Thursday Thunder: sorry to bother you


Les britanniques votent aujourd’hui. Enfin les Britanniques, mais aussi les irlandais ou encore les ressortissants du Commonwealth qui sont ici pour 6 mois et n’en ont strictement rien à faire. Par contre, des européens installés et payant des impôts depuis des décennies ne peuvent pas voter alors que c’est leur sort qui se décide. Mais bon, du coup je n’ai pas le droit de parler politique. Quoique je ne considère pas que traiter les brexiters de fachos racistes soit de la politique, c’est du descriptif. Pareil pour les aventures moisies de Zaza Premiere, la grande hallucinée xénophobe. Par contre, j’ai le droit de stresser, de m’angoisser, de me ronger les sangs mais en fermant ma gueule de sale migrante. Pas uniquement à cause de ces élections dont le résultat peut avoir des conséquences très facheuses pour notre avenir, mais parce que mes chouineries ennuient des gens qu’on pourrait pratiquement qualifier de proches si on voulait rire jaune. Des soit disant amis de longue date, des relations de plus 20 ans, vous voyez ce genre de personnes?   

Thursday Thunder: sorry to bother you
Source 

Il faut les comprendre, ça fait un an qu’ils m’entendent parler de mon Brexit. Déjà qu’ils s’en fichaient complètement au départ, là ils saturent. De toute façon, c’est bien fait pour nous, on n’avait qu’à rester en France, espèces de sales déserteurs. En plus on est allé chez les anglais qui sont fourbes et mangent des chapeaux melon bouillis dans de la sauce à menthe, c’est bien connu. On a l’air malin maintenant, tiens, ça nous apprendra à ne pas aimer la France et à la critiquer tout le temps. Donc, si j’ai bien compris quand vous complimentez un de vos enfants, ça veut dire que vous haïssez les autres, c’est ça? C’est la même logique. Ce n’est pas parce qu’on apprécie son pays d’accueil qu’on déteste son pays d’origine. Par contre, on peut choisir le premier à défaut du second. Je rappelle que vous n’avez pas plus fait d’effort pour naître français que les brexiters, vos comparses en connerie et intolérance n’en ont fait pour naître britanniques. Mais je m’emporte. Alors qu’on essaie de comprendre pourquoi vous ne supportez plus mes longs discours angoissés, ma peur pour l’avenir de mes enfants, mon stress permanent. Quoique je suis injuste. On ne peut pas dire que vous les ayez jamais supporté en fait. 

C’est sympa de vous rappeler à notre bon souvenir quand vous avez besoin d’un stage d’anglais pour le petit dernier (et ce serait cool de l’héberger gratuitement aussi),  quand vous aimeriez bien recevoir (toujours gratuitement) la super marmelade qu’on ne trouve plus en France depuis que Marks and Spencer a fermé, quand vous fêtez un événement quelconque et que tout le monde est bienvenu pour participer au cadeau collectif (mais ce n’est pas la peine qu’on fasse le déplacement, un virement ça suffira bien)…mais sinon, encore une fois, on n’avait qu’à pas partir. C’est notre faute. C’est à nous de venir (ce n’est pas obligé non plus…mais par contre eux ne viendront pas sauf si c’est sur le chemin de leur vacances et ça fait toujours une nuit d’hôtel économisée). C’est à nous d’être dispo pour tout et n’importe quoi. C’est à nous d’être à l’autre bout du téléphone ou du clavier quand ils ont besoin. Mais il ne faut pas s’attendre à ne serait ce qu’un message pour savoir comment ça va. On est juste de sales expats de toute façon, le brexit et ses conséquences directes sur notre vie, c’est notre problème. L’amitié, l’empathie, la considération c’est à sens unique visiblement. Qu’est-ce que ça peut leur faire si je suis à bout, si je deviens folle d’angoisse, si je m’écroule complètement? De toute façon je suis sensée être la fille rigolote qui remonte le moral des autres sans rien demander, où va-t-on si je me mets à inverser les rôles?  Un peu de tenue. Et c’est vrai aussi que je ne suis plus vraiment réceptive à leurs problèmes depuis quelques temps, leur réservation aux Baléares, leur fraisier qui s’est renversé juste devant leur belle- mère, leur toute nouvelle allergie au gluten ou encore leur choix de chapeaux pour le mariage de leur belle-sœur. Bleu ou vert? Le chapeau?… Il y a aussi les un peu plus coincés, ceux qui se sentent obligés par politesse ou par convention de garder le contact avec nous même si ils n’en tirent aucun avantage (certains n’aiment pas la marmelade, c’est dire leur désintéressement). Ceux-là sont admirables. Ils subissent stoïquement mes pétages de plombs et mes larmes en recardant subtilement la conversation sur une valeur sûre, la météo. Uniquement la météo. L’état du ciel est bien plus captivant que celui de mes nerfs. 

Alors pour les premiers, j’ai la solution: vous m’oubliez vraiment! Ok, il va falloir trouver une autre source d’approvisionnement en marmelade et payer le B&B la prochaine fois que vous voulez faire un tour à Londres, mais plus besoin de nous voir, ça sera un soulagement pour tous. Pour les deuxièmes, étant moi aussi engluée dans les convenances, j’ai du mal à trouver…comment faire? Certes, je pourrais réviser les variations de la pluviométrie britannique de ces 50 dernières années avant d’entamer une conversation avec vous, mais même ça va finir par vous ennuyer. Et je suis trop impulsive, je risque de laisser paraître mon léger agacement devant votre indifférence, ingrate comme je suis. Ce serait ballot. J’ai bien une idée, puisqu’il parait que je suis devenue trop anglo saxonne…  À tous ceux qui sont exaspérés par l’étalage de mes humeurs sombres, n’ont strictement aucune empathie et me le font comprendre, désolée d’être déprimée vraiment, je ne dirais plus qu’une chose: just fuck off.