"Une Histoire de Fou", de Robert Guedignan

On commence en 1921, au procès de Soghomon Thelirian qui se tient à Berlin. Ce jeune homme, ayant vécu les atrocités du génocide arménien et été témoin de l'extermination de sa famille, tue à bout portant celui porté pour responsable de ce crime contre l'humanité, Talaat Pacha. Acquitté, il devient le symbole de la dignité arménienne, adulé par des générations entières. On poursuit dans les années 1980, dans la famille d'Aram, jeune français d'origine arménienne qui porte intrinsèquement les blessures du génocide vécu par sa patrie. C'est ainsi que nous devenons spectateur de la naissance d'un être terroriste, d'un "juste" à la Camus, et de ses actes assassins, directs ou indirects.Comme à son habitude, Robert Guedignan met l'accent sur la psychologie et les contradictions humaines de ses personnages. Il nous rappelle très implicitement que peut-être, une bonne personne peut commettre l'irréparable. Ça semble être le cas d'Aram, jeune engagé dans les luttes armées et déterminé à rendre la terre arménienne à sa grand-mère. Tout au long du film, on vit au côté de la famille d'Aram et notamment de cette mère qui cherche la rédemption à tout prix. Sa force et sa douleur viennent nous saisir, et nous menons ce combat avec elle, au-delà des frontières, de la France en Arménie, en passant tragiquement par le Liban. Elle dénonce les actes de son fils, elle les déplore même, mais ce fils, elle l'aime. Aram, on l'aime presque aussi. Pas pour ce qu'il fait évidemment, mais pour ce qu'il semble être. On comprends son combat, son cheminement et on s'attache au personnage qui nous incite à notre tour à choisir notre camp. Et un brin de lucidité plus tard, on choisit, on condamne l'atteinte à toute vie humaine quel que soit le combat que l'on mène. Bien que très romancée, l'histoire de Gilles, jeune homme victime d'Aram, nous bouleverse donc et maintient notre curseur empathique au plus haut point.Tous ces personnages, bruts, authentiques, sont incarnés à la perfection par cette bande d'acteurs qui nous amène à voir que le Bien et le Mal se tiennent parfois la main. Pas de parti pris de la part de Robert Guedignan qui déroule les évènements et ne fait parler que l'Histoire et ses personnages. Pas de parti pris, mais une volonté certaine d'évoquer le génocide arménien et, peut-être, la responsabilité collective dans ces actes de barbarie, génocide et terrorisme comprisLa description du processus d'endoctrinement, l'entraînement aux combats sur les camps, la force des réseaux et la mobilité facile des combattants, sont autant d'éléments qui nous amènent inévitablement à faire le lien avec ce qu'il se passe actuellement en Syrie et dans le monde.