Voyage à Film City: bienvenue à Chinawood

Voyage à Film City: bienvenue à Chinawood

En 2013, on parlait pas mal d'une co-production franco-chinoise nommée de son film The Lady in the Portrait qui était alors en tournage. Il s'agit d'un film d'époque réalisé par Charles de Meaux - également connu pour être le producteur des films du réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul ( Oncle Boonme, Stretch. On retrouve dans les rôles principaux du film The Lady in the Portrait Melvil Poupaud et la superstar chinoise Fan Bingbing. À ce jour, le film n'est toujours pas sorti en France, ni en Chine (on parle d'une sortie vers fin 2017). Pourquoi en parler alors ? Car Melvil Poupaud a publié en février de cette année chez Cemetery of Splendour, ...), mais aussi car David Carradine est mort sur le tournage Pauvert son journal qu'il tenait lors du tournage et que celui-ci nous donne accès aux coulisses du cinéma chinois, de Pékin à Hengdian.

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Un jésuite français à la cour de l'Empereur

Le film retrace l'histoire d'un jésuite français, le frère Attiret. Il arrive en Chine vers la fin des années 1730 et est ensuite nommé peintre officiel de la cour de l'empereur Qianlong, sous le nom chinois de Wang Zhicheng. Il apprend à peindre " à la chinoise ", comme on peut le voir sur les tableaux ci-dessous. Au total, i l passe 31 années au palais impérial et réalise plus de 200 portraits de membres de la cour. Parmi ces membres, il peint le portrait de l'impératrice Ulanara, une concubine devenue impératrice suite à la mort de la première femme de l'empereur. Le film s'inspire de cette histoire et imagine un moment fiévreux où l'impératrice chinoise et le peintre jésuite se rencontrent.

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Portrait en buste d'une concubine Erdeni, chef de tribu mongole

Pour tourner un film d'époque de ce genre, il fallait à Charles de Meaux une reconstitution d'un palais impérial de la dynastie des Qing. Bonne nouvelle pour lui: la Chine a pensé à tout.

Hengdian: le plus grand studio de cinéma du monde

Dans la province côtière du Zhejiang, au sud de Shanghai, se situe Hengdian. Voici ce que Melvil Poupaud en dit dans Voyage à Film City: " Hengdian est un village en pleine expansion dont l'industrie principale est le cinéma. Autour du centre-ville, très animé le soir, on trouve des milliers d'immeubles et de maisons en construction, et des décors de cinéma : des fausses montagnes du Tibet pour tourner les films d'aventures, un faux Hong Kong et un faux Macao, pour les films d'actions et de gangsters ". En effet, il s'agit du plus grand studio de cinéma du monde.

On y trouve des reproductions de palais impériaux de la dynastie des Qin ou des Ming, un quartier entier de Hong Kong et une réplique exacte de la Cité interdite à l'échelle 1/1. C'est par exemple ici que Zhang Yimou a tourné son film qu'on retrouve également dans le clip de 2006 La cité interdite. C'est cette même cité interdite, celle de Hengdian, donc, From Yesterday du groupe 30 Seconds to Mars. Ainsi que dans des centaines de séries d'époques qui sont tournées à la chaîne ici, tel Princess Pearl ( Huan Zhu Gege en mandarin), qui avait rendu Fan Bingbing célèbre. Cela confère à la ville une atmosphère particulière où les habitants se mêlent aux figurants en costume d'époque et aux touristes venus visiter les lieux et les tournages.

Si un clip tel que From Yesterday nécessite environ 300 figurants, un film tel que La cité interdite nécessite en revanche la participation de 20 000 figurants. Et cela tombe bien, car la spécialité de Hengdian, c'est les figurants: on en recense ainsi 48 000 dans la ville.

I am somebody: dans le quotidien des figurants de Hengdian

En 2015, le cinéaste Derek Yee a réalisé un long-métrage traitant du sujet, I Am Somebody. Le film raconte l'histoire de Peng, un jeune homme qui arrive depuis sa province du Dongbei à Hengdian dans l'espoir de devenir acteur. Il croise d'autres jeunes qui comme lui subsistent en obtenant des rôles de figurants. Le film se veut comme un hommage aux figurants de Hengdian.

Les studios de Hengdian ont été construit en 1996 et plus de 1000 films et séries y ont été tournés. Rien qu'en 2012, on en compte 150 - dont 48 à propos de la guerre sino-japonaise, un sujet toujours bien à la mode en Chine. Un figurant raconte son expérience: il doit mourrir environ 80 fois par an pour ses rôles: ainsi en sept ans il est mort sur le petit ou le grand écran 560 fois. Un figurant touche en moyenne 40 yuans (~5,20€) pour huit heures de travail. Il est possible pour les figurants de se faire quelques yuans de plus: entre 5 et 30 yuans pour travailler sous la pluie, se coucher dans la boue ou se raser la tête (nécessaire pour les films d'époque). Le salaire peut même être doublé, voir plus, pour les rôles de prostituées ou les scènes nécessitant de montrer tout ou partie de son corps dénudé.

L'impératrice Fan Bingbing

Malgré quelques inexactitudes (sur la peinture chinoise ou sur Le dernier empereur de Bertolucci), le livre de Melvil Poupaud, ou plutôt Mei Er Wei Er Po Bo comme on le surnomme en Chine, reste intéressant, surtout de par ses anecdotes sur le cinéma chinois. On en apprend ainsi sur Fan Bingbing: " Nous tournons avec la doublure officielle de Fan Bingbing. Même taille, même allure, Wang Yanan est une jolie fille qui remplace la star pour tous les plans de dos et les plans larges où l'on ne distingue pas son visage ". Plusieurs sites chinois confirment l'information et la ressemblance est frappante (Wang Yanan apparaît sur la photo de gauche, Fan Bingbing sur celle de droite):

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Il raconte également que le film devait s'achever avec une scène où son personnage devait peindre le visage de l'impératrice, dans une atmosphère plutôt sensuelle - voir érotique. Mais la censure s'y est opposée. Charles de Meaux explique: " Une seule allusion au sexe, et le film est interdit. Fan Bingbing serait grillée pour cinq ans ". Et d'ajouter: " En Chine, on n'a pas le droit de filmer un curé en train de prier, alors imagine un jésuite en train de chauffer la femme de l'empereur ! ".