Des hommes voilés

S’il est bien un peuple qui condense tous les fantasmes, c’est bien le peuple targui, qui se nomme lui-même Kel Tamashaq. Nomade par définition et obligation, rebelle car rétif à l’assimilation et l’acculturation, c’est un peuple fier et indomptable, dont la société est réglée sur un modèle défiant les traditions musulmanes et dont la langue, le tifinagh, un dérivé du berbère, a fait l’objet d’un immense et magnifique dictionnaire en quatre tomes par le père Charles de Foucauld.

Dernier arrêt sur images avec Paul Bowles qui nous parle de l’âme et du désert.

Ici, ce sont les hommes qui sont voilés nuit et jour. Le voile est de fine gaze noire et se porte, comme ils l’expliquent, pour protéger l’âme. Mais, comme pour eux l’âme et le souffle sont identiques, il n’est guère difficile de trouver une raison physique, s’il en faut une. La sécheresse excessive de l’atmosphère cause souvent des troubles dans les voies nasales. Le voile conserve au souffle son humidité : il est une sorte de petite plante qui conditionne l’air et permet d’éloigner les mauvais esprits qui, autrement, manifesteraient leur présence en faisant saigner les narines, ce qui arrive souvent dans cette partie du monde.
Il n’est pas très juste de parler de ces gens fiers comme de Touareg. Le mot est un terme d’opprobre signifiant « âmes perdues », qui leur avait été donné par leurs ennemis traditionnels, les Arabes, et qui leur est resté à l’extérieur. Il s’appellent imochagh, les hommes libres.

Paul Bowles, Leurs mains sont bleues
Points Aventures

Photo d’en-tête © Mvongrue