La Concession du téléphone de Andrea Camilleri

Roman.
Andrea Camilleri, La Concession du téléphone. Le Livre de Poche, 2011. 281 p. Titre original : La Concessione del telefono.

La Concession du téléphone

Nous sommes en 1891 dans la petite bourgade imaginaire de Vigàta en Sicile. Filippo Genuardi, dit aussi « Pippo », est un négociant en bois qui aurait depuis longtemps fait faillite si son beau-père, un riche notable, n’était pas là pour assurer ses arrières. Sa dernière lubie est l’installation d’une ligne téléphonique à usage privé. Pour l’obtenir, Pippo écrit trois lettres au préfet de Montelusa, se répandant en formules obséquieuses et autres flagorneries.

Votre Illustrissime Excellence,
(…) N’ayant reçu aucune réponse, sans aucun doute en raison d’un banal retard qu’en aucune manière il ne se risquerait à imputer à l’Administration royale des Postes et Télégraphes, le soussigné s’est vu contraint, à son plus grand regret, d’importuner à nouveau Votre Excellence le 12 juillet dernier.

Mais Pippo s’est trompé d’une lettre en écrivant le nom de famille du préfet. Celui-ci, en proie à la plus grande paranoïa, a vu dans cette malencontreuse erreur une provocation et voilà que Pippo se voit accuser d’être un dangereux agitateur politique. Et comme en Sicile la mafia n’est jamais loin, Pippo va devoir également composer avec le parrain local…

S’il me fallait encore une preuve du génie de Andrea Camilleri, la voici avec ce récit très drôle où l’auteur nous dépeint un tableau de la Sicile de la fin du XIXè siècle dans laquelle deux systèmes coexistent : l’administration et la mafia. Toutes deux rivalisent dans l’art des passe-droits et autres malversations en tout genre.

Monsieur le préfet de police, je vous conseillais d’attendre parce que le problème sera certainement résolu par d’autres et que nous ne l’aurons pas sur la conscience.

La forme du roman est originale : « les choses écrites », les échanges épistolaires, alternent avec « les choses dites », les conversations. Cette demande de ligne téléphonique, qui peut paraître anodine de nos jours, va être à l’origine d’un enchaînement de quiproquos et de rebondissements. Camilleri dresse un portrait de la société sicilienne pas très flatteur : lourdeur et immobilisme de l’administration, corruption, hypocrisie, trahison… Et pourtant beaucoup de gaieté et de joie de vivre se dégagent du récit. L’histoire ne se finit-elle pas d’ailleurs sur une note positive ?