De Saint-Malo à Cancale par le GR34, récit d’une randonnée en Bretagne

Longtemps, je me suis perdue sur des chemins étrangers, rêvant d'orchidées dans la neige et de steppes mongoles. On m'avait prévenu : à force d'en partir, je rêverais un jour de cette autre France. Celle, paisible, que je ne connais pas, qui s'imprime comme une image de plage hors saison et de choux piqués à la ligne. Es-ce l'âge ? Je ressens à présent le besoin de me rapprocher de toute chose en dehors d'une géographie et de sentir derrière chacun de mes pas un peu plus de poids.

J'avais choisi ce week-end là, de ne pas aller plus loin. De profiter de la douceur des derniers jours de septembre pour rencontrer enfin la Bretagne. J'étais donc à Saint-Malo et j'y cherchais du sens. Alors, résolument, j'y mis de l'huître, comme Michaux mit une fois du chameau à Honfleur. De l'huître de Cancale comme pour tracer un trait entre les remparts et l'ailleurs de la journée, vingt cinq petits kilomètres le long du littoral par le GR34 pour savourer la côte et tout ce que je ne connais pas des habitudes loin de ma Méditerranée.

J'avais oublié je crois que sur les promenades de France les vieux couples, encore, célébraient leur amour comme un dimanche. J'avais oublié je crois le plaisir simple d'un escalier descendant vers la mer, du sable frais entre les orteils, de l'ensevelissement lent des coquillages et des enfants courant au hasard de bulles remontant à la surface.

J'ai pris le temps de chercher dans chaque détail un diamant et j'ai marché, la tête vide, comme lorsque j'étais enfant et qu'il n'y avait rien entre moi et devant. Je ne me suis posée aucune question et j'ai laissé le chemin s'ouvrir à mesure que la ville me quittait. Il n'y avait que le vent et son léger sifflement pour m'accompagner. A vouloir aller plus vite, je me suis demandée combien de chemins balisés j'avais raté au profit de routes goudronnées.

Arrivée à la Pointe de la Varde, une maison m'attendait. Entre les volets d'une fenêtre océane, j'ai croisé mon reflet. C'était bien moi. Moi qui pensait vous écrire un article sur les grandes marées, sur l'océan et le froid qui vous prenait, sur mes impressions de Bretagne, moi qui pense toujours en amont et qui beaucoup, à force d'anticipation, s'est trompée. Comme pour figer ce moment, j'ai pris un cliché. Moi. Maintenant.

Sur le sentier, entre les anses de granit, j'ai revécu mes amours passés, tout ce temps à attendre de voir combien on pouvait me donner, combien je pouvais apprendre et toutes ces maisons en pointe de la mer où on avait juré qu'un jour, ensemble, on s'installerait. Comme si, depuis toujours j'avais mis derrière chaque paysage les souvenirs d'un amour qui bientôt s'éteindrait. Devant moi, l'anse de Rotheneuf s'étalait. lI était temps d'arrêter de construire un passé au futur, de poser des rails dans le sable pour des trains fantômes que personne n'attendait.

D'urgence, il fallait marcher à nouveau, aller de l'avant. Mais sans se projeter. Moi. Maintenant. C'est là, libérée de tout ce que j'attendais que j'ai commencé à voir la Bretagne telle qu'elle était : baie paisible, rade rocailleuse, mûre chaude frappée par le soleil, vieille église de pierre et rafiot en bois, populaire et abandonnée à la fois...

Sur le port de Cancale, j'ai fini par commander une demie-douzaine d'huîtres et un verre de vin blanc. Je mangeais, portant en mon seing le voyage invisible que je venais d'effectuer. Huit heures de marche pour un plateau d'huîtres, le goût subtil de la noisette et d'une nouvelle vérité que personne d'autre que moi ne pouvait déceler. Je pensais marcher seulement ; j'avais crée un nouvel espace, assez blanc pour que la Bretagne s'y installe, assez sage pour se garder toujours de vouloir la décrire entièrement. Elle avait la couleur des plages des Caraïbes et la force d'une pinède sous le vent, l'odeur des marées libres et des algues vertes, le goût de l'iode, une certaine idée du temps ; tout ce que je ne voudrais pas définir de peur de faire déjà un souvenir de cet amour naissant.

Ce voyage n'aurait pas eu la même saveur sans :

Avec une vue imprenable sur la promenade, l'hôtel est idéal pour une escapade seul(e) ou à deux à Saint-Malo. Leur jacuzzi privatif a fait des miracles sur mes petits pieds endoloris de tant de marche et cela faisait longtemps que je n'avais pas mangé un petit-déjeuner si bon dans un hôtel (si vous y passez, mention spéciale pour les cannelés pistache...). De la chambre au personnel, mon séjour Océania m'a conquise. D'autant plus que sans les conseils avisés du réceptionniste, je n'aurai sûrement pas trouvé l'arrêt de bus de Cancale pour rentrer à Saint-Malo (20 minutes au lieu de 8h de marche).

Sur la plage de l'Eventail, les 7 Mers est la pépite gastronomique de Saint-Malo. Les langoustines justes raidies au beurre de curry auraient suffi à égayer tout mon week-end. Mais un petit dessert ne se refusant pas...j'ai continué la dégustation. Un premier menu découverte à 47 euros mais promis, vous ne regretterez pas le tarif.

Dans les remparts, juste à côté de la superbe cathédrale Saint-Vincent, se cache un salon de thé cosy et tout plein de produits de la région. J'ai craqué pour un macaron croquant pistache et un jus de myrtille sauvage avant de jurer y revenir très vite pour y goûter à nouveau.