsacien. Discret, le personnage ne se montre que très rarement dans les marchés de Noël en Alsace… mais avec un peu de patience, vous le rencontrerez sûrement !


Qui est le Christkindel ?

Le Christkindel d’après une image de 1845

Bon, déjà il faut évoquer une bizarrerie de genre. On dit LE Christkindel, donc c’est masculin. Sa traduction de l’allemand est “Enfant Christ“. Toujours masculin donc. Sauf que… dans l’imagerie populaire germanique, le personnage prend les traits d’une jeune fille portant une couronne ornée de 4 bougies. Allez savoir pourquoi !

Des origines obscures…

En fait, on a voulu savoir pourquoi. Et on est remonté très loin dans le temps. Chez les Celtes d’abord, une figure féminine incarnait la fertilité. Au milieu de l’hiver, elle annonçait le cycle prochain de la nature.

Puis, chez les Scandinaves, on retrouve une autre femme en la personne de Sainte-Lucie. Toujours célébrée aujourd’hui dans ces pays du nord de l’Europe, elle ressemble à s’y méprendre à une sœur jumelle du Christkindel avec ses 4 bougies sur la tête. Il faut dire que la célébration de Saint-Lucie, fixée au 23 décembre, et son rapport à lumière a pu largement inspirer le personnage du Christkindel.

Saint-Nicolas purement et simplement congédié !

Saint-Nicolas

Mais pour y voir plus clair sur l’origine de la mystérieuse jeune fille, arrêtons-nous au temps de la Réforme, au 16e siècle. Cette rupture avec le catholicisme eut pour conséquence de faire évoluer les traditions locales. Jusqu’à la Réforme, Saint-Nicolas était vénéré le 6 décembre dans une grande partie de l’Europe germanique. Or, les protestants n’étaient pas du tout favorables au culte des saints. Et Saint-Nicolas en paya le prix. Ainsi, les marchés de la Saint-Nicolas furent purement et simplement annulés. L’évêque emblématique n’eut plus le droit de citer dans les villes et villages acquis à la foi protestante comme à Strasbourg. Exit le Nico donc, mais par qui le remplacer ?

La naissance du Christkindel à la Réforme

Il leur fallait un personnage rappelant le don gratuit de Dieu fait aux hommes. Un emblème de la naissance de l’Enfant Jésus la nuit de Noël. Et la légende nous dit que Martin Luther trouva lui-même l’idée de personnifier Noël par une effigie du petit Jésus. S’était-il inspiré de Sainte-Lucie ou d’une autre image populaire ? Les traits d’une jeune fille auraient-ils été ajoutés au cours des siècles suivants ? Nul ne sait. Tant et si bien que, au beau milieu du 16e siècle, on créa de toute pièce un énième donateur de cadeaux : le  Christkindel. Son nom dérive d’une abréviation de “Christus als Kind“. Ceci donna en allemand “Christ-Kindel“, (le Christ enfant). Dans d’autres territoires allemands, on retrouve des orthographes voisines : Christkind, Christkindla (Sundgau) ou Christkindl (en Autriche notamment). Le Christkindel n’est donc pas né à Noël mais à la Réforme !

L’entrée du Christkindelsmärik à Strasbourg © French Moments

Cette invention due à la Réforme protestante ne fut pas la seule à se développer pendant le temps de Noël. Le sapin de Noël décoré fut encouragé par les Réformateurs pour remplacer la crèche de Noël. Quant au grand marché de la Saint-Nicolas à Strasbourg, considéré comme une “survivance du papisme“, il fut remplacé en 1570 par un marché de Noël proprement dit. Dédié au Christkindel, le Christkindelsmärik signifie en français : le marché de l’Enfant Christ.

Quand l’Histoire vient à surprendre

A partir du 16e siècle, le Christkindel prit la place de Saint-Nicolas dans les cortèges organisés dans les villes et villages d’Alsace. Des jeunes ados des deux sexes, vêtus de blanc, faisait la tournée des maisons. Ils y distribuaient des friandises et étonnaient des Noëls. Ces rencontres de jeunes gens et de jeunes filles donnèrent lieu à quelques débordements. Ces problèmes de mœurs furent combattu par les autorités protestantes à plusieurs reprises aux 17e et 18e siècles.

Relativisons cependant sur la place centrale que tenait le Christkindel. Car Saint-Nicolas n’avait pas complètement disparu du paysage et restait encore ancré dans les cœurs des Alsaciens.

Mais le cours de l’histoire révèle parfois quelques tournures surprenantes. Car si la Réforme protestante inventa le Christkindel, c’est dans les pays allemands à majorité catholique que sa tradition s’est maintenue aujourd’hui. Les contrées protestantes allemandes ont depuis cédé au charme du Père Noël américain (Santa Claus), dont l’ancêtre n’est autre que… Saint-Nicolas le catholique !

Et pour enfoncer le clou, la tradition du Christkindel a tellement évolué au fil des siècles qu’on a aujourd’hui oublié sa signification donnée par la Réforme. Et c’est à peine si les enfants alsaciens connaissent son existence !


À quoi ressemble le Christkindel ?

Christkindel et Hans Trapp visitent une famille en Alsace (1858)

Dans la tradition allemande, le Christkindel présente plusieurs caractéristiques :

  • Il prend les traits d’une jeune fille, tel un ange ou l’image christianisée d’une fée.
  • La fille est vêtue tout en blanc et porte une voile (blanc lui aussi !)
  • Sa tête est ceinte d’une couronne de sapin dorée. Elle est ornée de quatre bougies allumées. Cette caractéristique en fait une sœur jumelle de Sainte-Lucie !
  • Il tient parfois dans la main un bâton avec une étoile.
  • Il est assisté d’un âne, appelé Peckeresel. Dans ses deux sacoches en cuir sont rangés des friandises (mandarines et bredalas) pour les enfants sages et des fouets pour les méchants garnements.
  • Il est souvent accompagné par Hans Trapp, un redoutable personnage qui fait office de Père Fouettard en Alsace. Celui-ci a la tâche (ingrate) de faire peur aux vilains enfants.

Où est célébré le Christkindel ?

Sans surprise, le Christkindel est célébré dans les pays allemands. Alsace, Allemagne du Sud, Autriche, Croatie, Hongrie, Slovénie, Suisse alémanique, Tchéquie, Tirol du Sud (Italie), ainsi que dans certaines parties du Brésil (où ont émigré des populations allemandes).

En Alsace, le Christkindel est remis à l’honneur depuis les années 1990 et occupe une place de plus en plus importante dans l’imagerie populaire, conjointement avec le développement des marchés de Noël. Il n’est plus incongru de trouver le Christkindel, Saint-Nicolas et Hans Trapp côte à côte.


Pour en savoir plus sur Noël en Alsace, je vous conseille le livre de Philippe Wendling : “La Merveilleuse Histoire des Marchés de Noël d’Alsace” (ce lien affilié vers Amazon me permet de recevoir une commission pour tout achat effectué à partir de ce blog mais n’augmente en rien le prix final que vous allez payer )

Vous avez rencontré le Christkindel ? Faites-nous en part en laissant un petit commentaire !

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