L'art de vivre à l'étranger

Il fut un temps où j'adorais traiter des différences entre France et Etats-Unis, y consacrant pas mal d'articles et d'énergie. Avec plus de 5 ans de vie cumulée aux Etats-Unis, j'avoue cependant que le sujet est de plus en plus difficile à aborder, et le graphique suivant en est l'explication :
L'art de vivre à l'étrangerLe grand huit des émotions de l'expatrié (le nombre de pics et leur intensité varie selon les personnes !)
Au début, toutes les émotions sont amplifiées fois 10, que cela soit justifié ou non. New York ! Le Grand Canyon ! Deux pics vers le haut. Mais pourquoi ils n'ont pas de pain ici ? C'est quoi ces routes pleines de trous ? Deux pics vers le bas.
La véritable maladie du début de l'expatriation, c'est de vouloir tout comparer, tout catégoriser en "c'est mieux" ou "c'est moins bien" dans tel ou tel pays. La raison pour laquelle c'est une maladie, c'est que cette catégorisation a un coût émotionnel qui n'apporte absolument rien au final, car ni notre pays d'accueil ni notre pays d'origine ne vont soudainement se décider à tout changer pour ne conserver que les "c'est mieux" de chaque côté. Ce stress est donc inutile.
L'art de vivre à l'étrangerLe temple mormon de Salt Lake City, Utah. Bien ou pas bien ? Peu importe !
La seule solution pour être en paix avec soi-même, c'est d'accepter ces différences et de vivre avec. C'est la phase d'acceptation : Tout n'est pas mieux ou moins bien, c'est juste différent. 
Par exemple, ces deux dernières années, j'ai été confronté à un véritable dilemme dont je ne savais que faire. Après 17 années à avoir été arbitre de foot en France, j'avais atteint un bon niveau, touché du doigt le sport pro, et m'attendais donc à pouvoir poursuivre à un bon niveau aux USA également, comme cela avait été le cas lors de notre première expatriation.
L'art de vivre à l'étrangerMon premier match en Californie en 2015
Mais voilà, la Californie est différente et je me retrouve à faire des matchs de gamins de 14-15 ans tous les week-ends, une chose que l'on ne fait que lorsqu'on est tout jeune arbitre débutant en France. Du coup, j'étais frustré : Pourquoi ne veulent-ils pas reconnaitre mon expérience ? Je vais leur montrer ce que je vaux puisque c'est comme ça !

Et j'avais beau exploser les tests physiques, les tests écrits, me faire féliciter par les entraineurs et collègues à chaque match, rien ne changeait : Toujours les mêmes matchs faciles et insipides.
C'est alors que le déclic est venu, à force de voir toujours les mêmes têtes arbitrer les mêmes matchs, j'ai pu discuter davantage et comprendre le fond du problème : Tous considéraient l'arbitrage comme un métier à part entière. Certains faisaient 10 matchs par semaine ou plus et gagnaient 2 à 3000 dollars par mois. C'était leur seule source de revenus ! Avec des matchs locaux de gamins de 13-14 ans !
Tous mes collègues arbitres étaient soit des étudiants qui faisaient ça pour payer leurs études, soit des "anciens" qui faisaient ça en second salaire ou même à plein temps. J'ai donc compris pourquoi les instances californienness n'avaient que faire de mon cas : Je ne voulais faire qu'un match par week-end, pendant que tous les autres voulaient en faire 3 ou 4 d'affilée le samedi ET le dimanche. Je n'intéressais donc personne car de leur point de vue, je n'en "voulais" pas assez !
L'art de vivre à l'étrangerUn grand moment tout de même : Avoir officié en amical pour les pros de Sacramento Republic FC. Tous évoluent en USL, soit la seconde division Américaine aujourd'hui !
Après avoir compris que le décalage culturel était la source de cette incompréhension, j'ai tout de suite sû que je ne pourrais donc plus continuer à arbitrer aux USA, n'ayant pas le temps (ni l'envie) à investir pour plaire aux autorités locales.
Après 19 ans de carrière, j'ai donc dit stop en décembre dernier et ai mis fin à ma carrière d'arbitre de foot. Sans regret car j'aurai vécu des moments absolument incroyables que je n'aurais jamais vécus en tant que joueur.
Tout cela pour vous dire que même après plusieurs années de vie à l'étranger, il arrive de tomber sur des situations que notre "formatage culturel" nous empêche de comprendre, ce qui peut créer de la frustation inutile. Eux s'attendaient à ce que je fasse 5 matchs par semaine au minimum, car c'est leur norme, tandis que 17 années d'expérience en France m'avaient habitué à un match par week-end, ce qui était ma norme. Du coup, on ne se comprenait pas.
L'art de vivre à l'étrangerCrater Lake : Un énorme pic dans le "top" sur la courbe du début de cet article !
Si vous êtes nouveau dans le monde de l'expatriation, vous êtes en plein dans le grand huit des moments forts et moments faibles. Entre les visites magnifiques d'un côte et la paperasse sans fin de l'autre, c'est tout à fait normal et compréhensible. Mais rassurez vous, cela a une fin... Et je suis bien content d'avoir passé ce cap (en haut à droite de ma courbe en début d'article) !
L'important est de rester positif quoiqu'il arrive. Se dire que rien n'est "personnel" ou que ce n'est pas  parce qu'on est "étranger que cela se passe comme ça" (lire mes business updates trimestrielles si vous ne me croyez pas:-)) . Si il y a un bien un pays ou être étranger est la nomre, c'est ici aux USA !
Abandonner n'est pas une bonne solution, car le "reverse cultural shock" (le choc culturel du retour dans son pays d'origine) est bien plus sournois et difficile à supporter car on ne s'y attend pas. Et les pics vers le haut sont beaucoup plus rares lorsque l'on fait ce choix :-)
Donc courage, le jeu en vaut la chandelle et surtout, l'expérience vous apportera bien plus que vous ne pouvez l'imaginer sur le plan humain.