Une soirée sur Karl Marx Allee

La Karl Marx, cette large avenue reliant les quartiers de Mitte et Friedrichshain, semble oubliée des Berlinois. L'artère totalement détruite par les bombardements de la seconde guerre mondiale est reconstruite sur le modèle de l'architecture soviétique et devient l'un des symboles de la jeune république démocratique de RDA. Le 17 juin 1953, les ouvriers qui participent à la construction des immeubles manifestent contre les conditions de travail. La protestation prend de l'ampleur, et réunit les travailleurs mécontents de RDA. Les grèves se multiplient dans le pays, l'insurrection populaire guette le gouvernement... Les chars seront utilisés pour dissoudre les manifestations sur la Karl Marx, entraînant la mort de dizaines de personnes. Il n'y aura plus de manifestations populaires de contestation d'ampleur jusqu'en 1989.

Vitrine de la RDA, la Karl marx Allee était l'une des rues les plus animées de Berlin Est à l'époque. On y trouvait de nombreux cafés, restaurants, boutiques...
Difficile aujourd'hui d'imaginer l'animation qui pouvait y régner. De cette rue on ne retient que la circulation bruyante des voitures, les façades froides et les bâtiments monumentaux séparés de la route par des bandes d'herbes mal entretenues. Pourtant il y a peut être un potentiel de renaissance, c'est du moins ce que nous avons cherché le temps d'une soirée entre amis.

Culture

Tout a commencé par une séance de cinéma au magnifique cinéma Kino International. Rien ne semble avoir vieilli, à part peut être les cheveux des spectateurs, blanc pour la plupart. C'est l'un des rares vestiges encore vivant du 7ème art sur l'allée. Le cinéma Kosmos situé plus loin, à proximité des Frankfurter Tor, est aujourd'hui un espace événementiel mis en location pour les événements privés.

La culture, elle se trouve aussi dans les galeries d'art de la Karl Marx. En arrivant au cinéma j'observe ce qui semble être le vernissage d'une exposition dans un bâtiment cubique tout en large baies vitrées qui était déjà une galerie d'art à l'époque de la RDA. La tradition est perpétuée aujourd'hui avec la galerie Capitain Petzel qui présente le travail d'artistes internationaux renommés.
Quelques autres galeries d'art ont élu domicile dans les bâtiments si caractéristiques de la KM qui offre des dimensions superbes pour produire des expositions, la Galerie im Turm, une salle d'exposition de la mairie de Friedrichshain-Kreuzberg, ou encore l' Architekturgalerie.

Gastronomie

Direction un restaurant chinois, le HuaTing Berlin, recommandé par F. et F.. La cuisine est bonne, le service très cordial, la carte longue comme un bras, les poissons évoluant dans les aquariums colorés à souhait, le décor typique. Une bonne adresse si vous êtes dans le quartier.

Pendant le repas M. me demande si je connais le café Sybille proposant aussi une exposition sur la RDA. Oui ! C'est une institution. Ce que je ne savais pas, c'est qu'ils organisent chaque année une soirée le 8 novembre... pour fêter le dernier soir avant l'apocalypse : la chute du mur et celle du régime de RDA. Un peu radical mais si typique de l'humour berlinois. Il paraît qu'il faut réserver dès maintenant car les places partent vite chez les Ostalgiques.

Bars

En rigolant, on s'était dit qu'on allait faire la tournée de tous les bars de la Karl Marx. Et bien finalement nous avons presque réussi le challenge car ils ne sont pas si nombreux.

Une soirée sur Karl Marx Allee

Nous débutons par le bar Babette qui avait intrigué plusieurs d'entre nous. Situé dans un bâtiment cubique en verre, il a gardé l'enseigne de Kosmetik Institut, sa fonction d'origine. Une couleur orange se dégage du cube, mais on ne peut voir ce qui se passe à l'intérieur à cause de la buée. En s'approchant on distingue enfin la faune qui habite Babette. Et on se demande si on va rentrer dans ce qui semble être un repère de fashionista des années 70. En fait c'est une soirée de parents de Prenzlauer Berg (sic), c'est à dire des parents des élèves d'une même classe qui, après avoir rencontré les professeurs de leurs enfants, ont poursuivi les festivités par une soirée déguisée au Babette. Le thème ? James Bond... Ambiance particulière au milieu des femmes en robe dorée et des hommes déguisés en squelettes (!), nous faisons littéralement la queue pour commander nos verres au bar. Comme au supermarché, il faut bien choisir sa file car tous les barmen n'ont pas la même cadence pour préparer les cocktails. Moi j'arrive bonne derrière. Malgré l'affluence nous trouvons un canapé et une table où s'asseoir. Difficile de discuter car la musique mixée par une maman DJ recouvre nos voix. Tant pis, on révise nos classiques des boums grâce à des tubes depuis longtemps oubliés.

M and M nous parlent d'un bar africain situés dans une petite rue adjacente de la Karl Marx. Nous tentons notre chance mais il semble que le bar ait disparu au profit d'un bar à Shisha. Nous continuons notre aventure jusqu'au bar panoramique PlaceOne situé dans l'un des grattes-ciel de la Strausberg Platz. Des cours de danse y sont organisés et je souhaitais y aller depuis longtemps sans jamais avoir pu trouver d'informations claires sur les jours et horaires d'ouverture.

Nous sonnons à l'interphone, la porte s'ouvre. Nous montons dans l'ascenseur et appuyons sur le bouton de l'étage le plus élevé, le 13. Signe de malchance et d'aventure pour nous. En effet, l'ascenseur ne va qu'à l'étage 12 et nous n'y trouvons pas l'escalier pour monter au 13. Nous descendons au 11 mais là aussi nous sommes coincés. Nous décidons de retourner au rez de chaussée pour essayer un autre ascenseur, mais au cours de notre descente nous croisons un locataire bougon et son chien. B. lui demande où se trouve le bar mais il ne réagit pas à sa demande formulée avec un léger accent français. Heureusement M., Allemand sans accent, lui repose la question et le locataire nous indique l'ascenseur d'en face et l'étage 13. Son chien tente de s'incruster avec nous mais son propriétaire lui aboie de rester avec lui.
Nous tentons de nouveau notre chance, sans succès, descendons à l'étage 10 où nous trouvons un escalier, montons jusqu'au 13... mais la porte du bar est fermée. Il est minuit et demi et le bar est déjà clos ? Nous redescendons les escaliers jusqu'à nous apercevoir que la porte s'est refermée et qu'il nous est impossible de ressortir. Nous descendons quelques étages plus bas, croisons des peintures inattendues dans cette cage d'escalier lugubre et finissons par trouver la sortie.

La quête d'un bar ouvert reprend, mais c'est difficile. La plupart des quelques rades que nous croisons sont vides et/ou bientôt fermés. Nous dédaignons le CSA bar, trop chic pour notre humeur du soir. Dans la Karl Marx, seule la circulation des voitures nous rappelle que la ville n'a pas été prise d'assaut par des zombies. Les grandes vitrines des boutiques de mobilier design ponctuent notre promenade et nous donne envie de revoir notre déco. Enfin nous atteignons notre dernière chance de boire un verre et de croiser des humains, le bar Abgedreht.
Fréquentés principalement par des jeunes qui se cassent la figure en sortant des toilettes, le barman aux longs cheveux noirs gras semble content de nous voir arriver et prend notre commande d'une voix d'outre tombe. C'est la serveuse à la crinière bleue qui nous sert. Ce n'est pas cher, le personnel charismatique et sympathique, la déco digne d'une colocation, la musique métalleuse.... On recommande !