Halloween story


Je me rends compte que je suis en retard cette année. D’habitude, je vous assomme avec Halloween dès le début d’octobre mais là rien. Il faut dire aussi que depuis que la Wicked Witch est à la tête du pays, ça casse l’ambiance. On cauchemarde en continu depuis le 23 juin, du coup c’est pas facile de jouer à se faire peur. Mais bon, comme tous les ans, j’ai quand même eu droit à des cris horrifiés: Halloween, c’est américain et commercial, beurk, pas de ça chez nous ma bonne dame, vade reto Halloween. Ahaha, déjà c’est remarquable autant d’ouverture d’esprit. C’est sûr que dès que quelque chose vient d’ailleurs et qu’on ne le connaît pas du tout, il vaut mieux s’en tenir à des préjugés basés sur une ignorance totale de la chose et tout rejetter en bloc. Ou alors, on peut essayer de se détendre un peu et de s’amuser, c’est bien aussi, surtout que je le répète, Halloween est une fête traditionnelle irlandaise multi millénaire. Ce n’est pas américain. Halloween est arrivée là bas dans les bagages des irlandais qui y ont émigré en nombres. Et franchement, il y a trois milles ans, il y avait très peu de supermarchés qui profitaient des festivités pour essayer de refiler lâchement des masques de Dracula en plastique à 50%. C’est fou non?  Bref, je vous propose, encore une fois de revenir aux sources d’ Halloween, c’est autre chose que ce qu’on en voit dans les mauvais téléfilms. 

Halloween story
Halloween, ou  Samhain pour reprendre son nom d’origine en gaélique,  c’est quoi? Déjà, ça commence fort, j’ai appris avec ravissement que alors que beaucoup dont Wikipedia croient que Samhain était le dieu des morts pour les celtes, pas du tout, espèces de petits ignares non druidiques (druidesques?), ça veut dire fin de l’été, ou début de l’été. Et les druides d’aujourd’hui trouvent la chose d’une logique implacable, puisque figurez-vous que quand l’été finit ici pour les simples mortels non initiés que nous sommes (en tout cas, pour moi, après tout, je ne sais pas pour vous…si ça se trouve, il y a des tas de druides ou neo-païens selon le terme officiel derrière leur écran en ce moment, prêts à venir m’attaquer à coup de menhir…), l’été donc finit ici en même temps qu’il débute dans l’underword, le monde souterrain des esprits maléfiques (je vous sens bluffés, là non? De là à dire que les Australiens ne sont rien que des farfadets et autres fantômes rigolos….bon, je m’égare).

Le 31 octobre était ainsi fêté un peu comme le premier de l’an maintenant. On célébrait la fin des travaux des champs, le retour des troupeaux dans les étables et tout ça. On se préparait pour essayer de passer un hiver tranquille, sans que les méchants esprits, les fées malignes et autres joyeusetés (les Aos sí…aucune idée de la prononciation, mais il y a bien un joli accent sur le « i »), probablement désœuvrés puis qu’apparemment pour eux c’était les vacances d’été ne viennent embêter les gentils humains innocents. Parce que le 31 octobre, des espèces de passages comme de vulgaires portillons, s’ouvraient pour laisser passer les Aos sí , l’air de rien, au milieu des gens normaux. C’est traître quand même un mauvais esprit….(d’ailleurs, pourquoi parle-t-on toujours des mauvais esprits? Il doit bien y en avoir de gentils aussi quand même. Je trouve ça carrément sectaire), ça voit une porte ouverte et hop, ça se jette dans le monde des vivants, sans même avoir été invité. Quel malappris! Du coup, on leur déposait des offrandes (les treats) pour qu’ils retournent soigner leurs indigestions de sucre chez eux (c’est vrai, quand on est ballonné, on profite moins de ses vacances et on a qu’une envie, rentrer à la maison). On essayait de leur faire peur en se déguisant soi-même en esprit encore plus méchant, ou pour réciter des sortes de prières de protection en passant de maisons en maisons. Bref la tradition du « trick or treat » n’est ni nouvelle ni commerciale. Je dis ça sans insister lourdement bien sûr.

Tant qu’on y était (chez les celtes, on est comme ça, on ne va pas gaché une fête juste pour un truc, autant s’en servir à fond), on célébrait les ancêtres, surtout qu’on ne sait jamais, si ça se trouve la grande tante Aoife (ça se prononce Ifa) ou le grand père Darragh (c’est sobre, ça se dit juste dara) sont peut-être devenus des esprits eux-même, autant essayer de leur faire plaisir…les esprits des morts étaient donc très gentiment invités à participer aux festivités (ben oui, eux aussi pouvaient passer par la porte ouverte, ça devait se bousculer là dedans, entre les méchantes fées, les arrières grands-parents sans compter les cousins oubliés…une vraie pagaille. La gare de Liverpool Street à Londres aux heures de pointe, c’est calme en comparaison). On faisait des repas pas possibles, dans la joie, la bonne humeur et les vapeurs des ancêtres. On allumait de grands feux de joie, pour faire fuir les ignobles Aos sí, et purifier l’atmosphère pour survivre à l’hiver (je rappelle qu’on parle de trucs vieux de plus de 300p ans. On avait une vie paisible à l’époque, si on ne se tapait pas un petit virus désopilant, style choléra, c’est qu’on se faisait embrocher gentiment par la tribu d’à côté). La tradition a été reprise par les chrétiens, et ça nous donne la Toussaint.
Bref, c’est vous qui voyez, mais je préfère les bonbons d’hallowe’en aux chrysanthèmes imposés. Et je préfère aussi être invitée à une fiesta sympa par mes arrières-arrières petits-enfants après ma mort que de recevoir des fleurs (ce n’est pas parce que je n’y crois pas que je ne peux pas apprécier l’intention, non?). Cela dit, à titre préventif, au cas où des neo-païens me liraient et se sentiraient un tantinet énervés par mes explications pourtant limpides, je rappelle que je connais très bien une grande prêtresse druidique (elle est comptable dans le civil, comme quoi…), et qu’elle me trouve très sympathique, elle!