Ces rencontres qui te remettent les idées en place

Publié le 28 décembre 2015 par Jenny_myglobestory @jenny_myglobestory

Août 2015, en Corse, près de Corte. Nous avons parcouru à pied une bonne partie de la Corse, notre chargement sur le dos, notre chienne à nos côtés, sous la chaleur écrasante du soleil corse. À une fête de village, nous faisons la connaissance de Karine*, une jolie jeune femme pétillante, la trentaine, d'une rare gentillesse, entourée de beaux enfants, d'un mari aimant, et de vrais amis... Décrite comme ça, Karine a de quoi faire des envieux... !

Mais Karine est en fauteuil roulant.

Il n'y a pas si longtemps, elle a subi une chirurgie au niveau de l'appareil génital. Puis au réveil, surprise : elle avait perdu l'usage de ses membres inférieurs. Comme ça. Elle a confié un problème à un chirurgien, et il lui en a créé un autre... Elle a dû continuer à vivre malgré tout, s'occuper de ses enfants, garder le moral, parce qu'à 30 ans, même si un chapitre de sa vie venait de se terminer, elle en avait encore de nombreux à vivre. Tout allait juste être différent de ce qu'elle avait imaginé...

Elle raconte cela avec un franc sourire et on sent sa force morale au travers de ses mots. Ce soir-là, en Corse, curieuse et réellement sympathique, Karine s'intéresse à notre vie, à ce que nous fabriquons en Corse, à nos voyages... Nous discutons beaucoup toutes les deux. Pas longtemps, mais beaucoup. Profondément. En quelques minutes, elle m'a cernée. Elle sait qui je suis, d'où je viens, où je vais, et quel est mon plus gros " handicap " à moi... Je lui fais part des difficultés physiques et morales que j'ai eues à faire des randonnées sur plusieurs jours ainsi. J'ajoute que j'appréhende de repartir le lendemain pour 5 jours de rando avec des gros dénivelés et un sac toujours plus lourd... Bref, je me plains...

Pendant ce temps-là, les yeux de Karine sont pleins d'étoiles. Elle est admirative de mon parcours, et nos projets, passés, présents, et futurs, la font rêver. Alors que moi je suis en train de m'apitoyer sur mon sort, de mon inquiétude de ne pas pouvoir aller au bout de quelque chose que j'ai choisi de faire, Karine réussit à voir tout autre chose dans mes propos : malgré les difficultés, je suis allée au bout de ce que j'avais entrepris, au bout de quelque chose qu'elle aurait aimé pouvoir entreprendre elle-même. C'est sûr que venant d'elle, ça a une résonance toute particulière... Nous échangeons encore quelques minutes, le temps de se dire au revoir, et au moment de la quitter, elle me dit :

" Bon courage pour cette randonnée, ça va être super ! Et si à un moment, tu as envie d'abandonner, s'il te plait, pense à moi :
j'aurais bien aimé y aller tout là-haut moi. "

Elle agrémente sa phrase d'un ravissant sourire plein d'ondes positives. Sur le coup, je ne sais pas trop si j'ai envie de pleurer, de sourire, de fuir... je me sens un peu stupide en fait. C'est clair que j'allais en baver pour la randonnée qui m'attendait, mais de quel droit je me plains sachant que j'ai la chance d'avoir encore deux jambes fonctionnelles (et si elles sont douloureuses, c'est au moins qu'elles sont encore vivantes...) qui me permettent de réaliser bien des choses, dont le rêve de cette jeune femme... J'avais choisi de faire cette randonnée, de grimper tout là-haut, et il ne tenait qu'à moi de tout simplement arrêter. Ouais, j'avais le choix... Elle ne l'avait pas, ou plutôt, elle ne l'avait plus. Et par respect pour elle, j'allais aller au bout de cette aventure, quoi qu'il m'en coûte moralement.

Le lendemain, on part pour cette randonnée. Comme prévu, elle est assez difficile. De gros dénivelés sur un terrain hostile sous une chaleur torride... Rapidement, on se maudit d'avoir entreprise ça... puis on pense à Karine. On repense à son récit, à sa triste mésaventure. Par respect pour elle, on n'a pas le droit d'abandonner. Pour elle, et pour nous ! Par respect pour notre projet, par respect pour la chance qu'on a de pouvoir le réaliser ; pas question de la gâcher...

Ce qui est arrivé à Karine, et qui l'a privée d'un bon nombre de projets, ça aurait pu nous arriver à nous. Ça pourrait nous arriver... parce que ce genre de choses, ça n'arrive pas qu'aux autres. Et ça nous rappelle une fois plus qu'il faut profiter de la chance qu'on a, et vivre nos projets quand on le peut encore...

Des rencontres comme celle-ci, on en a fait tout un tas depuis qu'on vadrouille dans le monde. Je ne les détaillerai pas toutes dans cet article, car chacune de ces personnes mérite un article entier... Mais crois-moi, ces rencontres transforment ta vision du monde et de ta vie... elles te rappellent à l'ordre si tu as tendance à trop t'apitoyer sur ton sort, elles te font voir ta chance là où tu n'arrivais pas forcément à la voir avant, elles te motivent à aller au bout de ce que tu aimes, à ne pas attendre qu'il soit trop tard pour réaliser que tu avais des projets importants qui sont tombés dans le domaine de l'impossible...

À méditer pour tes résolutions 2016... ;-)

*pseudonyme