Thursday Thunder: brexit diary #11


Mes colères du jeudi se suivent et se ressemblent. Encore le brexit. Mais cette fois, je ne suis pas la seule à m’énerver. On est plusieurs milliers. Tous des sales migrants européens bien sûr, puisque les anglais ont décidé de ne pas broncher pendant que leur pays (vu le nombre de fois où on nous répète que ce n’est pas le nôtre…) s’enfonce gentiment dans le fascisme. Pour des gens persuadés d’être le phare de la pensée mondiale, le seul vainqueur (à mains nues) du nazisme, le modèle de la terre entière, voire de la galaxie, ils manquent singulièrement d’esprit critique et de courage. C’est tellement plus facile de fermer les yeux et de balayer d’un revers de main paresseux les inquiétudes de tous ces sales migrants européens, vivement qu’on les déporte tiens. 

Thursday Thunder: brexit diary #11
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Après presque 18 mois d’insultes, d’agressions (parfois mortelle, rien que dans mon riant comté de l’Essex), de brimades administratives savamment orchestrées par le gouvernement lui-même au nom de sa politique d’hostile environment, après l’explosion des détentions plus ou moins légales d’européens dans des centres pour migrants, après que les bailleurs préfèrent ne plus louer aux européens, après que les employeurs rejettent les candidats n’ayant qu’un passeport européen (pas britannique ou un visa, comme les autres immigrés), après que les banques, les assurances, les agences de voyages et j’en passe refusent les clients européens, on s’est soudainement demandé si peut être, éventuellement, les européens ne souffriraient pas d’une certaine forme de discrimination. No kidding, and what was your first clue? Le gouvernement a fini par se pencher sur la question. Certes, ces discriminations ont été soit créées par lui soit vivement encouragées, et Zaza et ses clowns ont été très clairs, c’est du pipi de chat comparé à ce qui nous attend après mars 2019. Mais bon, il se trouve que ça s’est su à l’étranger et ça fait un chouïa désordre. Non seulement Bruxelles est fâché, ce qui est ballot puisque les anglais essaient toujours de négocier leur petite note de sortie de l’Union, mais ça ne plait pas aux pays tiers non plus. Vous savez tous ces pays qui devaient se précipiter servilement pour rejoindre le grand empire  britannique ressuscité? Ben ils ne veulent pas. C’est bête, on ne l’avait pas vu venir. Et la nouvelle réputation de Londres n’aide pas. Déjà quand ils ne passaient que pour des incompétents nationalistes, ils n’arrivaient pas à négocier quoique ce soit, alors si maintenant tout le monde se rend compte qu’ils sont en plus xénophobes…

Mais heureusement Zaza a un plan. Elle a même une loi, qu’elle a commencé à faire adopter par le parlement. C’est tout simple, il suffit de lui donner les pleins pouvoirs pour qu’elle fasse ce qu’elle veut du brexit. Et voilà, problème réglé. Les députés ont gentiment voté pour permettre à Zaza (ou quiconque la remplacera, si le parti conservateur décide dans son coin sans rien demander aux électeurs, de donner le job à un autre incompétent) de gourverner toute seule, par ordonnances uniquement, sans passer par le parlement et sans rendre de compte à qui que ce soit. Bon évidemment, ce premier pas vers la dictature cette petite loi de rien du tout doit maintenant passer par les lords. Mais pas de soucis, Zaza a déjà prévenu, si ils l’ennuient,  elle les dissout et hop.  La loi reviendra ensuite devant les députés, dont certains se demandent maintenant si ils n’ont pas fait une bêtise. Sous couvert d’entériner la volonté du peuple le brexit, Zaza s’est arrogée le droit de modifier comme bon lui semble des pans entiers de la législation britannique. C’est embêtant… et ça provoque un raz de marée d’indifférence totale. Tous ces connards qui ont voté pour le brexit au nom de la souveraineté du parlement britannique ne mouftent pas quand les députés abdiquent. Tous ces demeurés racistes qui trouvaient que l’Europe n’était pas assez démocratique n’ont rien à dire quand leur démocratie est au bord du précipice, quand une première ministre sans majorité s’assoit sur les droits du parlement, quand on veut créer des lois rétroactives et discriminatoires…il n’y a que les sales migrants européens qui protestent. On défend nos droits, nous. On réaffirme qu’on est chez nous. On refuse d’être traité comme des citoyens de seconde zone. Mais on est bien seul…

Alors je suis en colère, je ne veux pas me laisser faire non plus. Mais je suis surtout désabusée. Je n’ai pas envie de me battre à la place de tous ces gens qui sentent bien qu’il y a un problème mais ce n’est pas poli de râler. Des mois d’insultes, de discriminations et maintenant cette loi et personne ne se bouge, à part nous. La grande manifestation anti brexit samedi dernier a rassemblé 50 000 personnes. Si on enlève les européens, leur famille locale (conjoints, enfants, beaux parents…) et les britanniques vivant en Europe venus exprès il ne reste pas grand monde. Vous avez raison, brexiters, c’est votre pays, pas le mien. Et vous pouvez couler avec, si ça vous amuse. Welcome to brexit Britain.