La ville du mois de novembre: Florence, l'art de renaître

Je m'aperçois, avec effroi, que je n'avais encore jamais consacré un mois à un espace italien. Et pourtant, j'en parle énormément du pays de la dolce vita. Florence n'est pas une synthèse du patrimoine italien. Elle a impulsé un mouvement, celui de la Renaissance, qui certes s'est étendu à toute l'Italie et au délà, mais qui a pris des aspects et des traits différents selon les différentes cités. Alors prenons Florence pour ce qu'elle est: une ville de la Renaissance où les façades des palais se bombent au rez de chaussée grâce aux pierres saillantes; une ville où la plaque en souvenir de Savonarole sur la place de la Seigneurie nous montre combien la cité a été marquée par les luttes, quitte à faire couler le sang; une ville où l'âge d'or s'arrête avec la mort de Laurent le Magnifique en 1492 alors que de l'autre côté, les Américains "se font découvrir".

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Florence, une ville qui cache des trésors, et même des gros

C'est justement la fin de cet âge d'or qui fait l'identité de la Florence d'aujourd'hui. Sans cela, sa physionomie aurait pu être bouleversée par de grandes artères style XIXe siècle ou alors de grands buildings. Toutes les bonnes choses ont une fin et c'est cette fin qui a permis à la ville de naître une seconde fois. Aujourd'hui, il serait presque impensable de se faire une virée en Italie sans passer par Florence au même titre que Venise et Rome, 2 autres villes musées qui n'ont véritablement rien en commun entre elles. Florence, c'est comme un Disneyland du patrimoine. Mon enquête estivale sur les bâtiments laids florentins a échoué totalement. On peut lui reprocher d'être aseptisée mais on ne peut affirmer qu'elle est affreuse même si tous les goûts sont dans la nature et que les façades brutes et sans décoration exhaustive pourraient en dérouter plus d'un. Ici, on sent encore la présence des Médicis et des autres grandes familles qui ont fait l'histoire de la ville car nous devons beaucoup aux Pazzi, Strozzi ou autres Rucellai. Leurs batailles se sont aussi jouées sur le terrain artistique et architectural. Les blasons foisonnent, les chapelles sont les refuges d'oeuvres inestimables plus que de corps tandis que le palais Strozzi incarne le volume, la puissance et l'arrogance entre les étages à pavement qui s'estompent au fur et à mesure qu'on regarde vers le ciel, des fenêtres bien trop hautes pour qu'on puisse pénétrer dans l'intimité et des fers à cheval en guise de décorum. Ce sont elles qui ont lancé un mouvement qui se voulait en rupture avec le Moyen Age. Si elles n'avaient pas existé, Florence ne serait alors encore qu'un conglomérat de tours habitables. Malgré tout, on imagine que les habitants de l'époque avaient la même sensation de hauteur que nous devant les tours qui s'hérissent à Shanghai ou Dubai.

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Explosion de beauté dans les rues de la cité florentine

Pour devenir Florence, il fallait des artistes. Ghirlandaio, Masaccio, Fra Angelico, Giotto sans oublier de terminer par la crème de la crème, Michel Ange et Lénonard de Vinci. Ils sont autant les artisans de la ville que pouvaient l'être les familles régnantes. J'ai déjà évoqué, et j'aurais l'occasion de le redire à maintes reprises ce mois-ci, Florence est marquée par les façades de ses bâtiments avec le souci de coller à l'environnement existant et c'est surtout aux angles de rue qu'on soigne l'esthétisme. Mais si Florence a marqué l'histoire de l'art, c'est aussi et peut être plus que l'architecture par sa peinture. Alors que les Byzantins déployaient des mosaïques dorées de plus en plus fastueuses jusqu'à inspirer la cathédrale de la voisine Pise, alors que l'art gothique avait fait essaimer les vitraux en France, alors que dans les demeures des grands seigneurs, les tapisseries comblaient les vides des murs, ce sont les fresques qui vont jouer un rôle de taille à Florence. Et il suffit de pousser les portes des églises à l'instar de la Chiesa Trinita, pour pouvoir être stupéfait par les fresques de Ghirlandaio à condition d'y mettre un petit sou pour avoir de la lumière. C'est ce que j'aime le plus à Florence, le décor intérieur en jette encore plus que ce que suppose l'extérieur. Les couleurs sont vives, les traits expressifs et l'Homme est questionné à chacune de ces oeuvres. Il n'y a qu'à voir la détresse d'Adam et Eve dans la chapelle Brancacci, située dans l'Oltrarno, pour voir à quel point, les peintres de la Renaissance florentine ont su capter ce qu'on appelle le sentiment. Soit, le David de Michel Ange ou les tableaux de Boticelli à la galerie des Offices sont des incontournables, il serait dommage de ne pas pénétrer dans ces lieux saints si méconnus. D'ailleurs, elles n'ont pas grand chose à avoir avec le merveilleux Duomo, certes époustoufflant mais qui ne pourra jamais se targuer de pouvoir nouer un lien d'intimité avec celui qui y entre. C'est aussi l'occasion d'assister à des messes, au hasard, pour saisir la piété italienne, comme si on faisait encore une fois un bond dans le passé.

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Honte et détresse chez Adam et Eve

Ce sont tous ces trésors qui s'offrent à nous et nous n'oserions pas nous approcher de trop près comme si nous avions peur de souiller son décor. C'est un peu la même chose avec les vitrines des grands créateurs qui nous semblent inaccessibles alors que les Italiens, riches ou moins riches, y entrent sans complexe. Finalement, s'il y avait bien une formule de musée qu'on pourrait souffler aux oreilles de ses conseillers municipaux, ce serait "Défense de toucher".

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La ville est un long fleuve tranquille