La nécessité de voyager maintenant

Publié le 06 mars 2016 par Jesse Eat World

Éternelle question qui m’a valu une longue discussion récemment au travail.

POURQUOI CETTE OBSESSION POUR LE VOYAGE ?

On en parle souvent comme d’une maladie et au fond c’est un peu ça… Certain(e)s en sont atteint dès la naissance à cause de gènes héréditaires, d’autres l’attrapent au détour d’un séjour un peu trop aventureux; enfin les derniers  prendront soin, de leur vivant, à éviter toute exposition à ce virus dont les symptômes ont de quoi inquiéter: pieds qui démangent au point qu’il en devienne impossible au malade de rester trop longtemps au même endroit, insomnies dues à l’incapacité de baisser ses paupières de peur de manquer un merveilleux paysage qui pourrait se présenter à lui/ elle sur sa route et enfin risque de crises de panique en entendant les mots « routine », « confort », « tour operator », « all inclusive »…

Pour ma part je pense que le voyage fait partie intégrante de ces besoins qui évoluent avec l’âge: stabilité, aventure, amour, santé, reconnaissance, expérience, connaissance…

C’est une chose qui peut paraître évidente mentionnée comme ça, mais qu’il m’a fallu beaucoup de temps pour réaliser: tous ces besoins ne sont pas nécessairement très présents – ni d’ailleurs jamais complètement absent – dans notre tête mais plutôt ils se présentent à nous à plusieurs reprises dans notre vie portant un sens et une intensité différente en fonction de notre avancée sur le sentier de l’âge.

NOUS CHANGEONS AVEC L’ÂGE: C’EST UNE CERTITUDE !

A titre d’exemple, prenez Jesse Eat World petit, à l’époque la seule chose que je détestais probablement plus que les filles étaient les brocolis. Une dizaine d’années plus loin croyez bien que j’étais réconcilié avec la gente féminine (et d’ailleurs aujourd’hui les brocolis font partie de mon alimentation courante haha). A présent mes besoins tournent plus intensément autour de l’aventure, de l’amour et de l’expérience pourtant il m’arrive quand même parfois de rejeter l’option aventureuse pour choisir celle de la stabilité: nous évoluons avec l’âge c’est une certitude ! C’est à la fois intriguant et inquiétant. Je me demande par exemple avec quelle intensité un besoin que je n’aurais peut être que très peu considéré auparavant pourras faire découvrir au futur moi de nouvelles expériences, mais je me demande aussi quels seront ceux que je devrais effacer du tableau pour profiter de ces nouvelles émotions.

Comme beaucoup de choses dans la vie, le changement n’est jamais tout blanc ni tout noir: il apporte avec lui une certaine nostalgie (lorsque l’on regarde la route parcourue derrière nous), une forme de reconnaissance (quand on regarde l’expérience acquise en chemin) et un mélange d’anxiété et d’excitation (quand on se prend à regarder la ligne d’horizon qui s’étale devant nous).

Il n’y a pas de hasard à tout cela. Je pense que la vie est parfaitement réglée. Si nos besoins changent autant, c’est parce que nos capacités (physiques, mentales, spirituelles) changent aussi. Du coup la vie ne fait que s’adapter aux différentes versions de nous, en nous proposant le meilleur de ce que nous pouvons espérer à chaque étape de notre existence.

POURQUOI MAINTENANT ?

Je fais partie de cette génération dont on dit souvent qu’elle veut tout « maintenant », incapable de considérer les sacrifices qu’il faut accepter d’abord pour en retirer les avantages pour après. C’est vrai que nous avons de plus en plus tendance à céder à l’individualisme et avons bien de la peine à prendre notre mal en patience. Pourtant je pense que nous sommes aussi une génération qui – comme peu avant elle – sait enfin ce qu’elle veut et ose le revendiquer. Pour ma part je ne considère absolument pas cette envie de voyage comme un caprice de jeunesse, mais plus comme un devoir envers moi-même.

Si c’est une chose si importante pour moi aujourd’hui, c’est d’abord, parce que je suis atteint du fameux virus dont je vous parlais plus tôt, mais aussi et surtout parce que je suis conscient du fait que ce besoin est tellement fort en moi actuellement que son intensité ne peut que diminuer (au mieux stagner) avec le temps afin de laisser la place à d’autres besoins (non pas moins intéressants, mais différents).

Alors quand on me dit « tu as le temps pour ça, penses à ton avenir, il faut te construire une situation confortable pour plus tard… » souvent je souris et réponds que c’est justement parce que je pense à mon avenir que je veux voyager autant maintenant. Alors oui, je sais, pour l’avoir vu en pratique, on peut voyager à tout âge, mais simplement je suis au moins tout autant convaincu que le voyage (comme les brocolis…) n’a pas la même saveur selon les années qui s’alignent à notre compteur.

S’élancer sur un trajet de 16h dans un train bondé à partager une demi banquette avec d’autres voyageurs parce que c’est plus économique, dormir dehors sur un banc en attendant le premier bus de la matinée, se laisser inviter chez des inconnus à l’autre bout du monde parce qu’on est curieux et qu’ils ont l’air amicaux, prendre un billet sans date de retour parce qu’aucune contrainte matérielle ne nous en empêche et qu’on veut goûter une certaine liberté, prendre une chambre dans un hôtel décrépi parce qu’il est minuit et qu’on n’a pas eu la prévoyance de réserver d’hébergement en avance: chacune de ces expériences pourrait paraître déraisonnable, voire complètement irrationnelle à un certain âge, mais le fait est que de les avoir vécu à un âge où elles apparaissaient justement comme rationnelles permet d’en conserver un souvenir incroyable et une saveur intarissable à laquelle on pourra goûter tout au long de notre vie, simplement parce que ces choses là ne s’effacent à aucun moment du tableau.