La panique


Entre la peste et le choléra, que choisir ? L’Inde et particulièrement Delhi cumulent en ce moment les difficultés : la pollution atmosphérique qui atteint des niveaux jamais connus et la pollution par la corruption qui se propage de façon endémique.Armée de patience – qu’il est bon d’acquérir avantde venir en Inde – et d’un bon bouquin, le cœur cousu, de Carole Martinez, un petit bijou, j’ai pu, au bout de deux heures acquérir un peu d’argent pour poursuivre mon périple. La télé locale était présente devant la banque, située au cœur de Delhi. Cela permet d’occuper les gens et les journalistes qui développent le sujet depuis trois jours et remplissent avec ardeur les pages des quotidiens : la ménagère qui ne peut plus faire ses courses habituelles, les jeunes mariés qui supplient leurs invités de ne pas leur donner des enveloppes empoisonnées par des billets de 500 ou de 1000 roupies (pourtant une belle raison de s’en débarrasser !), les commerçants qui sont obligés de fermer boutique car ils ne peuvent plus rendre la monnaie, les agents immobiliers qui voient le prix des maisons dégringoler d’un seul coup, les cinq états qui vont devoir voter prochainement et dont les fonds secrets des partis politiques se trouvent soudainement à mettre à la poubelle. A qui profite le crime ? On raconte aussi que les dirigeants du parti du Premier Ministre étaient au courant depuis une bonne semaine. Ce qui en Inde pourrait s’appeler un « Delhi d’initié ».
La paniqueIl y a aussi ceux qui paniquent et qui vont au bord de la rivière brûler leur monceau de papier imprimé avec le visage de Gandhi et marqués 500 ou 1000 et qu’ils ne pourront jamais mettre à la banque, planqués depuis tant d’années pour des transactions illicites.
Il y a aussi ceux qui se précipitent au marché noir pour sauver quelques pépites en achetant de l’or à des prix himalayens (du style 200 euros le gramme) oui, j’ai mes informateurs…
Il y a aussi les changeurs qui ont pignon sur rue, qui veulent satisfaire les besoins des touristes qui ne savent plus où se tourner et qui achètent des billets de 100 roupies avec une perte de 30 % toujours au marché noir. Le taux de change est actuellement de 50 roupies pour un euro au lieu de 70. Oui, je protège mes sources…
Mais les gens de la rue sont, en général, plutôt satisfaits de ce coup de poing magistral du Premier Ministre (qui a vite filé au Japon pendant ce temps là !). Ils ont l’impression qu’il y a une certaine justice. Mais cela ne va pas rendre les pauvres plus riches, juste certains riches peut-être un peu moins riches.
L’ère de la dématérialisation de la monnaie arrive peut-être et on va enfin pouvoir payer par carte bancaire ailleurs que dans les magasins de luxe et les grands hôtels ? Espérons donc une Inde plus propre et plus respirable dans tous les sens du terme.La panique