La traversée de Farnaz 2/4 : Birmingham

Publié le 06 novembre 2016 par Nasei

Suivons le passage de Farnaz de l'Iran à l'Angleterre pour un Erasmus à Birmingham. Changement radical de cultures et de population, qui ne lui faisait pas peur ! Ce " choix par défaut " va vite se transformer en expérience exceptionnelle...

1 - Qu'est ce qui t'as mené à cette destination ?
Mon séjour en Angleterre était prévu avant même de m'envoler pour l'Iran. Dans le cadre de mes études en langues à la fac, j'ai voulu profiter des différents programmes d'échange pour étudier à l'étranger pendant ma dernière année de licence. Or, j'avais changé d'université au cours de licence et mon université d'accueil exigeait à l'époque que les procédures d'échange commencent dès la première année. Résultat des courses : je n'étais pas prioritaire, je devais me contenter du programme Erasmus (bye-bye le Canada) et bien sûr, je n'avais pas d'autre choix que de piocher parmi les places restantes.
La Farnaz de l'époque était dévastée. Je devais choisir entre quelques destinations de l'Europe occidentale qui ne m'attiraient pas du tout. J'ai jeté finalement mon dévolu sur le Danemark et en milieu d'année, on m'annonce que le partenariat ne sera pas reporté. J'avais l'impression d'être victime d'un complot. Après mûre réflexion et accessoirement parce que le temps pressait, j'ai choisi la ville de Birmingham en Angleterre (" juste pour améliorer mon anglais, hein ? ").
Bref, toute cette histoire pour vous dire que j'y allais presque à reculons. A peine rentrée d'Iran, j'ai eu le temps de faire mes bagages et mes adieux en quelques jours, juste avant de m'envoler pour la terre de nos amis les Rosbifs.

2 - Combien de temps tu as passé sur place ?
Je suis restée à Birmingham de septembre 2011 à juillet 2012.

3 - Quel était ton travail ?
J'ai occupé trois postes différents. J'ai dans un premier temps travaillé pour Routes Into Languages, un consortium d'universités et de grandes écoles britanniques dont l'une des missions est de promouvoir l'apprentissage des langues étrangères dès le plus jeune âge. J'ai été engagée comme Star Ambassador, en gros, ambassadrice de Routes Into Languages dans les établissements scolaires de la région de Birmingham. On intervenait dans plusieurs écoles et notre objectif était de convaincre les jeunes anglais de choisir les langues comme matière au lycée et à passer aux GCSE (équivalent du bac). A l'époque, on notait un profond désintérêt de la part de ces jeunes pour les langues : ils n'en voyaient pas l'intérêt et beaucoup me disaient que le fait de parler anglais leur suffisait amplement pour voyager. Ça n'a pas toujours été évident mais j'ai vraiment apprécié ce format de travail. Et une des mes dernières missions de l'année a été vraiment originale : j'ai été la chef du jury lors d'un concours du Spelling Bee niveau régional ! Quelle pression ! Surtout de la part des parents qui viennent vous voir après le passage de leur enfant et qui tentent, en vain, de vous soudoyer gentiment !

A côté de ça, j'ai été interprète persan-anglais (au départ bénévole puis indemnisée à l'heure) auprès d'une ONG britannique ( Refugee Council) qui accompagne les requérants d'asile. C'est de loin le travail qui m'a le plus passionnée mais qui a également été le plus exigeant de tous. Je passai beaucoup de temps à me préparer avant chaque entretien. Je n'avais pas d'expérience préalable en la matière et même si je parle le persan couramment, je me suis vite rendue compte de mes lacunes en ce qui concerne la richesse de mon vocabulaire, notamment lorsqu'il s'agit de procédures ayant lien avec la demande d'asile. Et l'interprétariat n'est pas un jeu d'enfants ! J'ai un profond respect pour les interprètes professionnels !
Enfin, j'arrondissais aussi mes fins de mois en participant à quelques expériences scientifiques dans plusieurs départements et qui étaient financées par l'université. J'ai pris part à des expériences en tous genres (garder sa main dans de l'eau froide le plus longtemps possible, calcul mental, tests neurologiques, tests de vision, etc). Mais là, c'était vraiment pour arrondir les fins de mois !!!

4 - Comment as tu trouvé ces 3 jobs ?
A peine arrivée, j'ai vite compris que ma bourse n'allait pas me suffire et j'avais envie de profiter de cette année Erasmus au maximum (sorties, voyages, etc.). Dès les premiers jours, je me suis rendue à la Student's Guild (équivalent de la maison des étudiants) pour voir toutes les annonces d'emploi. J'étais dans l'espoir de trouver quelques étudiants intéressés par des cours de français. Et c'est là que je vois cette annonce pour Routes Into Languages.
La mission auprès du Refugee Council m'a été signalée par une amie qui était, elle, interprète en mandarin et aussi par quelques membres de la communauté iranienne de Birmingham.
Enfin, c'est un professeur qui m'a suggéré la possibilité de participer aux expériences des labos de l'université.

5 - Que penses-tu de la vision des jeunes Anglais vis à vis de l'étranger ?
C'est une question très intéressante ! Et qui prend tout son sens dans cette ère post-brexit. Pour être honnête, j'étais très pessimiste avant le référendum. Dans tout mon entourage, j'étais bien la seule qui était persuadée que le camp du Brexit l'emporterait. Non pas que ça me fasse plaisir, bien au contraire, c'est l'une des pires décisions qu'ils aient pu prendre en matière d'affaires européennes. Mais lors de mon séjour en Angleterre, j'ai pu saisir ce manque d'intérêt profond pour l'Europe et ce statut d'isolement que les Britanniques s'infligent à eux-mêmes. Je ne veux pas en faire une généralité mais très peu de Britanniques (je parle surtout des jeunes) à l'époque se considéraient " européens ".
En ce qui concerne maintenant la vision des jeunes anglais vis-à-vis de l'étranger, j'ai une opinion bien tranchée. Et je tiens à souligner que c'est mon opinion et que je ne veux pas en faire une généralité. Mais le fait d'avoir d'un côté, travaillé avec des adolescents et de l'autre, étudié auprès de jeunes adultes anglais, me permet de tirer les conclusions suivantes : je ressens un certain état d'esprit d'autosuffisance notamment en ce qui concerne la langue de Shakespeare. Les jeunes ont tendance à se sentir supérieurs de part le fait qu'ils parlent anglais (considérée comme la langue internationale, je ne vous apprends rien) et n'ont pas non plus tendance à se remettre en cause.

6 - Par quel moyen t'es tu logée ?
Je voulais vivre dans le quartier universitaire mais c'était hors de prix. Les logements proposés par l'université l'étaient davantage. J'ai donc cherché toute seule et j'ai finalement trouvé une grande baraque à 20 minutes à pied du campus et qui était cette fois dans mon budget. C'est là qu'a commencé ma grande colocation avec 4 étudiants internationaux : un russe, deux kazakhs et un nigérian ! Sacrée expérience !

7 - Quels sont tes meilleurs souvenirs ?
Les week-ends et les voyages improvisés dans tout le Royaume-Uni. Les billets de train, de bus et d'avion étaient vraiment peu chers et je n'avais jamais autant dégainé ma carte bancaire pour voyager. Mes allers-retours pour Londres me revenaient parfois moins chers que de m'acheter un sandwich à la cafétéria universitaire ! Vous voyez ?
A part les excellents burgers, quelques délicieux fish and chips et le fameux Sunday Roast (idéal après un samedi soir bien arrosé à l'anglaise), j'ai trouvé la cuisine anglaise un peu limitée MAIS il existe une multitude de restaurants aux saveurs venues des quatre coins du monde (merci à toutes les communautés du Royaume-Uni) qui viennent satisfaire nos papilles. Et les prix (je parle de Birmingham) sont vraiment accessibles.
Les soirées Erasmus...qui se passent de commentaires !
Les cours à l'université, tout de même. Il n'y en a pas eu beaucoup mais on sent vite la qualité de l'enseignement.

8 - Les moins bons ?
La météo n'est malheureusement pas un excellent souvenir !
On a été cambriolés trois jours avant mon départ de Birmingham et bien sûr, on a volé mon passeport ! C'était malheureusement le seul document que j'avais sur moi pour rentrer en France. Je me rappelle les nombreux séjours au Commissariat et à l'Ambassade.
Enfin, et c'est malheureusement bien triste, l'alcool étant peu cher, les soirées étudiantes commençaient extrêmement tôt et les fêtards finissaient souvent dans un piteux état. Certains perdaient connaissance. Je me rappelle que nous, les étudiants Erasmus, étions vraiment dépassés par les événements. Je ne savais pas à l'époque que tout ceci n'allait être qu'un désagréable avant-goût de mes prochaines destinations !

9 - Qu'as tu retenu de cette expérience ?
J'ai énormément appris de cette expérience en Angleterre. Si on ne prend pas l'Iran en compte, cette année à Birmingham a été finalement ma première expérience de longue durée à l'étranger. J'ai renforcé mon anglais (et surtout j'ai OSÉ parler en anglais), j'ai énormément voyagé, j'ai eu de nombreuses expériences professionnelles, j'ai commencé à avoir confiance en moi et en mes capacités et je me suis surtout énormément amusée !

10 - As tu des conseils à donner aux lecteurs ?
Mon conseil, suite à cette expérience en particulier, serait de profiter de toutes les opportunités à l'instant T. Je m'explique : je voulais aller à l'étranger. On m'a proposé l'Angleterre, ça ne me plaisait pas mais mon envie de partir l'a emporté. Sur place, j'aurais pu me lamenter sur mon sort et ne pas profiter de cette occasion incroyable. C'est malheureusement ce qui est arrivé à certains de mes camarades : certains sont rentrés dans leur pays d'origine définitivement tandis que d'autres sautaient sur la moindre occasion (vacances, jours fériés, week-end allongé, etc) pour rentrer au pays et attendaient impatiemment les colis mensuels des parents. Les premières impressions de la ville n'étaient pas les meilleures : Birmingham c'est moche, gris, triste, l'accent de ses habitants n'est pas des plus charmants et les étudiants autochtones sont loin d'être accueillants. Je me suis donc donnée pour mission de rendre mon voyage le plus agréable possible : je me suis inscrite dans bon nombres d'activités et d'ateliers et dans plusieurs groupes d'étudiants (ce qu'on appelle les societies), je profitais des week-end pour faire une escapade dans la région, je sortais avec mes collègues anglais et mes amis erasmus, bref, j'ai essayé de me créer une petite vie à Birmingham. Et je m'y suis faite, bien plus vite que je ne le pensais ! Donc en gros, s'il vous arrive la même chose, prenez le temps de faire votre deuil et d'accepter que ça ne correspondra sûrement pas à l'expérience de rêve que vous aviez imaginé. Mais par la suite, ne baissez pas les bras, il y a toujours 1001 façons de rendre un séjour agréable, ne restez pas sur cette dernière note amère.

Et nous ne nous arrêtons pas là, car Farnaz n'en est qu'au début de ses aventures ! La suite prochainement 😉

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