Expat reloaded


Vu mes problèmes persistants d’Internet (il semblerait que ce soit résolu d’ici demain sans faute. Ben voyons, merci BT), je vous ressors encore une vieillerie. En même temps, ça m’a fait réfléchir de m’y replonger (oui bon, on se comprend quand je dis réfléchir)… ma copine Margarida, elle-même espagnole vivant en France avait eu l’idée, il y a plus de 3 ans de poser des questions aux expats. Ma perception de la chose a un peu évolué. 

Expat reloaded
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1) Expatriée toute seule ou expatriée par amour ?

Expatriée toute seule d’abord, à Mexico, à la fin de mes études, et à deux à Dublin, mais ensembles, on travaillait pour  la même entreprise qui nous a envoyés en même temps en Irlande. Personne n’a eu à laisser son boulot pour suivre l’autre. Au contraire, on perdait notre boulot si on ne partait pas. Ça n’a pas été difficile, on était tous les deux bien décidés à partir de toute façon. C’était notre premier job, on sortait à peine de la vie d’étudiants (ça faisait 3 mois que j’y étais). Ça a été comique. Rien que l’accent dublinois, c’est quelque chose. On a passé les premières semaines à mimer quand on voulait communiquer avec les locaux! Hoyyââh? (Comment, vous n’aviez pas compris? C’est bien sur How are you). Et on s’est aussi bien planté avec le gaélique. La pauvre fille chargée d’accueillir les français au boulot (on était 12 à avoir tenter l’aventure sur 180 à qui on l’avait proposée) arborait un badge avec son prénom: Aoife. Nous l’avons donc tous appelé Ouaf pendant plusieurs jours, jusqu’à ce qu’on apprenne que cela se prononce Ifa. Ahaha. Ou quand on a dû aller à « dun-liri »…impossible de trouver ça sur la carte. Parce que ça s’écrit Dun Laoghaire.

2) Depuis combien de temps es-tu de l’autre côté de chez toi…

Bientôt 21 ans…ça y est je me sens vieille! Toute ma vie adulte en fait. Du coup, je ne sais pas du tout comme ça se passe en France, je ne me suis pas mariée en France, je n’ai jamais acheté une maison, accouché, utilisé une carte vitale, fait des réunions parents profs en France. Le système scolaire est devenu un vrai mystère, les célébrités, les expressions à la mode… Je suis complètement larguée.

3) Quels sont les mets qui te manquent le plus de ton pays d’origine ?

Pendant longtemps, en Irlande le fromage. En Angleterre, on trouve de tout, mais à prix d’or. Et comme je suis du Sud ouest, les confits, les magrets…toutes ces petites choses si légères…et le vrai chocolat bien sûr. 

4) Vis-tu à l’heure de ton pays d’accueil ou à l’heure de ton pays d’origine ?

Un peu des deux. On a tendance à faire les repas à la française, avec un goûter en rentrant de l’école et un repas du soir. Pour le reste, on vit à l’anglaise. Et on fait des irish breakfasts, le dimanche avec les saucisses, le boudin, les gaufres de pommes de terre, les haricots à la tomate et le bacon….non ça n’a rien à voir avec le full English breakfast, ce ne sont pas du tout les mêmes saucisses.

5) Une chose, un objet que tu as toujours trimballé au long de tous tes voyages…

Mon passeport! Je sais la réponse est facile, mais je ne vois rien d’autre. Quand on est  parti d’Irlande, on n’avait que trois cartons: beaucoup de photos, quelques livres et les jouets des enfants. Oh, je viens de penser: un poster que nous avons acheté à Dublin, sur St Stephen Green. Notre premier achat pour notre premier chez nous irlandais, (attention, les locations sont toutes meublées en Irlande, on n’était pas complètement inconscient!) et on l’a toujours traîné avec nous et installé au dessus de nos cheminées successives.

6) Te sens-tu étrangère une fois par jour, une fois par semaine, de temps en temps, jamais..

De temps en temps, de plus en plus rarement. J’ai plutôt tendance à me sentir étrangère en France….ça c’était ma réponse il y a trois ans et demi. Aujourd’hui, malgré moi je suis devenue étrangère. Je ne peux pas y échapper. C’est tout le temps.  Mais je me sentirais aussi étrangère en France. Bref, je n’ai plus de chez moi. 

7) Songes-tu à un éventuel retour « chez toi » ?

Ben voilà, si seulement je savais où c’est… la première fois, j’avais assume qu’on voulait dire la France et j’avais répondu un grand non. 

8) Justement, que signifie pour toi l’expression « chez soi » ?

J’avais dit: ma maison du moment, avec Marichéri et mes enfants, quelque soit l’endroit où elle se trouve. Ce qui compte, c’est ma famille, pas le lieu où l’on habite. On a pas mal déménagé, sans toujours changer de pays. Alors, on a toujours fait en sorte de donner une stabilité à nos enfants dans notre vie de famille, dans l’affectif, pas dans le décor. Surtout que nos premiers décors étaient typiquement irlandais, la moquette vert pétard fleurie, le papier peint rouge, à rayures et ondulations roses et blanche, les tentures dorées à pompons aux fenêtres. Tout ça dans la même pièce…réponse d’origine donc, depuis je ne sais pas. Notre maison, la première qu’on a considére comme un foyer et pas un logement a perdu de son charme d’un coup. Je me sens en suspend. Assiégée presque…les joies de vivre dans l’Essex probablement. 

9) Quelle est la leçon que tu tires, pour l’instant, de ces années d’expatriation ?

J’avais dit qu’il ne faut pas avoir peur de s’adapter. Ça ne veut pas dire renoncer à sa langue ou à sa culture, mais en découvrir une autre. C’est bien pour ça qu’on part, non? Je ne pense pas qu’on puisse être heureux en essayant de recréer une vie « à la française » artificiellement. Je maintiens. Sauf que c’est assez difficile de s’adapter à un  pays qui vous rejette.  Et que je n’en ai plus du tout envie. 

 
10) Réponse à cette question que j’oublie de te poser et à laquelle tu voudrais tellement y répondre…

J’avais répondu qu’on m’a demandé pourquoi je voulais tant partir de France depuis toujours. Je crois que c’est prendre le problème à l’envers. On ne s’expatrie pas pour quitter un pays, mais en découvrir un autre. Je le pense toujours. C’est juste que je me demande si je suis au bon endroit au bon moment. Je ne regrette pas mes dix premières années en Angleterre, c’est la onzième qui passe mal. Et la douzième qui s’annonce n’a pas l’air mieux.